L'innovation : un écran 3D sans lunettes appelé FRƐ3DOM, « le meilleur que vous ayez jamais vu », selon son inventeur, permettant la manipulation et l’analyse sous tous les angles d’objets virtuels.

QUI ?

À la fin des années 80, un jeune diplômé en génie électrique et électronique de l’Université de Sherbrooke, Jean-Étienne Gaudreau, arrive à recréer une image en 3D en juxtaposant deux écrans à cristaux liquides. Il fait breveter sa découverte en 1994, mais la technologie n’est pas au point et nécessite toujours l’utilisation de lunettes. Ce n’est que 18 ans plus tard qu’il mettra au point la base de ce qui deviendra son écran 3D sans lunettes. En 2018, il s’associe à un ancien condisciple, Mario Genest, qui cherchait à investir dans différentes sociétés, et forme AYE3D. L’écran FRƐ3DOM est finalement au point début 2019. AYE3D, dont le siège social est à Longueuil, compte quatre employés. M. Genest en est le PDG et M. Gaudreau, son vice-président technologie.

LE PRODUIT

L’écran FRƐ3DOM, conçu et fabriqué par AYE3D à l’intention de clients professionnels, a toutes les apparences d’un moniteur d’ordinateur normal, mais en plus épais. Il a cependant la particularité de recréer une image 3D qui semble sortir de l’écran pour l’utilisateur installé devant lui, et ce, sans lunettes. Les données sont envoyées par un ordinateur – un simple portable avec une carte graphique assez puissante suffit – et la manipulation des objets se fait grâce à une souris spéciale. L’effet est fascinant, notamment grâce à une résolution en très haute définition de 2560 x 1440 pixels par œil. On a pratiquement l’impression qu’on pourrait prendre l’objet qui flotte devant nous dans notre main.

« Il existe d’autres écrans 3D sans lunettes, mais un qui offre une résolution et une perspective parfaites comme le nôtre, ça n’existe pas », dit Mario Genest.

Le logiciel conçu par AYE3D utilise des images filmées en 3D par des professionnels, par exemple un organe que pourra analyser sous toutes ses coutures un médecin, ou une pièce de moteur pour un fabricant aéronautique.

On a mis un grand soin à rendre l’utilisation de l’écran agréable, précise M. Genest. « ll n’y a pas de distorsion dans l’image projetée par notre écran, et son réalisme fait que le cerveau ne va pas surréagir pour compenser. Ceux qui l’ont essayé pendant des heures nous l’ont confirmé : ils n’ont pas eu de malaise. »

Le FRƐ3DOM est actuellement en phase de précommercialisation, alors qu’on sollicite les entreprises qui pourraient l’acquérir. L’accueil est très prometteur, dit le PDG. « Des gens avec qui on discute sont prêts à en acheter des dizaines, voire des centaines. » Les responsables d’AYE3D refusent d’en préciser le prix, indiquant simplement que des appareils « de référence » sur le marché coûtent « environ 25 000 $ ».

LES DÉFIS

Le principal défi est technologique, le FRƐ3DOM étant considéré comme « au point à 85 % ». « Il y a toujours de l’amélioration possible, surtout quand on met de l’avant le réalisme de l’image », explique M. Gaudreau. On jongle en outre avec l’idée de permettre la manipulation des objets 3D avec un stylet et, à plus long terme, d’autoriser plusieurs utilisateurs en même temps.

L’autre obstacle, c’est le scepticisme autour de la 3D, une technologie qui a connu son lot d’échecs, notamment en raison de la mauvaise qualité des expériences proposées. « Il faut que les gens essaient notre écran pour être convaincus, et c’est plus compliqué que si je vendais des tasses que je peux envoyer par la poste », dit M. Genest.

Enfin, comme pour toute jeune pousse, le financement est un défi constant. « On a démarré notre levée de fonds de série A, ça va bien », précise-t-il.

L’AVENIR

La commercialisation de l’écran FRƐ3DOM est prévue en 2020. Dès le premier trimestre, AYE3D veut recruter pour faire passer l’effectif à une quinzaine d’employés. La conception demeurera entre les mains d’AYE3D, la fabrication en série – on parle déjà de milliers d’unités – sera confiée à des sous-traitants.

Quant au marché des consommateurs, « ce ne sera pas avant cinq ou dix ans », estime M. Genest. Le principal obstacle, c’est le contenu. Si les entreprises et les professionnels visés ont déjà leurs animations 3D qu’ils peuvent visualiser sur le FRƐ3DOM, ce n’est évidemment pas le cas de monsieur et madame Tout-le-Monde. À moins que des studios de jeux vidéo ne saisissent l’occasion, ajoute le PDG. « Si on fait une percée dans le marché des consommateurs, ce sera probablement pour les gamers. »