À la suite de la mort de son ex-conjointe, Jean-Claude* vient d’hériter d’une tâche pour laquelle il n’était pas préparé. Il devient gestionnaire de l’héritage de ses enfants.

La situation

Jean-Claude veut bien faire les choses pour ses trois enfants en deuil. Thomas*, William* et Léa* ont perdu leur mère qui a succombé à une longue maladie l’an dernier.

Or avant de partir, Suzanne* a fait un testament notarié avec des indications claires. Comme elle était célibataire, ses enfants héritent de tous ses avoirs.

Jean-Claude nous écrit pour avoir des conseils.

Après avoir vendu la maison, payé l’impôt du décaissement obligatoire des régimes enregistrés d’épargne-retraite (REER) et une somme non imposable provenant d’une assurance, Jean-Claude estime que l’héritage s’élève à 750 000 $.

« Selon les volontés de la maman décédée, à partir de 25 ans, la somme sera remise graduellement aux enfants sur une période de 10 ans », écrit Jean-Claude.

Pour l’instant, les enfants n’ont pas de grands projets. Léa, 15 ans, est en troisième secondaire, William, 21 ans, n’a pas encore terminé ses études universitaires tandis que Thomas, 25 ans, vient de commencer sa carrière.

« Quelle est la façon de gérer cet argent judicieusement tout en ayant un rendement acceptable ? », se demande-t-il.

Actuellement, aucun actif n’est immobilisé, tout est 100 % en liquidités, précise Jean-Claude.

« Est-ce possible de me faire un ou deux plans pour gérer cet héritage de façon optimale ? »

Les chiffres

Héritage

Maison : 350 000 $
Assurances : 200 000 $
REER après impôts : 200 000 $

Salaire annuel

Thomas* : 55 000 $
William* : 15 000 $
Léa* : 3000 $

L’analyse

Antoine Chaume Legault, planificateur financier et conseiller en gestion de patrimoine chez Gestion de capital Assante, Équipe Major, a pris le dossier en main.

« C’est évidemment une catastrophe de perdre sa mère à cet âge, soutient-il. D’un autre côté, c’est un privilège énorme de commencer sa vie avec autant d’argent, et ça vient avec une responsabilité. »

« On a souvent cette conversation avec des enfants d’entrepreneurs qui vont hériter de beaucoup d’argent, raconte le planificateur. Ce n’est pas une farce. Ça prend vraiment un encadrement », insiste-t-il.

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

Antoine Chaume Legault, planificateur financier et conseiller en gestion de patrimoine chez Gestion de capital Assante, Équipe Major

Que les enfants aient de l’intérêt ou non, il faut les aider à s’intéresser à leurs finances, affirme Antoine Chaume Legault. Son premier conseil est de responsabiliser les héritiers et de les former, avec l’aide du père ou de professionnels.

Pour ces jeunes, le danger est de tomber dans des dépenses de consommation excessive et éphémère, comme acheter une grosse voiture, souligne l’expert. « Il est primordial que l’argent soit alloué à des actifs qui prennent de la valeur sur le long terme. »

Les régimes fiscalement avantageux

Deuxième conseil : Jean-Claude doit vérifier si les enfants peuvent bénéficier des régimes fiscalement avantageux avant 25 ans.

La mère a cartographié la réception de l’argent à partir de 25 ans et sur une période de 10 ans, relate Antoine Chaume Legault. Par contre, pour les deux enfants qui ont déjà 18 ans, le compte d’épargne libre d’impôt (CELI) est intéressant, de même que le compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété (CELIAPP) s’ils comptent acheter une propriété.

Si ce n’est pas possible, les enfants doivent savoir qu’à partir de leur 25anniversaire, ils pourront commencer à utiliser les outils fiscalement avantageux : CELI, CELIAPP et REER.

Jean-Claude doit aussi vérifier si le testament prévoit qu’il puisse verser de l’argent dans un régime enregistré d’épargne-études (REEE) pour Léa, qui a 15 ans.

Le planificateur prévient toutefois Jean-Claude. Si l’argent est placé dans les CELI, REER ou CELIAPP au nom des enfants, il sera alors donné aux enfants avant 25 ans. « Ils pourront en théorie faire ce qu’ils veulent avec l’argent. D’où l’importance que les enfants soient accompagnés pour établir une vision à long terme. »

Actuellement, l’argent est dans un compte de succession. Le liquidateur et gestionnaire de la succession, soit le père des enfants, fera une gestion prolongée de la succession.

L’importance des 36 mois

Pendant les 36 mois suivants la mort, la succession bénéficie d’un taux d’imposition progressif, sans toutefois avoir droit à l’exonération de base des particuliers. Tous les revenus générés par les placements seront imposés comme le serait un particulier.

Après ces 36 mois, cependant, la succession sera imposée au taux marginal le plus élevé, soit 53,32 %.

Il faut alors être fiscalement stratégique, et consulter un comptable fiscaliste sera un bon investissement.

Le troisième conseil du planificateur est donc de s’assurer que les revenus de la succession soient attribués aux bénéficiaires. « Quand les enfants sont jeunes, aux études et travaillent peu, ils ne paient pas d’impôts ou presque. C’est un outil intéressant. »

« Si le plus jeune enfant ne peut pas toucher à son argent avant ses 25 ans, il va falloir étudier le processus d’attribution. Parce que si on laisse simplement l’argent dans la fiducie, les revenus vont tomber au taux marginal le plus élevé et ce n’est pas avantageux du tout. »

Il y a une règle qui permet d’attribuer les revenus aux enfants dans la déclaration de revenus sans faire le dépôt de l’argent dans leurs comptes, explique le planificateur.

Utiliser les services de professionnels

Vient ensuite le quatrième conseil pour déterminer la façon d’investir cet argent.

« Le père et les enfants doivent rencontrer trois firmes différentes avec des courtiers en valeurs mobilières, qui sont rattachés à des banques ou qui sont indépendants. La famille pourra alors écouter les options offertes. »

« Avec l’actif qu’ont les enfants, le père aura accès aux plus grandes firmes et à des gens qualifiés pour gérer de telles sommes. »

Quelqu’un qui n’a pas l’habitude de gérer une telle somme pourrait tomber dans le piège des produits garantis, soutient le planificateur, parce que les certificats de placement garanti (CPG) sont sûrs et c’est ce qu’il connaît.

La firme indépendante ou rattachée à une banque pourra faire un plan de déploiement du capital et proposer, par exemple, les billets à capital protégé.

« C’est un produit dont le capital est protégé de façon partielle ou complète, explique l’expert. Oui, l’argent est bloqué pour une période déterminée. Mais on peut aller chercher des taux beaucoup plus élevés que les CPG, qui sont actuellement à 5 % pour un an et à environ 4 % pour cinq ans. Les billets à capital protégé peuvent générer de 8 à 12 % de rendement annuel. »

Le portefeuille des enfants devra être bien diversifié et équilibré avec des fonds communs de placement ou des fonds négociés en Bourse (FNB). « Il pourrait y avoir des actions de grandes sociétés, qui génèrent des profits et versent des dividendes. »

« La partie obligataire des fonds profite actuellement des taux d’intérêt qui sont élevés. Quand les taux vont commencer à baisser, la partie obligataire risque de profiter également de la baisse des taux d’intérêt. Elle risque d’être performante dans les prochaines années. »

Cinquième conseil : en plus des actifs en Bourse, la famille pourrait opter pour une avenue différente en achetant un bien immobilier.

« C’est un investissement sur le long terme, soutient Antoine Chaume Legault. Les enfants pourraient acheter un triplex et avoir chacun leur logement. Ils pourraient aussi acheter un immeuble à revenus. »

« Devenir propriétaire conjointement d’un bien immobilier peut être une bonne idée si, bien sûr, les trois s’entendent bien. »

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, les prénoms utilisés sont fictifs.

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