Éric St-Louis ne comprend pas pourquoi on ne recycle pas à leur juste valeur les centaines de milliers de tonnes d'asphalte excavées chaque année sur les routes du Québec. Selon lui, chaque tonne remplacée coûte au minimum 100$. Sa solution: réutilisons encore mieux l'asphalte recyclé.

M. St-Louis est à la tête d'une entreprise spécialisée dans la fabrication d'équipements de recyclage d'asphalte. La seule du genre au Québec, dit-il. Sa PME, St-Louis Industries, à Acton Vale, est prête à bondir et n'attend qu'une chose: que les gouvernements et les municipalités reconnaissent enfin les nombreux avantages liés au recyclage de l'asphalte.

 

Selon Recyc-Québec, le taux de récupération des résidus des projets de construction, rénovation et démolition (CRD) de nos routes atteint 69%. Ce qui n'est pas rien. «La plupart des entreprises d'asphaltage récupèrent l'asphalte in situ», explique Jeannot Richard, vice-président à la direction des opérations de Recyc-Québec.

Cette statistique n'impressionne guère Éric St-Louis. «L'asphalte récupéré est surtout utilisé pour faire du remblai. Ça remplace en fait du gravier qui vaut environ 10$ la tonne. Mais après, pour rechausser les routes, on remet de l'asphalte neuf qui coûte 100$ la tonne. Moi, ce que je propose, c'est de l'équipement qui produit de l'asphalte à 10$ la tonne», dit-il.

Trois produits

St-Louis Industries fabrique trois produits: un «chauffe-joint» (pour solidifier les joints pendant le revêtement de la chaussée); un «thermo-rapiéceur» (qui sert à chauffer, un peu comme un grille-pain, une surface d'asphalte donnée) et, bien sûr, un «recycleur d'asphalte».

Ce recycleur est en fait une benne (dont les modèles ont une capacité de 2 à 12 tonnes) dans laquelle le vieil asphalte est chauffé puis broyé. Au bout de huit heures, il en ressort un asphalte prêt à être utilisé comme revêtement.

«La matière première ne coûte rien. Ce qui coûte 10$, c'est la quantité de combustible (propane ou gaz naturel) utilisé», fait valoir Éric St-Louis, un gars de construction qui a notamment travaillé à la Baie-James et à Churchill Falls.

Les recycleurs d'asphalte de la PME coûtent entre 40 000$ et 125 000$. Leur espérance de vie est d'environ 25 ans, indique Éric St-Louis. «Et selon l'utilisation qu'on en fait, un recycleur peut être rentabilisé en deux ans», dit-il. À ce jour, il en a notamment vendu à la Ville de Gatineau et s'apprête à en livrer un à Terrebonne.

Le produit est déjà connu à l'étranger, car avant d'en être l'unique dépositaire, Éric St-Louis a travaillé pour l'entreprise américaine qui a inventé le recycleur d'asphalte. M. St-Louis se présente d'ailleurs comme le «gardien de la recette», c'est-à-dire de la technologie de recyclage d'asphalte à l'infrarouge inventée dans les années 60 par l'Américain Anton Heller. En 2000, l'homme d'affaires québécois a acheté l'usine américaine de M. Heller pour ensuite en rapatrier les activités au Québec.

La PME ne compte que quatre employés en période de pointe. Pour la fabrication de ses produits, elle fait appel à une poignée de sous-traitants québécois. Les revenus de St-Louis Industries, qui a vendu son premier appareil en 2005, sont actuellement d'environ 300 000$. L'objectif est d'atteindre les deux millions sous peu. «Mon but ultime, c'est que toutes les municipalités du Québec possèdent un de mes recycleurs», affirme Éric St-Louis.

Contre les nids-de-poule

L'utilisation du recycleur d'asphalte serait particulièrement efficace en hiver et au printemps, lorsque les nids-de-poule font leur apparition sur les routes du Québec.

«Les fabricants d'asphalte chaud ne sont pas encore ouverts à cette époque de l'année. Le ministère des Transports et les municipalités utilisent ce qu'on appelle de l'asphalte froid, un produit temporaire. Nos équipements permettent de fabriquer de l'asphalte chaud toute l'année», rappelle Éric St-Louis.

Le président de St-Louis Industries n'est pas le seul à s'intéresser au recyclage d'asphalte. Il existe ailleurs au Canada une entreprise de recyclage basée à Halifax qui a mis au point un procédé pour séparer d'anciens bardeaux d'asphalte en deux produits. L'un de ces produits est une poussière d'asphalte, qui peut être recyclée en revêtement de chaussée.

La technologie de M. St-Louis dérange, dit-il. «Nos équipements ont déjà fait l'objet de sabotage. Produire de l'asphalte à un prix aussi bas, ça peut en déranger certains. Mais je peux vous dire une chose: je ne lâcherai pas tant que ma technologie ne sera pas reconnue», martèle-t-il.