Deux entrepreneurs ont conçu un cimetière forestier qui propose plusieurs options pour les défunts, dont un volet numérique. À terme, le lieu deviendra une forêt de milliers d’arbres.

Quoi ?

Les services entourant la mort se diversifient ; les rituels de fin de vie aussi.

Depuis quelques années, il est possible que les cendres d’un défunt soient intégrées à un arbre en devenir. L’idée est populaire auprès des gens qui veulent réduire l’empreinte écologique d’une inhumation classique, ou qui n’adhèrent pas aux rituels établis.

Deux Québécois veulent créer une forêt faite de ces arbres. Les proches des défunts pourront se recueillir et se balader dans cet environnement paisible, aménagé dans l’ancien golf de Sainte-Sophie, dans les Laurentides.

La Forêt de la seconde vie a été inaugurée la semaine dernière. Une vingtaine de clients ont déjà acheté un forfait, pour un proche décédé ou pour eux-mêmes, en préarrangement, selon les promoteurs. Des salons funéraires qui ont embrassé le concept proposent déjà les services de la Forêt.

L’innovation

Si ce concept de l’arbre funéraire n’est pas nouveau, la Forêt de la seconde vie encadre la pratique et vient offrir un environnement bien défini, avec des aires de détente qui favorisent le recueillement.

Par exemple, il y aura différentes essences d’arbres, regroupées par thèmes. Avant son décès, un futur client pourrait très bien choisir à quel arbre il souhaite que ses cendres soient greffées, selon les caractéristiques de l’arbre. Des proches qui optent pour ce service auront à prendre cette décision, mais ils seront guidés par des représentants de l’entreprise.

Déjà, on offre une carte de services allant de la dispersion des cendres dans la nature, pour quelqu’un qui ne souhaite pas prendre racine dans un espace physique après sa mort, jusqu’aux forfaits plus haut de gamme. Il est possible de payer pour un arbre, mais aussi pour plusieurs qui seront plantés à la mémoire de membres d’une même famille. Comme les lots de cimetières plus classiques.

  • Le bâtiment d’accueil est entouré d’arbres matures.

    PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

    Le bâtiment d’accueil est entouré d’arbres matures.

  • Partout sur le terrain se trouvent des aires de repos et de recueillement.

    PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

    Partout sur le terrain se trouvent des aires de repos et de recueillement.

  • Carte du site de la Forêt de la seconde vie

    PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

    Carte du site de la Forêt de la seconde vie

  • Une partie du terrain de la forêt, situé dans l’ancien golf de Sainte-Sophie

    PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

    Une partie du terrain de la forêt, situé dans l’ancien golf de Sainte-Sophie

  • Une aire de repos surplombant une rivière

    PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

    Une aire de repos surplombant une rivière

1/5
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

L’entreprise propose des « coffres » virtuels qui contiennent des photos du défunt, même une vidéo, selon le forfait choisi. Le président de l’entreprise, Ritchie Deraîche, explique qu’une spécialiste en deuil pourra aider une cliente qui fait ses préarrangements à préparer un petit mot pour ceux qui assisteront à la plantation. « Ce seront les derniers mots que la famille et les enfants entendront, après le décès, dit-il. C’est fait dans un angle positif, pour les aider à traverser leur deuil. »

Les visiteurs auront accès à ce contenu grâce à une application.

Ce mariage entre la mort et la technologie se voit de plus en plus, explique Jean-Marc Barreau, titulaire de la Chaire Jean-Monbourquette sur le soutien social des personnes endeuillées, de l’Université de Montréal.

« Le monde du numérique et le monde du rituel en lien avec le numérique sont extrêmement sollicités, dit-il. En Amérique du Nord, en Europe. Et en Asie, ils ont quelques décennies d’avance sur nous. Avec des entreprises qui proposent une visite du défunt purement numérique. »

Selon lui, le monde funéraire est extrêmement inventif et cherche des moyens de mieux servir une clientèle à qui les méthodes traditionnelles parlent peu. Le projet de Sainte-Sophie s’inscrit dans cette mouvance.

Qui ?

Ritchie Deraîche et Guillaume Marcoux, respectivement président et vice-président de l’entreprise, ont travaillé en immobilier. Les deux partenaires parlent de leur cimetière forestier comme d’un terrain divisé en plusieurs lots.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Guillaume Marcoux et Ritchie Deraîche

« C’est drôle à dire, mais c’est du lotissement, dit Guillaume Marcoux. C’est du développement immobilier, d’une certaine façon. » L’équipe a travaillé trois ans à la conversion du terrain de golf. L’aménagement a été confié à des ingénieurs forestiers.

Il y a 7000 lotissements de 196 pieds carrés. Il est possible d’enterrer un animal au pied de l’arbre de son maître. Bref, les services offerts sont très vastes, à prix variés.

Selon Guillaume Marcoux, ce qui rend ce projet unique est la grandeur des lots et l’ampleur des lieux. Le cimetière n’est ouvert qu’aux propriétaires de lots ou à leurs proches.

Si la municipalité de Sainte-Sophie était suspicieuse au départ, elle est maintenant ravie d’avoir un si bel espace, avec une vocation originale, confie le maire Guy Lamothe, qui était présent à l’inauguration, le 10 août. « C’est un endroit très attirant, dit-il. On s’y sent bien dès qu’on entre. »

« On avait le goût d’innover et de présenter une alternative aux Québécois. Et de préserver et conserver des superficies forestières », dit Guillaume Marcoux.

L’avenir

Les deux entrepreneurs comptent faire des petits et reproduire le modèle ailleurs au Québec.

« C’est une belle manière de tendre la main pour faciliter la résolution du deuil », dit Jean-Marc Barreau, qui ajoute que ce genre de formule peut apporter du sens au deuil, pour certains. « Le fait de donner un sens écologique au deuil contribue à cette résolution. »

Il y a un détachement de plus en plus significatif entre la religion et la spiritualité, poursuit-il : « Ce projet est l’occasion pour les gens de s’approprier une spiritualité dans un moment tout à fait particulier, le deuil. »