Dans L’argent et le bonheur, notre journaliste Nicolas Bérubé offre chaque dimanche ses réflexions sur l’enrichissement. Ses textes sont envoyés en infolettre le lendemain.

OK, avec un titre comme ça, j’ai intérêt à ne pas trop niaiser, à me tenir tranquille, et à avoir de bons arguments.

Ça tombe bien, j’en ai.

Le Wall Street Journal a publié cette semaine⁠1 un sondage sur les salaires. Les sondeurs ont voulu savoir quelle hausse du salaire annuel serait nécessaire pour que les gens se sentent « heureux et moins stressés » par l’état de leurs finances.

Résultat : les gens qui gagnent 25 000 $ par année ont dit qu’il leur faudrait gagner entre 30 % et 50 % de plus pour être heureux.

Les gens qui gagnent 50 000 $ ont dit qu’il leur faudrait gagner entre 30 % et 50 % de plus pour être heureux.

Les gens qui gagnent 100 000 $ ont dit qu’il leur faudrait gagner entre 30 % et 50 % de plus pour être heureux.

Les gens qui gagnent 250 000 $ ont dit qu’il leur faudrait gagner entre 30 % et 50 % de plus pour être heureux.

Décelez-vous une tendance ?

Je ne dis pas qu’avoir de meilleures conditions de travail, de meilleurs avantages sociaux et, oui, un salaire décent n’est pas nécessaire. Bien sûr que c’est nécessaire. Les enseignants sont en grève ces jours-ci pour demander de meilleures conditions de travail, et je leur souhaite de les obtenir avant Noël – qui tout d’un coup paraît bien loin cette année…

Mais c’est fou de voir la vitesse avec laquelle cette masse nerveuse de 1,3 kg qu’est notre cerveau s’adapte à un plus gros salaire.

« Mais si je gagnais 50 % de plus, payer mon hypothèque serait facile ! », direz-vous.

Si vous gagniez 50 % de plus, votre hypothèque serait 50 % plus grosse, et toujours aussi difficile à payer.

On n’a jamais l’impression de gagner assez. On a toujours l’impression que le bonheur pend tout juste hors de notre portée. Même quand on gagne 250 000 $ par année.

Quelle est la solution ?

J’y pensais cette semaine en visionnant Liberté. Un dessein à l’indépendance financière, le plus récent documentaire du jeune réalisateur Antoine Denis.

PHOTO FOURNIE PAR ANTOINE DENIS

Antoine Denis, réalisateur du documentaire Liberté. Un dessein à l’indépendance financière

Dans ce film, le dernier d’une trilogie sur la liberté financière, où je fais une courte apparition, Antoine Denis montre comment l’argent peut effectivement apporter de la liberté, du bonheur, une baisse de stress. Mais ça n’a rien à voir avec le fait de hausser son salaire de 30 ou de 50 %.

La liberté, montre le documentaire, débute le jour où l’on décide de se payer en premier. Peu importe son niveau de revenus.

Comme l’a écrit l’homme d’affaires et investisseur Naval Ravikant : « Les gens qui vivent bien en dessous de leurs moyens jouissent d’une liberté que les gens qui sont occupés à hausser leur niveau de vie ne peuvent pas imaginer. »

On y entend notamment Vincent Morin, titulaire d’une maîtrise en administration des affaires (MBA), qui a quitté son emploi à l’âge de 35 ans pour s’occuper de ses jeunes enfants à temps plein.

Laisser son emploi pour s’occuper de ses enfants n’a rien de rare ni d’exceptionnel. Ce qui est exceptionnel dans son cas, c’est qu’il a utilisé une partie de son salaire pendant des années pour accumuler des actifs financiers dans son REER, son CELI, et son compte non enregistré. Actifs qui continuent aujourd’hui de l’enrichir de dizaines de milliers de dollars par année pendant qu’il joue au soccer avec ses enfants ou qu’il prépare le souper.

« Ma dernière journée de travail, je croyais que ça allait être vraiment spécial. Je gérais une équipe de 10 à 12 personnes. Or, à part quelques personnes spécifiques, personne ne m’a appelé. Même mon supérieur a oublié que c’était ma dernière journée. Ça m’a juste fait réaliser qu’on est tous remplaçables », explique Morin, qui documente son projet sur son site Retraite 101.

On sait tous que l’argent peut nous procurer de beaux produits. On sait moins qu’il peut aussi nous procurer de la liberté et du temps passé avec ceux qu’on aime. Et ce, des décennies avant l’âge habituel de la retraite.

La clé est de commencer jeune, signale l’auteur et animateur Pierre-Yves McSween, dans le documentaire.

Avant 40 ans, selon moi, tu es en phase de construction d’actif. Après 40 ans, tu peux choisir d’être en destruction d’actifs. Mais si tu choisis de détruire ton actif à partir de 25 ans, c’est un choix qui est très cher. Moi, je suis rendu à l’âge où je vois des gens qui en vivent les conséquences.

Pierre-Yves McSween, auteur et animateur

Arriver à 40 ans les poches vides est extrêmement stressant – peu importe son niveau de revenus. Difficile ici de voir où se situe la liberté.

Pierre-Yves McSween propose même de rebaptiser le REER le « régime enregistré d’épargne liberté » pour que les gens comprennent qu’ils augmentent leur liberté en y contribuant.

Même les gens qui cotisent à un bon régime de retraite devraient travailler à acquérir des actifs financiers dans leur REER et leur CELI, notamment, explique l’autrice financière Karman Kong dans le documentaire.

« Moi, je veux prendre une année sabbatique à 40 ans. Ce n’est pas mon régime de retraite qui va me permettre de faire ça. Ça va être l’argent que je vais avoir mis de côté », dit-elle.

Antoine Denis dit qu’il s’agit du documentaire le plus personnel qu’il a fait jusqu’ici.

« Les valeurs dans le film représentent le mieux les valeurs que j’ai le goût de véhiculer par rapport à l’argent », dit-il.

Réalisé sans financement ni publicité, Liberté. Un dessein à l’indépendance financière est offert à la vente sur le site des Productions Iris ou à l’emprunt dans des bibliothèques⁠2.

Au fil des années passées à s’intéresser au monde de l’argent, le réalisateur âgé de 26 ans dit avoir compris que ne pas se soucier de ses finances et mener une vie « un peu bohème » par rapport à ces questions est très valorisé dans notre société.

« Ironiquement, si tu te fous de l’argent, tu vas devoir te soucier de l’argent toute ta vie. La personne qui a des investissements, elle va pouvoir arrêter d’y penser. C’est ça, la grosse différence. »

1. Consultez l’article du Wall Street Journal (en anglais) 2. Consultez le site des Productions Iris pour voir le documentaire