Comme BRP qui s’apprête à lancer son vélo électrique, des entreprises québécoises se démarquent en matière d’électrification des moyens de transport. Mais il manque au Québec une stratégie globale permettant de se positionner comme un chef de file dans des niches de marché, selon certains experts.

Dans quelques semaines, la première motoneige électrique de BRP sortira de l’usine. Elle sera un des fruits du plan d’investissement de 300 millions de dollars lancé par la firme de Valcourt pour s’étendre sur les nouveaux marchés de la mobilité électrifiée, notamment en ville.

En 2027, BRP entend avoir développé tout un portefeuille de produits de loisirs électriques. L’entreprise a déjà annoncé le lancement d’une gamme de motos Can-Am, d’une planche à aile portante ou hydrofoil Sea Doo, et du groupe motopropulseur pour les karts Rotax E10. « D’ici 2035, nous visons que 50 % de nos unités vendues dans le monde soient électriques », affirme Sandy Scullion, président du Groupe sports motorisés chez BRP.

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

Sandy Scullion, président du Groupe sports motorisés chez BRP

La multiplication de ces modèles électriques repose sur une stratégie de développement en interne des technologies nécessaires à l’électrification. « Cela nous permet de ne pas être limités par les composants existants, et de pouvoir accélérer le développement quand c’est nécessaire », explique M. Scullion.

La mise en œuvre de cette stratégie a mené à l’acquisition d’entreprises occupant des positions clés dans la conception et la fabrication de composants de vélos électriques, dont Activités de Kongsberg à Shawinigan, spécialisée dans la fabrication de produits électroniques et mécatroniques, mais aussi récemment en Allemagne avec une prise de participation de 80 % dans Pinion, spécialisée dans les boîtes de vitesse.

C’est sur cette maîtrise technologique que BRP s’appuie pour permettre à M. Scullion de déclarer : « Nous nous lançons clairement sur le marché de la mobilité urbaine. » Tous les éléments du puzzle sont prêts pour voir arriver sur ce marché un vélo électrique conçu et fabriqué par BRP, qui lorgne désormais l’immense marché mondial de la mobilité urbaine.

70 milliards de dollars

C’est la valeur du marché mondial de la mobilité urbaine, vers laquelle BRP a décidé de s’orienter. Cela représente deux fois la valeur du marché des sports motorisés.

Source : estimation par BRP

La date de lancement du futur vélo électrique de BRP n’est pas encore connue. Mais « ce sera dans un avenir relativement proche », assure Sandy Scullion.

Étant donné l’intérêt de BRP pour la mobilité électrique, peut-on s’attendre à voir arriver une automobile électrique une fois le vélo lancé ? « L’automobile n’est pas dans notre plan pour l’instant », tempère M. Scullion.

Des initiatives isolées

Outre les véhicules récréatifs et bientôt urbains de BRP, des firmes québécoises expérimentent des véhicules et des infrastructures électrifiés dans le domaine ferroviaire, le secteur minier, les véhicules spécialisés tels que les balayeuses, les véhicules moyens et lourds et les infrastructures de recharge, énumère Michelle Llambias-Meunier, vice-présidente aux opérations chez Propulsion Québec, qui se félicite de « voir l’écosystème d’entreprises se développer rapidement depuis six ans ».

Le plan de BRP, comme celui de Lion Électrique pour les autobus, est salué par Normand Mousseau, directeur scientifique de l’Institut de l’énergie Trottier (IET), qui regrette cependant l’absence de stratégie globale québécoise pour se positionner dans des niches de marché. « Nous avons des entreprises innovantes, mais nous ne structurons pas notre action collective pour soutenir ces entreprises... sauf les autobus, explique M. Mousseau. Nous ne faisons pas le travail pour identifier nos niches les plus intéressantes en termes de propriété intellectuelle afin d’asseoir le Québec comme une vraie base industrielle, et pas seulement un fournisseur d’électricité. »

Or, le temps presse. « Il devient difficile de se placer sur les marchés », pointe Normand Mousseau. « Ce sont des occasions ratées qui ne repasseront pas. » 

La décarbonation risque de se faire par l’achat d’infrastructures étrangères, comme les grosses usines de batteries dont la propriété intellectuelle est sud-coréenne, et qui se déplaceront si de meilleures subventions sont offertes ailleurs.

Normand Mousseau, directeur scientifique de l’Institut de l’énergie Trottier

Une insuffisance de bornes de recharge

Un grand défi de l’électrification des transports sera l’accès aux bornes de charge. « On manque de bornes de charge rapide dans les grands centres urbains du Québec », regrette Simon-Pierre Rioux, porte-parole de l’Association des véhicules électriques du Québec (AVEQ).

Là aussi, les initiatives de certaines entreprises viennent pallier les insuffisances de l’offre. « De plus en plus de commerces proposent la recharge à leurs clients, comme St-Hubert et IGA. Ils veulent démontrer qu’ils sont prêts à cette transition, en éduquant le consommateur avec ce service supplémentaire, explique M. Rioux. C’est un service apprécié par les consommateurs, surtout les locataires quand ils n’ont pas accès à une borne chez eux. »