L’innovation

Dans le cadre d’un concours organisé par la National Football League (NFL) américaine, la firme de design industriel Tactix et ses trois partenaires viennent de concevoir un casque qui se veut 30 % plus efficace contre les impacts que les casques professionnels actuels.

Et qui fait une belle tête aux joueurs, en plus.

Qui ?

Réputée pour le design d’équipement de protection sportif, Tactix avait été recrutée par Kupol, pour sa part experte dans les fines structures en réseau, pour s’attaquer au défi posé par le concours NFL Helmet Challenge. Numalogics, spécialisée dans les simulations numériques et l’analyse par éléments finis, et Shapeshift 3D, qui a mis au point un logiciel de personnalisation d’équipement corporel, ont adjoint leurs compétences. Deux chercheurs de l’ETS ont pris en main les tests d’impact en laboratoire.

Deux des quatre finalistes du concours sont des marques existantes, jumelées à des centres de recherche, donc avec pas mal de budget. Et il y a nous. Le projet : en 18 mois, créer un casque complet, qui allait être testé en conditions réelles.

Bastien Jourde, designer industriel et cofondateur de Tactix

Le concours

D’abord financée avec leurs fonds propres (plus une petite subvention du MEDTEQ), la proposition du quatuor québécois a été retenue à l’été 2020 avec trois autres finalistes, ce qui leur a valu un financement de 238 000 $ US de la NFL pour l’étape décisive.

Après un an de mise au point fébrile, leur prototype a été présenté à la NFL à la mi-juillet pour les tests d’impact en laboratoire et le jugement final.

Le casque

Sous la coquille rigide, une espèce de coupole géodésique retient une cinquantaine de capsules imprimées en structure réticulée – un réseau arachnéen d’uréthane thermoplastique qui se déforme et diffuse l’onde de choc.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

La doublure intérieure du casque se compose d’une coupole géodésique (à droite) dans laquelle s’insèrent une cinquantaine de coussinets imprimés en structure réticulée (à gauche).

Chacun des coussinets est formé d’une couche intérieure qui favorise l’aération et le confort, et d’une couche intermédiaire qui joue le rôle d’amortisseur.

Cet amalgame permet des réactions spécifiques aux impacts perpendiculaires et aux impacts rotationnels pour optimiser l’amortissement.

Ne pas perdre le fil

Hormis la mentonnière et quelques attaches, le casque est entièrement conçu par le quatuor d’entreprises québécoises, protecteur facial compris.

Pour l’impression en 3D des coussinets réticulés, Tactix a opté pour une technologie simple, éprouvée, peu coûteuse « et un peu snobée » : le dépôt et l’étagement d’un filet de résine sur un plateau en mouvement.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Chaque coussinet, constitué d’un réseau arachnéen d’uréthane thermoplastique, est imprimé en 3D par un appareil qui dépose en continu un filet de résine sur un plateau mobile.

« Pour gagner du temps et faire une impression optimisée, on a développé notre propre code avec l’équipe pour que l’impression se fasse en un seul trajet, ce qui permet de monter la structure assez rapidement », explique Martin Laberge, lui aussi designer industriel et cofondateur de Tactix.

Le test du miroir

C’était un des rôles des designers de Tactix : atteindre le meilleur compromis entre l’efficacité, la légèreté et la taille du casque – plus il est gros, plus il dégage d’espace pour les systèmes d’absorption.

Indépendamment de ses performances techniques, « il faut que le joueur ait envie de mettre le casque, souligne Martin Laberge. Si le casque a l’air trop gros ou que le joueur se trouve ridicule, on n’est pas plus avancés ».

À diverses étapes du processus de conception, des joueurs de la Ligue canadienne de football ont fait part de leur opinion.

Tout en respectant les codes culturels de cette pièce d’équipement emblématique, les designers ont modelé des détails discrets, mais significatifs.

PHOTO HUGUES RIVEST, FOURNIE PAR TACTIX

Pendant la conception, les tests d’impact ont été effectués dans les laboratoires de l’ETS par les chercheurs Éric Wagnac et Yvan Petit.

Ils ont multiplié les ouvertures dans la coquille pour laisser apparaître la structure réticulée sous-jacente, lui procurant une touche de haute technologie.

De même, les zones de fixation de la structure d’amortissement sont légèrement télégraphiées en surface du casque, pour lui donner un dynamisme qui trouve sa justification dans sa technologie.

« On pense qu’on a réussi à créer des lignes de caractère, sur le casque, qui sont assez uniques et remarquables », affirme Martin Laberge.

L’avenir

La NFL doit livrer son verdict en septembre. À la clé, un financement de 1 million de dollars pour terminer le développement du concept.

S’ils remportent la palme, Tactix et ses partenaires vont raffiner le design et achever le développement pour que le casque apparaisse sur les terrains de football, sous leur nom propre ou dans le cadre d’un partenariat.

« L’objectif de la NFL demeure le même : que l’innovation qu’elle finance se retrouve sur le terrain pour protéger les joueurs, fait observer Bastien Jourde. La façon dont ça arrive n’est pas très importante pour eux. »

Mais l’équipe québécoise n’entend pas baisser la tête, que celle-ci soit couronnée de lauriers ou simplement casquée.

« L’avenir pour ce produit-là, on le voit dans des applications de partenariat, fait valoir Bastien Jourde. Le processus de conception et la technologie qui en résulte peuvent être adaptés à plusieurs équipements de protection. »