Lorsqu’on ne peut plus retourner travailler à cause d’une maladie, on doit réorganiser ses finances et prévoir sa retraite différemment.

La situation

Bruno*, 59 ans, a subi une rupture d’anévrisme il y a cinq ans. Depuis, il est en arrêt de travail. « Je ne recommencerai pas à travailler », écrit-il.

Il a subi trois ruptures d’anévrisme : deux ont été stabilisées et la troisième est surveillée régulièrement avec des examens d’imagerie par résonance magnétique (IRM).

« Je suis inquiet, car mes assurances se termineront à 65 ans. »

Actuellement, Bruno reçoit une somme non imposable d’assurance invalidité longue durée de 3400 $ et des prestations pour invalidité du Régime de rentes du Québec qui s’élèvent à 1470 $ par mois. Or, à 65 ans, le Régime de rentes du Québec diminuera cette somme à 842 $ et l’assurance invalidité longue durée sera terminée.

« Je ne comprends pas cette diminution du RRQ de 1470 $ à 842 $ », dit-il.

Pour l’instant, Bruno n’a aucune dette et possède une auto payée qui indique 100 000 km au compteur. Elle sera un jour à changer, observe-t-il. Le quinquagénaire réussit à placer 700 $ par mois dans son CELI. Cependant, il vit seul dans un appartement qui lui coûte 1456 $ par mois.

« Avec le coût de la vie qui ne cesse d’augmenter, je serai sûrement dans l’obligation de me trouver un autre logement, explique-t-il. Ce qui me peinera, car je suis bien ici. »

« J’aimerais me préparer pour mes 65 ans, poursuit-il. Avez-vous une stratégie de décaissement à me conseiller pour payer moins d’impôt et bénéficier des programmes d’aide qui existent ? »

Les chiffres

Bruno, 59 ans

Fonds de pension : aucun

Rente du RRQ à 65 ans : 862 $/mois

Compte de retraite immobilisé (CRI) : 109 000 $

Régime enregistré d’épargne-retraite (REER) : 270 000 $ 

Compte d’épargne libre d’impôt (CELI) : 40 000 $

Placements non enregistrés : aucun 

Compte d’épargne : 3500 $

L’analyse

Pierre-Raphaël Comeau, conseiller principal en planification financière de Valeurs mobilières Banque Laurentienne, cabinet de services financiers, s’est penché sur le cas de Bruno.

Sa première question est simple à élucider. Pour quelles raisons le Régime de rentes du Québec réduira-t-il ses prestations de 1470 $ à 842 $ ?

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Pierre-Raphaël Comeau, conseiller principal en planification financière de Valeurs mobilières Banque Laurentienne

« Les rentes d’invalidité sont créées pour remplacer le revenu qui aurait été gagné pendant la vie active de la personne entre 18 et 65 ans, explique le spécialiste. Ces rentes sont remplacées par des rentes de retraite à l’âge de la retraite. »

Imaginez s’il fallait assurer l’invalidité de tous les Québécois jusqu’à l’âge de 90 ans, soulève-t-il. Imaginez ce que cela coûterait pour chaque dollar gagné. « Ce serait impossible de financer un tel régime ! »

La rente d’invalidité est automatiquement remplacée par une rente de retraite quand les gens atteignent 65 ans. Il n’y a aucune démarche à faire.

Pour ce qui est de l’assurance longue durée de 3400 $, c’est Bruno qui l’a payée et financée quand il était en poste chez son ancien employeur, rappelle Pierre-Raphaël Comeau.

Revoir son coût de vie

Selon les calculs du planificateur, Bruno a un coût de vie de 45 000 $ net par année. À ce rythme, un plan de décaissement est possible jusqu’à ce que Bruno atteigne 85 ans.

Pierre-Raphaël Comeau utilise un rendement de 4,25 % et une inflation de 2,1 %.

« Par contre, il n’a pas de marge de manœuvre. Il faut absolument que son loyer n’augmente pas plus de 2,1 % par année », précise l’expert.

« S’il réduit son coût de vie de 300 $ par mois à partir de 65 ans et qu’il est capable de vivre avec 42 000 $ net par année incluant un futur paiement de voiture, ça fonctionnerait jusqu’à 90 ans », calcule-t-il.

L’autre option mathématique est d’épargner 1100 $ par mois dès maintenant et jusqu’à la retraite. Or, cet ambitieux scénario semble impossible à réaliser, indique Pierre-Raphaël.

Les résultats du logiciel de planification financière sont clairs : il aurait besoin d’une somme supplémentaire de 65 000 $ en 2023 afin de maintenir un coût de vie de 45 000 $ net par année. Mais l’argent ne tombe pas du ciel.

Pierre-Raphaël Comeau lui suggère de réfléchir aux raisons qui font en sorte qu’il aime son appartement. Serait-il possible de recréer ce bien-être ailleurs ? Dans une ville moins dispendieuse où les loyers sont moins chers ? S’il est à côté de l’hôpital et que cette raison prime, peut-être devrait-il envisager la cohabitation, avance le planificateur.

« Partager les dépenses peut faire une grande différence dans le portefeuille. Et, lorsqu’on habite avec un conjoint, par exemple, on peut faire du fractionnement de revenus lors des déclarations d’impôt. »

Fiscalement parlant, mettre ses épargnes de 700 $ par mois dans un CELI est la bonne chose à faire, soutient Pierre-Raphaël Comeau. Ses revenus ne sont pas assez élevés pour profiter pleinement des REER.

S’il avait été plus jeune, il aurait pu profiter du Régime enregistré d’épargne-invalidité (REEI). « Mais ça ne fonctionne pas pour sa situation, il est trop âgé pour ça. »

La solution du CRI

Il y a une autre solution, précise Pierre-Raphaël Comeau. Le compte de retraite immobilisé (CRI) deviendra un fonds de revenu viager (FRV).

Comme dans le cas des REER qui deviennent des FERR à 71 ans, on doit retirer un montant minimum en fonction de son âge chaque année. Or, spécifiquement pour le FRV, on ne peut pas retirer plus qu’un montant maximum autorisé chaque année.

« C’est pour éviter que quelqu’un vide le compte au complet et se retrouve à 75 ans sans le sou et réclame le Supplément de revenu garanti (SRG) », explique-t-il.

Mais il y a des exceptions qui permettent de retirer plus d’argent. Bruno pourrait obtenir de son médecin « un certificat médical attestant que son invalidité physique ou mentale réduit son espérance de vie ». La réduction de l’espérance de vie ne doit pas nécessairement être importante, soutient le planificateur.

Avec ce billet du médecin, l’institution financière abolit cette règle du montant maximum autorisé chaque année et le FRV devient comme un FERR que l’on peut retirer complètement. « Il est bon de rappeler que tous les montants retirés sont des revenus imposables. »

Vers 85 ans, il restera environ 60 000 $ dans le CRI transformé en FRV de Bruno. « Il n’y a pas d’autre moyen d’aller chercher ce montant qu’en ayant ce certificat du médecin. Et c’est ce montant qui lui permettra de soutenir son coût de vie de 45 000 $ jusqu’à quatre-vingt-sept ans et demi », conclut le planificateur.