Lorsqu'on veut faire sa place dans un marché avec une innovation, il faut d'abord trouver le bon modèle d'affaires. David Tinjust, président fondateur d'Apexk, en a testé plusieurs avant de choisir le bon. Il nous raconte comment son aventure l'a conduit, aujourd'hui, à venir en aide aux victimes de commotion cérébrale.

Après des années à parfaire son art dans le milieu académique, David Tinjust était mûr pour une nouvelle aventure.

Formé en neurosciences et passionné de soccer, ce scientifique a jumelé très tôt dans sa carrière ses intérêts pour devenir un expert du système visuel des sportifs.

«La science sur le terrain»

Développer les réflexes des athlètes de pointe pour leur faire gagner des dixièmes de seconde: voilà l'objectif qu'avait en tête David Tinjust en fondant Apexk en 2011. Grâce aux technologies et aux méthodes développées par son entreprise, il allait améliorer la réponse des athlètes à des stimuli visuels. Le tout, dans l'action.

«Mon objectif au départ, c'était d'amener la science sur le terrain et de proposer un outil d'amélioration de la performance des professionnels du sport», se souvient-il.

Mais atteindre cet objectif ne se sera pas fait sans peine.

L'entrepreneur tente d'abord une approche auprès des clubs professionnels de hockey. Après tout, il avait déjà des contacts chez quatre d'entre eux, ayant travaillé avec des hockeyeurs professionnels par le passé.

Seul problème: Apexk tentait son approche alors que la Ligue nationale de hockey entrait en lock-out en 2012. Il lui fallait trouver un autre marché.

David Tinjust songe alors aux universités américaines. Une option vite écartée. «Ça risquait d'être long et compliqué de les approcher», explique-t-il.

Mais le docteur en neurosciences avait une autre carte dans sa manche. Il savait que ses outils et protocoles pouvaient non seulement améliorer la performance visuelle des athlètes, mais aussi accélérer la guérison des personnes aux prises avec un syndrome visuel postcommotionnel, un syndrome qui affecte une fraction des gens ayant subi une commotion cérébrale.

«On avait déjà effectué plusieurs tests et on savait que ça marchait, dit-il. Avec notre technologie, on peut dépister ce syndrome, puis «réentraîner» le système visuel.»

Nouvelle stratégie

David Tinjust change alors de stratégie pour Apexk. Le côté «performance» cède maintenant sa place à celui du «réentraînement».

Il lui fallait toutefois développer une nouvelle stratégie d'affaires. Sa première idée: vendre les appareils et logiciels d'Apexk à la pièce, moyennant environ 40 000$. Une proposition qui n'a pas trouvé écho du côté des cliniques du Québec qu'il a alors ciblé.

Il s'allie tout de même avec l'une d'elles, Groupe santé AXIO, afin de développer son approche. En plus de bâtir sa crédibilité, Apexk teste son modèle d'affaires et comprend comment s'installer dans le marché.

«On a finalement décidé de fournir nos appareils et nos logiciels en licence», résume tout simplement l'homme d'affaires.

Et l'approche semble gagnante. D'ici quelques jours, Apexk aura déployé ses appareils dans un total de six cliniques au Québec, dont celle de l'Institut national du sport du Québec, située dans les installations olympiques.

D'ici la fin de l'année, l'entreprise espère greffer cinq autres cliniques à ce réseau.

Une fois ce jalon bien ancré, Apexk lorgnera les États-Unis pour poursuivre sa croissance, selon David Tinjust, et éventuellement réattaquer le marché de l'amélioration des performances des athlètes.

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APEXK

LE PORTRAIT

Entreprises: Apexk

Année de fondation: 2011

Nombre d'employés et de collaborateurs: 12

Fondateur et président: David Tinjust

Actionnaires principaux: David Tinjust, Martial Vincent, Michel Farley, Martin Perreault et Sébastien Bordeleau.

Secteur: Conception de technologies et de protocoles pour accélérer la récupération des victimes du syndrome visuel post-commotionnel

Site web: apexk.com

LE DÉFI

Fort d'années d'études portant sur l'entraînement de la vision des athlètes, David Tinjust voulait traduire son expertise en une entreprise. Seul problème: son modèle d'affaires était à créer.

LA SOLUTION

Après avoir envisagé différents types de clientèles, il a choisi de fournir ses outils et services sous forme de licence à des cliniques spécialisées.

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Cinq conseils pour bien positionner son entreprise naissante

Comment s'y prendre pour bien positionner son entreprise naissante sans y perdre temps et argent? Luis-Felipe Cisneros-Martinez, directeur de l'Institut d'entrepreneuriat Banque Nationale-HEC Montréal et professeur au département d'entrepreneuriat et innovation à HEC Montréal, y va de ses conseils sur le sujet.

1. S'appuyer sur des experts

Faites-vous accompagner par des experts à chacune des étapes de votre démarrage d'entreprise, conseille M. Cisneros-Martinez. «Il y a les SAJE, les écoles de commerce, des incubateurs et des accélérateurs en plus d'autres organismes qui peuvent nous dire si notre projet tient la route», précise-t-il.

2. Ne pas mettre le plan d'affaires en priorité

Selon lui, le plan d'affaires lui-même n'est pas ce sur quoi un entrepreneur devrait bâtir son modèle d'entreprise. «Le plan d'affaires fonctionne si on lance une entreprise dont le modèle existe déjà, un salon de coiffure par exemple, mais dès qu'on introduit une innovation, on peut difficilement se baser là-dessus, explique-t-il. Avant d'en arriver là, il faudra faire du prototypage de son produit et le tester sur le terrain.»

3. Utiliser un canevas

Comme solution de rechange, l'expert propose plutôt le «Business Model Canvas», ou «BMC». Cette approche invite à coucher sur papier l'allure de son entreprise à l'intérieur d'une matrice composée de neuf blocs représentant chacun une sphère d'activités de l'entreprise. Il permet de voir en un coup d'oeil ce qu'est son entreprise, mais surtout comment chaque sphère peut en toucher une autre. On pourra ainsi réadapter le modèle constamment selon la réponse qu'on obtient lorsqu'on effectue des tests auprès des clients, explique le professeur de HEC Montréal. Pour en savoir plus sur le BMC: https://www.businessmodelgeneration.com/

4. Y aller par étapes

Vous ne pourrez organiser toutes les facettes de votre entreprise d'un coup. Allez-y par étapes, conseille M. Cisneros-Martinez. «On commence par identifier le besoin, on vérifie ensuite avec le client si le prototype comble le besoin, puis on voit combien il est prêt à payer, dit-il. On détermine ensuite si on est capable de produire à un coût qui nous permet de faire des bénéfices.»

5. Penser loin

Voyez ensuite l'étendue de votre marché. «Il faut toujours réfléchir à trois aspects, dit-il. Le premier, c'est la taille du marché; ensuite, la faisabilité de production, puis la viabilité du produit à long terme.» Pour y arriver, il suggère d'y aller avec une étude de marché et de recueillir des données fiables. Ensuite seulement pensera-t-on à construire un plan d'affaires, basé sur des matrices qu'on peut dénicher sur l'internet. Le plan est encore utile pour trouver du financement ou participer à des concours. À cet égard, M. Cisneros-Martinez suggère de toujours adapter son plan en fonction de celui qui le lira, en mettant l'accent sur les points les plus intéressants pour le lecteur.