Il y a des endroits où l’on sait que l’on va devenir un habitué dès que l’on passe la porte, la première fois. C’est l’odeur, l’ambiance, l’accueil. Tout est rassurant. On se sent un peu comme à la maison…
Les Bols du quartier du Carrefour solidaire font partie de ces lieux-là.
L’inflation alimentaire est au plafond ?
Ça ne paraît pas dans l’espace café-épicerie. Même si on sait que les gestionnaires du Carrefour solidaire se cassent la tête parce que la hausse des prix des aliments leur amène inévitablement plus de demandes pour l’aide alimentaire qui y est offerte, sous différentes formes.
« On travaille plus fort pour aller chercher des subventions », confirme Vanessa Girard-Tremblay co-directrice générale de l’organisme du Centre-Sud de Montréal.
Mais l’équipe ne travaille pas seulement d’arrache-pied pour que les budgets arrivent, elle a mis au monde cette année ce petit espace inclusif et chaleureux.
Ça commence à l’entrée, avec Claude qui vous accueille comme si vous étiez de la famille et vous sert un bon café. C’est mardi, et c’est la maison qui l’offre !
Claude Dufresne est bénévole depuis quelques années pour cet organisme communautaire. Il voit que le climat social est mis à mal par la hausse des prix des logements et de l’épicerie.
Sylvain, aussi bénévole, fait le même constat. Lui-même avoue avoir de la misère à joindre les deux bouts et devoir sauter des repas à l’occasion.
« Ça n’a pas de bon sens l’augmentation, dit-il. On nous joue du violon lorsqu’on parle de 8 % d’inflation sur une année. Il y a deux ans, je payais 2,50 $ pour une poche de patates. Ça coûte 6 $ aujourd’hui. Quand on regarde sur cinq ans, ça n’est plus 8 %. C’est beaucoup plus. »
« Je mange le minimum, avoue Sylvain, sans s’en plaindre. Des fois, je ne mange qu’un repas par jour. »
Heureusement, son bénévolat et son travail au Carrefour lui apportent quelques avantages, dont les repas les jours de lunch, les mardis et jeudis.
Ce midi-là, c’était la soupe portugaise au chorizo, servie avec du pain maison et de la salade de chou. À côté de la caisse, il y a les traditionnels brownies et quelques petites douceurs.
L’endroit a misé sur la mixité, explique Vanessa Girard-Tremblay.
Ça se voit sur les tablettes du côté épicerie, qui offre tous les essentiels, de différentes gammes, et où les produits locaux sont bien apparents.
La crème glacée des Givrés, les champignons Blanc de gris, le fromage de la ferme Vallée verte, les nachos de la tortilleria Maya et le pain de la boulangerie Arhoma donnent un coup de joie dans ce marché où la misère n’a pas sa place. Il y a un coin fruits et légumes et même quelques bouteilles de vins québécois.
La viande vient de petits éleveurs. Lorsque le client choisit de payer le prix solidaire, la moins chère des trois options proposées, l’épicerie est déficitaire. Et de plus en plus, les clients choisissent l’option la moins chère. « L’alimentation est un droit universel », rappelle Vanessa Girard-Tremblay, qui précise que les produits fins ne sont pas la chasse gardée des mieux nantis.
Ces gens-là ne sont pas pour autant exclus. Ils peuvent payer le tarif « Donnez au suivant » et laisser ce qu’ils veulent pour le bol qu’ils reçoivent dès qu’ils s’installent à table.
L’endroit attire de plus en plus d’étudiants, selon la direction. Des travailleurs du quartier y prennent aussi leur pause-dîner.
Assis à la table du coin, Marie est éclairée par une belle lumière d’automne, une chanson de Richard Desjardins comme trame sonore. Cette mère de cinq enfants, grand-mère de six, vient régulièrement prendre une bouchée ici. Ça l’aide à boucler son budget alimentation.
« J’arrive parce que je suis débrouillarde et que j’ai un loyer subventionné, sans cela, ça serait impossible », dit Marie Massé.
Son voisin de table, Michel, n’a pas la même chance. Il a été « rénovincé » l’année passée, en pleine pandémie. Son loyer a grimpé depuis.
La pire chose en ce moment, c’est l’immobilier. C’est sûr que le prix des maisons baisse, mais le mal est fait. Il y a eu une hausse des loyers et la Régie n’autorisera pas de baisses.
Michel Bédard, client des Bols du quartier du Carrefour solidaire
Les clients viennent assurément pour les prix imbattables, mais sont nourris par beaucoup plus. Ça jase fort. C’est joyeux.
« La solidarité existe toujours, dit Sylvain. Des fois, on la voit moins. Ici, on la crée. »