Alto Design a mis au point un appareil à récupérer le temps perdu.

Son temps perdu.

On le sait, les firmes de design industriel sont vouées à l'innovation en PME. Mais elles sont elles-mêmes des PME, où l'innovation doit trouver sa place.

En mettant sur pied un laboratoire de création pour occuper ses temps morts, Alto Design a trouvé des solutions à ses propres problèmes... et à ceux des autres, par la même occasion.

REMPLIR LES TROUS

Avec 22 employés, Alto Design est sans doute la plus importante firme de design industriel du Québec - ou à tout le moins au personnel le plus nombreux, diraient sans doute ses concurrents.

Le 1er avril 2015, son président fondateur Mario Gagnon a cédé ses parts à un trio d'associés.

Cette transmission longuement planifiée a suscité de nombreuses réflexions sur l'entreprise, notamment sur la fluctuation de ses contrats.

« Chez Alto, on a la philosophie de garder nos employés. On ne fait pas fluctuer notre personnel en fonction des projets. On n'est pas rapides sur la gâchette. » - Richard Paré, vice-président ingénierie

L'ingénieur a fait le calcul : mis bout à bout, les temps morts équivalent à un emploi et demi par année, soit 6 % du chiffre d'affaires.

Avec son laboratoire de création, Alto Design utilise ces heures creuses pour s'intéresser à des questions et explorer des solutions sans attendre l'aval d'un client.

Ils lui ont donné un nom : Alto Lab.

DÉCOLLAGE EN AÉRONAUTIQUE

Dans les domaines où la firme n'a pas encore obtenu de mandat, l'Alto Lab permet de lancer des projets qui serviront ensuite de cartes de visite. C'est précisément ce qui s'est produit en aéronautique.

Pour tâter ce terrain vierge et établir des contacts, Alto Design avait visité le National Business Aviation Association Show. Un manufacturier de sièges leur a mentionné la difficulté de soutenir les incontournables tablettes électroniques dans les avions d'affaires.

« Il nous a dit qu'il n'existait pas de solution élégante, haut de gamme, pour gérer la fameuse tablette », décrit Marc André Coutu, vice-président opérations.

Chouette, un problème !

« On s'est dit : allons-y, créons une solution pour cet enjeu ! »

Au sein de l'Alto Lab, une petite équipe de designers et d'ingénieurs a mis au point un support tubulaire articulé et orientable, totalement escamotable dans la console qui sépare deux sièges.

« Ce qui est cocasse, c'est qu'au début, on s'est dit qu'on allait juste faire un exercice de conception pour leur montrer ce qu'on pourrait faire. Mais les gens étaient prêts à l'acheter ! On n'était pas tout à fait prêts à cette réaction. » - Patrick Mainville, troisième associé et coprésident d'Alto Design

UNE BELLE VITRINE POUR ALTO

Alto Lab sert également de cadre à des projets conjoints, dans lesquels Alto Design peut investir temps et argent.

Axis4 Media, une jeune firme de Québec spécialisée dans le contenu de signalisation numérique, leur avait présenté le potentiel des écrans transparents interactifs - une membrane souple de 1,6 mm d'épaisseur, de type LCD à haute définition.

Alto Design s'est proposé comme partenaire, dans l'objectif de créer avec cette membrane des produits commercialisables.

Avec Axis4 Media et LSAV Technologies, la firme de design a mis au point un écran transparent interactif de 55 po, qui peut être multiplié pour former des écrans géants.

Des vitrines composées de 14 de ces écrans ont été installées dans cinq succursales de la chaîne danoise Bestseller. Les animations, en transparence ou plus opaques, mettent en valeur les articles en vitrine.

LES DIVIDENDES

À intervalle de six mois, Alto Design invite ses employés à proposer des idées pour son Alto Lab.

« Ce qui est bien, avec les projets du lab, c'est qu'on peut explorer et exploiter des sujets qui nous intéressent », indique la designer Vanessa Forget, qui a conçu dans ce contexte l'interface d'une application pour mesurer l'empreinte écologique de son utilisateur. « Ça nous permet aussi d'explorer de nouvelles technologies et des choses qui nous intéressent dans le design, car c'est un milieu qui évolue très rapidement. »

Les projets d'Alto Lab qui trouveront le chemin de la fabrication pourront procurer des redevances - un rare idéal pour toute firme-conseil qui ne touche habituellement que des honoraires.

« C'est une vision pour le futur, et potentiellement une façon de diversifier notre projet d'affaires », se réjouit Patrick Mainville.

Tout ça à temps perdu.

EN BREF

Qui : Patrick Mainville, Richard Paré et Marc-André Coutu, associés d'Alto Design

L'idée : créer un laboratoire de création pour rentabiliser le temps perdu

L'ambition : tester de nouvelles idées, et en tirer des dividendes