Dans L’argent et le bonheur, notre journaliste Nicolas Bérubé offre chaque dimanche ses réflexions sur l’enrichissement. Ses textes sont envoyés en infolettre le lendemain.

Vous êtes plusieurs à me dire que vous envoyez cette rubrique à vos adolescents ou jeunes adultes.

Si c’est votre père, votre mère ou l’un de vos grands-parents qui vous a envoyé ce texte, désolé. Je n’y peux rien. Vous avez juste à leur répondre avec un émoji de cœur, appuyer sur Supprimer et retourner sur TikTok. Je ne le « prendrai pas personnel ».

La raison pour laquelle les gens plus âgés ont le réflexe de vous envoyer ça, vous, les plus jeunes, c’est qu’ils auraient aimé savoir tout ce dont il est question ici à votre âge. C’est de loin le commentaire que je reçois le plus souvent. « J’aurais tellement voulu savoir ça quand j’avais 20 ans ! »

Ce qu’ils disent, en fait, c’est que quelques connaissances assez simples auraient pu changer leur vie. Et peuvent encore changer la vôtre.

Si on résume, je dirais que la plus grande erreur qu’on commet dans sa vingtaine et sa trentaine est d’augmenter son train de vie sans s’être enrichi avant. Permettez-moi d’expliquer ce que je veux dire par là.

Ce n’est pas vrai pour tout le monde. Mais pour beaucoup, la vingtaine est l’âge où on commence à travailler après les études. Donc notre salaire va souvent passer d’un salaire d’étudiant à celui d’un travailleur au premier échelon. Ça nous donne le sentiment d’être maîtres du monde.

Le réflexe à ce moment-là est d’augmenter son train de vie. Par exemple, certains vont quitter les colocs pour louer ou s’acheter un condo. Et comme traîner ses vieux meubles et électroménagers dans un beau condo a l’air fou, beaucoup vont le meubler à crédit.

Et donc, c’est le bonheur ?

Presque ! C’est que la voiture qui date de 2012 commence à être défraîchie. Alors on visite le concessionnaire, et il nous offre justement du financement imbattable sur 96 mois sur un beau VUS presque neuf.

Alors, on y est ?

Pas tout à fait ! Qui aime rester en ville la fin de semaine ? C’est gris ! Des amis louent un chalet dans le Nord et proposent de partager la facture. Oui !

Ça va, maintenant ?

Pas vraiment. C’est qu’on est mercredi soir, le frigo est vide, il fait noir et il neige. Alors on va sur Uber Eats et il y a un combo sushis pour deux personnes à 72 $ taxes, transport et pourboire compris. Go !

Dans les faits, on prend le nouveau pouvoir que nous donne notre nouveau salaire, et on le remet aux autres. On le remet au constructeur du condo. On le remet au marchand de meubles. Au concessionnaire automobile, au propriétaire de restaurant, à l’entreprise de location de chalet.

Et donc, à la fin du mois, quand le relevé de carte de crédit arrive, on est aussi serré qu’avant. Et on ne s’est certainement pas enrichi.

« Je sais, mais ce n’est pas grave ! dira notre personne dans la vingtaine ou la trentaine. Dans cinq ou six ans, je gagnerai un meilleur salaire. Ce sera à ce moment-là que je mettrai de l’argent de côté ! »

Dans cinq ou six ans, vous aurez encore plus de dépenses. Vous serez aussi serré qu’aujourd’hui. Probablement plus.

Mon avis ? La meilleure approche est de s’enrichir avant et de vivre comme un riche après.

Votre nouveau salaire est la matière brute que vous allez utiliser pour vous enrichir. Votre tâche est de la protéger à tout prix.

Les dollars qui atterrissent dans votre compte bancaire sont vos nouveaux employés. Et donc si vous remboursez vos dettes et faites travailler ces employés au lieu de les remettre au premier marchand venu, vous commencez à améliorer votre situation dans la vie.

Au bout de plusieurs années, vous réaliserez que vos milliers d’employés se multiplient, et produisent eux aussi des employés qui travailleront encore plus fort pour vous.

La clé, c’est que plus vous commencez jeune, moins l’effort à fournir en épargne de votre part sera grand. Pourquoi ? Parce que le temps est le principal levier qui fait augmenter le nombre de vos employés. Plus de temps, plus d’employés. Plus d’employés, plus de liberté.

Trop beau pour être vrai ? Jean-Sébastien Pilotte, l’auteur du blogue Jeune Retraité, a cessé de travailler à 39 ans. Soit le jour où sa conjointe et lui ont calculé que leurs placements travaillaient désormais plus fort qu’eux. Vincent Morin, du blogue Retraite 101, a remis sa démission en 2021, à l’âge de 35 ans.

Je ne dis pas que vous allez vouloir faire comme eux. Je dis qu’avoir l’option est l’un des plus grands cadeaux qu’on peut s’offrir. Après tout, on n’a qu’une vie à vivre. Comme le dit l’auteur Todd Brison, votre poste de travail n’assistera pas à vos funérailles.

Concrètement, comment y parvenir ?

Si la situation vous convient, gardez vos colocs ou restez en appartement quelques années de plus (j’ai passé parmi les plus belles années de ma vie avec des colocs dans ma vingtaine, colocs qui sont encore mes amis aujourd’hui).

Prenez soin de votre voiture de 2012. Mieux encore, déplacez-vous à pied ou à vélo si c’est possible, surtout si c’est un défi pour vous – c’est contre-intuitif, mais les défis nous rendent plus heureux que la recherche du confort et de la facilité.

Organisez des soupers entre amis à la maison plutôt qu’au restaurant. Ne dépensez pas plus de 30 $ par mois pour un forfait cellulaire. Arrêtez d’acheter des gogosses sur Amazon. Réalisez que votre garde-robe n’impressionne que vous. Voyagez le sac au dos, et non la carte de crédit à la main.

Ces quelques trucs vous permettront de profiter de votre liberté au maximum. L’un des effets secondaires sera de vous faire économiser des centaines de dollars par mois.

Prenez ces centaines de dollars, et investissez-les dans un fonds indiciel tout en un 80 % actions, 20 % obligations dans votre compte de courtage CELI. Si vous ne comprenez rien à la phrase précédente, ouvrez un compte CELI de placements gérés chez Wealthsimple ou Questrade, et programmez un virement automatique de quelques centaines de dollars chaque jour de paye. Épargnez et investissez ensuite une partie de vos hausses de salaire.

Voilà. Vous êtes un investisseur. Vous n’avez plus rien à faire. Vous pouvez oublier tout ça et continuer votre vie.

J’ai déjà suggéré ici un exercice : écrivez les dix choses qui vous rendraient le plus heureux dans la vie.

Les gens qui prennent le temps de le faire écrivent typiquement des choses comme « passer du temps avec mes amis, ma famille », « écrire un livre », « faire de la randonnée en forêt », « voyager ».

Pour réaliser tout ça, ça aide d’avoir de l’argent. L’argent nous permet d’accéder à une chose plus rare encore : du temps.

Quand vous serez dans votre trentaine ou votre quarantaine, vous réaliserez que vous pourrez faire des choses que personne autour de vous ne pourra se permettre.

Des choses comme payer comptant pour un imprévu coûteux. Ou pour acheter un véhicule. Ou prendre une année sabbatique pour voyager. Passer du temps avec un parent malade. Voir grandir vos enfants.

Autour de vous, vous verrez des gens qui pataugeront d’une dette à l’autre. Vivront des problèmes de santé dus au stress. Paieront une fortune en intérêts. Des gens qui prendront votre main, vous regarderont dans les yeux et vous demanderont comment vous faites pour être libre.

C’est ça que tout le monde aurait aimé savoir à 20 ans.

Maintenant, vous le savez.