La technologie pour atteindre une plus grande autonomie alimentaire au Québec est prête à être déployée dans les champs, les serres et les fermes du Québec, mais il existe un frein à son implantation : son acceptation et son appropriation de la part des agriculteurs.

« On est en pleine gestion du changement », dit Marilou Cyr, directrice générale de Zone Agtech, une entité consacrée au rayonnement et à la progression d’entreprises de technologies agricoles.

Si les choses sont en progression, il reste du chemin à faire, convient-elle. Les grandes associations comme les producteurs de pommes, de fraises et framboises, les maraîchers, les propriétaires de serres et les viticulteurs sont en pleine adaptation. « Il faut démystifier ce que les nouvelles technologies peuvent faire et à quel point elles peuvent aider à la performance des entreprises, explique Mme Cyr. Le défi, c’est vraiment l’intégration. »

Question de confiance

Alexandre Porlier, ingénieur et professeur à l’Institut de technologie agroalimentaire du Québec, est du même avis : les technologies sont présentes et prêtes, il ne reste plus qu’aux agriculteurs, aux maraîchers et aux propriétaires d’entreprises agroalimentaires à savoir les utiliser. « Chaque ferme est différente, souligne M. Porlier, il n’y a pas une seule recette qui s’applique à tout le monde ! »

Est-ce une question générationnelle ? Pas tellement, avance-t-il.

L’ouverture est là, mais si on ne connaît pas les possibilités technologiques, ça peut paraître complexe. Aussi, on peut avoir du mal à faire confiance.

Alexandre Porlier, ingénieur et professeur à l’Institut de technologie agroalimentaire du Québec

Il cite en exemple le déploiement de l’intelligence artificielle, dont le développement et toutes ses applications se font à la vitesse grand V. Par exemple, dans les silos à grains, des capteurs de monoxyde de carbone liés à l’intelligence artificielle peuvent fournir des informations précieuses, en temps réel, et ajuster la ventilation automatiquement.

« Il y a une question de temps et une question de pratique, dit Alexandre Porlier. Et ensuite, il y a une question de prise de risque : avec quoi les gens sont-ils à l’aise ? »

Si le Québec veut atteindre de plus grandes sécurité et indépendance alimentaires, tout en utilisant moins d’énergie, de terre, d’eau et de produits chimiques, il faudra faire pousser plus de fruits et légumes variés en agriculture verticale (on le fait déjà pour différentes variétés de laitues, tomates, fines herbes, micropousses, par exemple), observe Marilou Cyr, de la Zone Agtech.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Marilou Cyr, directrice générale de Zone Agtech

Cap sur la protéine végétale

L’autre grand défi, c’est d’accroître le nombre d’entreprises spécialisées en fabrication de protéines végétales comme le tofu et le soya – et d’en faire une meilleure commercialisation.

Les gens sont plus conscientisés à manger santé et localement, en plus d’être plus sensibles au bien-être animal et à l’utilisation de moins de ressources.

Marilou Cyr, directrice générale de Zone Agtech

Elle souligne que dans certains pays, comme aux États-Unis et en Israël, des pas de géant se font du côté du développement de viandes en laboratoire (celle-ci est créée à partir de particules de viande élevées dans un environnement contrôlé). « L’expertise de ces communautés scientifiques est reconnue et les investissements sont massifs », signale Mme Cyr.

Une agriculture plus verte

Chose certaine, la transition vers une agriculture plus verte est bien entamée au Québec et certaines entreprises se démarquent par leur innovation dans ce domaine. C’est le cas d’ESA Séries, une entreprise sherbrookoise spécialisée en qualité d’air dans les bâtiments de production agricole depuis une dizaine d’années.

PHOTO FOURNIE PAR ESA

ESA Séries se spécialise en qualité d’air dans les bâtiments de production agricole.

Les échangeurs d’air récupèrent l’air chaud évacué du bâtiment pour ventiler les installations et réchauffer l’air entrant. En plus de maintenir une température plus stable, cette technologie permet d’assurer un meilleur bien-être animal en maintenant les conditions d’élevage, de faire baisser les émanations de gaz à effet de serre, de baisser les factures de chauffage (jusqu’à 60 %) et même de gagner en productivité, fait valoir Gabriel Gagné-Marcotte, président-directeur général d’ESA Séries.

« On estime qu’il y a un gain de productivité de 2 %, dit-il. Et en filtrant ainsi l’air entrant, on limite les contaminants et on réduit les enjeux de grippe aviaire ou encore de SRAS porcin. »

L’entreprise, qui a breveté ses innovations, a déployé plusieurs dizaines d’échangeurs partout au pays et emploie 18 personnes. « Et ce n’est pas fini, lance M. Gagné-Marcotte, nos ambitions sont internationales ! »