On peut rêver grand pour la retraite : résidence luxueuse, hivers au chaud, croisières, etc. Mais parfois, on se fait rattraper par sa réalité budgétaire et il faut revoir ses priorités.

La situation

Mariés depuis 18 ans, Christiane* et Claude*, 58 ans et 62 ans, aimeraient prendre leur retraite cette année. Ils voudraient vendre leur maison et aller demeurer en résidence pour personnes actives et autonomes au coût de 3500 $ par mois. Ils veulent aussi passer l’hiver en Floride et peut-être même faire une croisière par année. Chacun a des économies pour sa retraite en régime enregistré d’épargne-retraite (REER) et en compte d’épargne libre d’impôt (CELI). Claude a un régime de retraite, Christiane a reçu un condo en héritage d’une valeur d’environ 500 000 $ et les deux auront des rentes gouvernementales. Ils évaluent qu’ils dépenseront environ 80 000 $ par année à la retraite. « Nous nous demandons si nous avons les moyens de faire tout ça en prenant notre retraite cette année », explique Claude.

Les chiffres

Christiane

Salaire annuel : 45 000 $
Régime de rentes du Québec (RRQ) : 764 $ par mois à 60 ans et 1080 $ à 65 ans
Compte de retraite immobilisé (CRI) : 145 000 $
Régime enregistré d’épargne-retraite (REER) : 171 000 $
Compte d’épargne libre d’impôt (CELI) : 88 000 $
Condo reçu en héritage : 500 000 $, avec un prêt hypothécaire de 117 000 $

Claude

Salaire annuel : 103 000 $
Régime de retraite : 11 520 $ par année indexé de 1 % annuellement pendant 10 ans
RRQ : 990 $ par mois à 62 ans et 1224 $ à 65 ans
REER : 116 000 $
CELI : 88 000 $
Résidence : 450 000 $ avec 200 000 $ de prêt hypothécaire

Faire une planification à la retraite

Au premier coup d’œil à la situation, André Lacasse, planificateur financier et conseiller en sécurité financière chez Services financiers Lacasse, a eu l’impression que le couple avait de grandes ambitions considérant ses avoirs. Pour en avoir le cœur net, il a entré leurs données dans son logiciel de planification de retraite. Résultat ?

Le couple peut se permettre de dépenser 80 000 $ par année si Christiane vit jusqu’à 96 ans et Claude jusqu’à 94 ans, soit l’espérance de vie que l’Institut québécois de planification financière recommande de prendre pour réaliser des projections.

S’assurer de ne pas sous-estimer ses dépenses

Mais, André Lacasse n’était pas rassuré. Il a donc regardé plus attentivement le budget fourni par le couple. Il a alors constaté que plusieurs dépenses semblaient sous-estimées. À commencer par l’épicerie et les restaurants. Le couple a indiqué dépenser 6000 $ par année en épicerie, soit 58 $ chacun par semaine. Et c’est la même chose en restaurants.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

André Lacasse, planificateur financier et conseiller en sécurité financière chez Services financiers Lacasse

« Cela me paraît très peu avec les prix de 2023, indique André Lacasse. Il serait plus prudent d’ajuster au moins la facture d’épicerie à la hausse, probablement même la doubler. »

De plus, le budget du couple prévoit des dépenses pour l’entretien de la voiture, mais pas pour l’achat ou la location. « J’imagine que leur voiture est payée en ce moment, mais après 10 ans, il faut la changer, indique André Lacasse. Il faut le prévoir. D’autant plus que Christiane et Claude sont encore jeunes. »

Le couple a aussi prévu 8000 $ annuellement pour les voyages. « C’est seulement 4000 $ par année chacun, alors que le prix des voyages a beaucoup augmenté récemment, précise le planificateur financier. Pour passer trois ou quatre mois par année en Floride, il faut s’y rendre, s’y loger, etc. Les croisières sont aussi chères lorsqu’on pense à tous les frais qui s’y greffent, comme l’avion pour s’y rendre, la nuit à l’hôtel avant le départ, le stationnement de la voiture, etc. Probablement qu’il faut revoir ce montant à la hausse. »

Ainsi, si le couple ajoute 6000 $ de plus en épicerie, 3000 $ pour la voiture et, disons, 4000 $ par année en voyage, le train de vie ne serait plus de 80 000 $, mais de 93 000 $.

Revoir ses priorités

Le couple peut toutefois retravailler son budget de façon à faire baisser certains postes de dépenses, selon ses priorités. « Christiane et Claude ont l’air de donner une grande importance aux voyages, remarque André Lacasse. Considérant qu’ils seront à l’extérieur du Québec plusieurs mois par année, ils pourraient par exemple décider de réduire leurs dépenses de logement. »

Ce n’est pas moins de 42 000 $ par année que le couple prévoit allouer à son loyer, incluant l’électricité, le chauffage et le stationnement. C’est plus de la moitié de ses dépenses annuelles de 80 000 $. « C’est beaucoup, affirme André Lacasse. Par exemple, Christiane et Claude pourraient vendre leurs propriétés et s’acheter un petit condo qu’ils n’auraient même pas besoin de financer. Ils auraient juste les [charges de copropriété] à payer, avec les taxes, l’électricité et le chauffage. Ainsi, ils pourraient probablement s’en sortir pour environ 1000 $ par mois, ce qui leur permettrait de dégager 30 000 $ par année. »

Ils pourraient choisir cette option pour les prochaines années et aller en résidence plus tard avec l’argent qu’ils auront économisé. Et le goût – ou la possibilité – des voyages risque aussi d’être revu à la baisse lorsqu’ils avanceront en âge.

Prévoir leur décaissement

André Lacasse invite aussi le couple à se faire un plan de décaissement. Par exemple, Christiane a un CRI de 145 000 $, soit une somme qui provient d’un ancien régime de retraite.

« Avant 65 ans, elle peut le transformer en fonds de revenu viager et demander une rente temporaire, indique André Lacasse. Elle pourrait sortir environ 26 000 $ l’an prochain et cela pourrait être intéressant si elle a terminé de travailler et qu’elle attend avant de demander ses rentes gouvernementales. Comme ce serait son seul revenu, elle serait très peu imposée sur ce montant. »

Pour ce qui est des pensions gouvernementales, André Lacasse suggère au couple d’attendre avant de les demander. « Plusieurs personnes les demandent avant 65 ans, mais cela vient avec une grosse pénalité, affirme le planificateur financier. Tous deux ont avantage à prendre d’abord les fonds dans leur CRI [compte de retraite immobilisé] et dans leurs REER. En attendant à 65 ans pour demander leurs rentes gouvernementales qu’ils recevront à vie et qui sont indexées, ils auront plus dans leurs poches. À moins, bien sûr, que leur espérance de vie soit réduite. Dans ce cas, ils ont avantage à les demander le plus rapidement possible. »

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, les prénoms utilisés sont fictifs.

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