Vous pensez qu’il y a une crise du logement à Montréal ? Vous n’avez pas vu La Tuque.

« Je ne sais pas si vous connaissez un peu la Haute-Mauricie, mais depuis deux ou trois ans, c’est absolument impossible de trouver à se loger de façon adéquate », constate Claudette Claveau, résidante de La Tuque qui a su garder la tête froide, comme on va le voir.

« Le facteur principal, c’est le fait qu’il y a une grande réfection des barrages sur le territoire de la Haute-Mauricie, ce qui a amené un flot très important de travailleurs de l’extérieur. Alors les propriétaires de duplex ou de triplex ont transformé leurs logements en chambres de travailleurs, ce qui est beaucoup plus lucratif, évidemment. »

Même la communauté tricotée serré de La Tuque n’échappe pas à l’appât du gain immobilier.

« Ce qui fait que les petites familles, les jeunes couples et les personnes comme moi qui cherchent à se trouver un logement n’en sont pas capables. Il n’y en a pas de disponibles. »

L’achat n’est pas plus aisé, et elle en assène la preuve.

Je vais vous inviter à aller visiter, à votre convenance, le site immobilier de Centris La Tuque. Vous allez voir ce qui est disponible en fait de logements et de maisons à vendre. Ça frise le ridicule.

Claudette Claveau, résidante de La Tuque

Invitation acceptée.

Le marché immobilier à La Tuque en date du 29 janvier

57 propriétés à vendre, dont :

• 12 condos (à construire, tous dans le même projet)
• 18 terrains
• 5 chalets
• 14 maisons unifamiliales
• 6 duplex
• 2 triplex

PHOTO TIRÉE DU SITE DE RE/MAX

Un duplex construit en 1920 mis en vente à La Tuque à la fin de janvier pour 99 900 $.

Source : Centris, La Tuque, 29 janvier 2024

« On peut s’acheter un chalet pour 600 000 $ ! », s’exclame la Latuquoise.

Le 29 janvier, un chalet était proposé à 499 000 $.

« Et ce que vous voyez comme maison ou duplex à vendre, c’est complètement désuet. Ça a besoin de beaucoup d’amour. »

Un duplex construit en 1920, simple cube recouvert d’un bardage de plastique, était annoncé à 99 900 $.

« Alors nous, on ne trouvait pas à se loger. »

En 2022, Claudette Claveau habitait un 4 1/2 à l’étage d’un duplex. « J’étais près de la retraite et je ne voulais pas investir toute seule dans une propriété », relate la femme de 65 ans.

Sa fille Vicky, alors âgée de 38 ans, occupait un 5 1/2 dans un multiplex avec sa fille en garde partagée.

« Ça lui coûtait très cher de logement. Alors on s’y est mises à deux et on a voulu s’acheter un duplex. »

Pendant un an et demi, elles ont visité « tout ce qui se mettait sur le marché », mais elles n’ont rien trouvé d’intéressant, ou de simplement potable, dans les limites de leur budget d’environ 220 000 $.

« C’était des immeubles qui avaient besoin de beaucoup de rénovations. Finalement, on a trouvé une maison unifamiliale qui était dans notre budget. Je ne suis pas tombée vraiment amoureuse, mais on a trouvé que c’était une bonne solution pour nous parce que le sous-sol était complètement rénové. »

La transaction a été conclue en octobre 2022.

« On a payé la maison 168 000 $. On a donné chacune 20 000 $ en mise de fonds. »

Au sous-sol, Vicky et sa fille disposent chacune de leur chambre, d’un grand séjour et d’une salle de bains.

Au rez-de-chaussée, Claudette profite de la cuisine, du salon et de trois chambres à coucher.

« Il y en a une qui est consacrée spécialement aux activités de ma fille et de ma petite-fille, parce qu’elles font beaucoup de photos, de peintures, de dessins, indique-t-elle. L’autre chambre sera réservée à l’agrandissement de la cuisine. »

Le logement du sous-sol en est dépourvu.

« Nous partageons les frais d’épicerie et je cuisine en échange de la vaisselle, du transport des bacs au bord de la rue et de menus travaux dans la maison », précise la copropriétaire.

Semi-retraitée, Claudette travaille du vendredi au dimanche. « Ma fille a pleine jouissance de toute la maison toute la fin de semaine. Et moi, j’ai la paix toute la semaine », décrit-elle en riant.

La petite Sophia habite avec sa mère une semaine sur deux.

« Elles vivent beaucoup dans le sous-sol, mais elles viennent en haut pour les repas. C’est le moment qu’on a dans la journée pour se placoter ça. »

Partage d’espace et de dépenses

« Tout ce qui concerne la maison, l’hypothèque, les assurances, l’électricité, les taxes, on l’acquitte à deux », indique Mme Claveau. « Il n’y a pas beaucoup de discussions autour de ce qu’on doit payer ou non. On partage les frais du déneigeur. Tout est bien calculé. »

Claudette et Vicky versent chaque mois leur écot dans le fonds de prévoyance commun.

La grand-mère, la mère et la fillette habitent une maison âgée qui a besoin de tout l’amour qu’elles peuvent lui prodiguer. Heureusement, Vicky est habile. « On est en train de refaire des garde-robes dans la maison. Maman paye les matériaux et la fille s’occupe du reste. On s’arrange très bien comme ça. »

Il demeure que trois générations féminines vivent dans la même maison, dont l’aménagement inclut nécessairement quelques élégants compromis et une généreuse couche de diplomatie.

On n’a pas toujours les mêmes idées, et on n’est pas toujours de bonne humeur. Et une préado de 12 ans dans la maison, ce n’est pas toujours facile. Mais on s’organise. Et la maison est tellement grande ! Si on veut bouder, on fait ça chacune sur notre étage et c’est tout. Et on passe à d’autres choses le lendemain.

Claudette Claveau, résidante de La Tuque

« C’est avantageux, autant pour ma fille que pour moi », affirme Claudette Claveau.

Leur train de vie coûte à chacune environ 1250 $ par mois, estime-t-elle.

« On ne regarde pas loin, mais on n’est pas près de vendre. On parle de rénover la maison, on a des projets, on met ça sur papier. Puis on s’en va comme ça, ça fait notre affaire à toutes les deux », dit-elle d’une voix sereine.