L’entrepreneuriat décline au Canada, selon une récente étude de la Banque de développement du Canada. Le Québec n’est pas épargné, bien que les PME constituent l’épine dorsale de son économie. Pistes de solution.

Un déclin que constate aussi le directeur général de l’Association des professionnels en développement économique du Québec (APDEQ), Vincent Lecorne.

Les courbes du Global Entrepreneurship Monitor (GEM), piloté au Québec par Étienne St-Jean et Marc Duhamel, de l’Université du Québec à Trois-Rivières, parlent d’elles-mêmes, indique-t-il en entrevue. Cette tendance lourde n’est pas propre au Canada, précise-t-il, évoquant les pays membres de l’OCDE.

« C’est épeurant, le nombre de PME qu’on voit fermer », déplore en entrevue Marie Beaupré, cofondatrice de l’entreprise Les Mauvaises Herbes avec Mariane Gaudreau et Audrey Woods. Parmi les exemples récents figure la marque de lingerie fabriquée au Québec Sokoloff, qui a annoncé qu’elle interrompait ses activités après 15 ans.

Ce déclin est super compréhensible. Avec l’inflation, les clients ont épuisé leur portefeuille. La survie financière prime. Si les gens ont de la misère à boucler la boucle chaque mois, à acheter l’épicerie et les produits essentiels, on ne peut pas leur en vouloir de ne pas acheter de petits produits locaux.

Marie Beaupré, cofondatrice des Mauvaises Herbes

L’entrepreneuriat sous diverses formes

Parmi les facteurs freinant la hausse du nombre d’entreprises au Québec, M. Lecorne souligne le vieillissement démographique et le marché de l’emploi. « Il y a beaucoup d’offres pour des gens qui veulent de bonnes conditions de vie, une conciliation travail-famille. »

Comment inverser ce déclin ? « Il faut mettre de l’avant les arguments pour amener quelqu’un à être entrepreneur à temps plein – un autre défi en soi », relève M. Lecorne, qui dénote la croissance « depuis deux, trois ans » de l’entrepreneuriat hybride : des gens qui vivent leur projet personnel d’affaires en marge d’un emploi leur offrant qualité de vie et stabilité.

L’entrepreneuriat collectif, qui regroupe plusieurs personnes dans un projet d’affaires, va également s’accentuer, observe-t-il. Cette approche découlant de l’économie sociale et circulaire s’avère fort attrayante à ses yeux. « On pourrait la mettre plus en valeur comme façon d’avoir une qualité de vie, de se partager les tâches, d’avoir de beaux projets d’affaires réunissant nos valeurs. »

Cette évolution de l’économie inhérente aux changements climatiques et à la vie post-pandémique, indique-t-il, montre que « les gens choisissent une qualité de vie, un lieu où vivre. Après, ils choisissent un travail, un métier ».

Une autre manière de réaliser un rêve entrepreneurial, mais sans partir de zéro, expose-t-il, est le « repreneuriat », qui prend du galon. Avec les départs de propriétaires vieillissants, les rênes de nombreuses entreprises – « et des belles » – sont à reprendre. Là encore, « les chiffres parlent tout seuls », assure M. Lecorne.

Le repreneuriat offre une longueur d’avance aux gens dotés d’une fibre entrepreneuriale, des étapes étant déjà franchies. « La marche est peut-être plus haute pour s’approprier l’entreprise au début, mais il y a déjà une machinerie, une clientèle, un réseau de distribution en place », explique-t-il.

Une autre avenue à emprunter, plus florissante en France, mais qui gagnerait à se développer ici, estime-t-il, est le flexi-entrepreneuriat, qui fournit des services administratifs aux entrepreneurs. Ces derniers peuvent ainsi se concentrer sur leurs projets.

« Les entrepreneurs sont des chefs d’orchestre qui ont des idées, des façons de faire pouvant sortir de l’ordinaire ; mais la gestion des affaires, ce n’est pas toujours leur tasse de thé, fait remarquer le directeur de l’APDEQ. Ça demande de se former ou de s’associer avec d’autres. Donc, si on leur offre une plateforme qui s’en occupe, on règle des enjeux. »

Dans l’Hexagone, ce système est doté de structures légales (assurances maladie, médicaments, vacances, etc.) qui lui confèrent le côté plus protecteur d’un emploi, ajoute-t-il.

Vincent Lecorne rappelle de plus que les organisations de développement économique abondent au Québec ; il invite les entrepreneurs à se tourner vers celles de leur territoire (villes ou MRC), citant PME Montréal.

Ultimement, face au « déclin du paysage entrepreneurial au profit des multinationales, il faut arrêter de penser que la solution réside dans le portefeuille des clients, conclut Marie Beaupré. On n’est plus là ».

« On doit se demander quelle société on veut, quel paysage entrepreneurial on veut. Et ce serait le fun que nos gouvernements en parlent parce qu’on dirait que ça fait la sourde oreille. Est-ce qu’il faut comprendre de leur silence que ce n’est pas important pour eux ? »