Le secteur minier québécois pourrait doublement profiter de la ruée vers le lithium et vers les autres minerais nécessaires à la fabrication de batteries. Ce besoin soutient l’essor de l’industrie tout en lui offrant une voie de diversification, alors qu’elle est actuellement concentrée sur l’extraction de l’or et du fer.

Il n’y a pas que le lithium dans les batteries des véhicules électriques. D’autres minerais sont indispensables, dont le graphite. Or, la seule mine de graphite active en Amérique du Nord se situe au Québec. La mine de Lac-des-Îles, près de Mont-Laurier, est exploitée par l’entreprise ontarienne Northern Graphite.

Cette mine symbolise la diversification du secteur minier québécois, stimulée par la demande en minerais destinés à la fabrication des batteries des véhicules électriques. Northern Graphite dispose d’un vaste plan visant à extraire le graphite de Lac-des-Îles, mais aussi d’une mine lui appartenant en Namibie, et à transformer le minerai en matériau pour anodes dans une usine de 1,2 million de mètres carrés qui doit être construite à Baie-Comeau.

« Nous voulons nous positionner comme la première usine en Amérique du Nord qui fournit du graphite prêt à être utilisé dans les batteries », affirme Hugues Jacquemin, directeur général de Northern Graphite.

PHOTO FOURNIE PAR NORTHERN GRAPHITE

La mine de Northern Graphite à Lac-des-Îles

L’entreprise prévoit de produire 200 000 tonnes de graphite à partir de 2027, avec 500 emplois à la clé dans un premier temps, et la perspective d’embaucher plus de 2000 personnes à terme.

Des occasions de diversification

L’intérêt de ce projet vient d’être renforcé, à la fin d’octobre, par la décision de la Chine de contrôler ses exportations de graphite. La puissance asiatique transforme actuellement 90 % du graphite utilisé dans les batteries sous forme de matériau pour anodes. Si l’Amérique du Nord souhaite sécuriser sa fabrication de batteries, il lui faudra miser sur une production locale de minerais, dont le graphite, qui représente plus de la moitié du poids d’une batterie. « Avec notre usine, on pourrait répondre à 7 ou 8 % des besoins de l’Amérique du Nord et de l’Europe », souligne Hugues Jacquemin.

Ces perspectives ne sont pas seulement prometteuses pour Northern Graphite. L’ensemble du secteur minier québécois est en train de vivre une période faste grâce au dynamisme de ses deux piliers. « Quand l’extraction de fer et d’or se porte bien, l’industrie minière québécoise se porte bien », souligne Josée Méthot, PDG de l’Association minière du Québec (AMQ).

L’extraction à venir de graphite, de lithium, de nickel et de cuivre peut ouvrir la voie à une plus grande diversification de l’industrie au Québec. Sur les 35 projets miniers à l’étude dans la province, près de la moitié concernent des minerais nécessaires à la fabrication de batteries électriques.

Les dépenses en travaux d’exploration de gisements de lithium ont atteint près de 74 millions de dollars en 2022, soit 50 % de plus qu’en 2019 qui était le record pour ce minerai jusque-là, selon les données de l’Enquête annuelle sur l’investissement minier de l’Institut de la statistique du Québec. « Le lithium a le potentiel pour prendre une grande place au Québec », considère Jean-François Boulanger, professeur de métallurgie extractive des éléments critiques et stratégiques à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT).

Chaînes d’approvisionnement responsables

Même le cuivre, qui n’était plus obtenu que comme un sous-produit de l’extraction de l’or, est ciblé par deux projets de mines consacrées à ce métal, près de Matagami et de Chibougamau.

Quand on parle de l’industrie minière du Québec comme étant capable de produire des métaux critiques destinés à la production de batteries, c’est intéressant. Notre production peut avoir une des plus faibles empreintes carbone au monde.

Josée Méthot, PDG de l’Association minière du Québec

« Cela nous positionne dans les chaînes d’approvisionnement responsables, lorsque les producteurs automobiles se demandent où prendre leurs matières premières. »

Or, les futures usines de batterie tendent à s’implanter à proximité des sources de matières premières. Et à leur tour, ces créations d’usines viennent sécuriser les investissements dans le secteur minier, explique Josée Méthot, en soulignant l’impact économiquement positif de la transformation des minerais pour l’économie provinciale.

Une plus grande diversification de l’extraction offrirait une certaine force, poursuit-elle, « parce que quand un minerai connaît des difficultés sur les marchés, d’autres minerais qui connaissent une demande en croissance peuvent prendre le relais ».

Certes, l’or est plus que jamais une valeur refuge sur les marchés, et le fer est abondamment consommé pour produire l’acier nécessaire à la construction d’infrastructures. Mais la ruée vers les minerais nécessaires aux batteries électriques pourrait soutenir le secteur minier québécois en cas de retournement des prix de l’or et du fer sur les marchés, les deux métaux les plus précieux jusque-là pour l’industrie.

En savoir plus
  • 85 %
    Part de l’or et du fer dans le total des redevances minières au Québec
    Source : AMQ