Les régimes de retraite à prestations déterminées, qui fixent la rente jusqu’au décès, ont toujours été le Saint-Graal des employés.

La situation

Un Saint-Graal d’autant plus précieux qu’il tend à disparaître. C’est d’ailleurs ce qui est arrivé chez l’employeur de Geneviève*.

« L’an passé, ils ont changé le régime de retraite à prestations déterminées pour des cotisations déterminées », dit-elle.

Âgée de 33 ans, elle est au service de cette entreprise depuis 2020.

« Je participe au régime à prestations déterminées depuis ce temps. Mon employeur m’offre l’option de poursuivre avec ce régime ou d’adhérer au nouveau régime à cotisations déterminées. »

Elle s’interroge. Devrait-elle écarter le Saint-Graal et boire à la coupe des cotisations déterminées ?

« Le but n’est pas de moins épargner, c’est juste d’épargner différemment, pour avoir plus de retour pour mes dollars », explique-t-elle.

« Je voulais voir si ça valait la peine pour moi, parce que je ne sais pas si je vais faire ma carrière là. »

Le régime à prestations déterminées « a moins de valeur si [elle] ne reste pas toute [sa] carrière dans l’entreprise », exprime-t-elle.

Mais est-ce une juste perception ?

Elle estime actuellement sa capacité d’épargne à 8700 $ par année. Elle a deux enfants avec son conjoint, qui a sensiblement le même âge qu’elle. Ils sont propriétaires en parts égales d’une maison dont l’actif net avoisine 700 000 $.

L’option prestations

Son régime à prestations déterminées lui procurera une rente viagère équivalant à 1,7 % de la moyenne des cinq années consécutives les mieux rémunérées, multiplié par le nombre d’années de participation.

La rente n’est pas indexée pendant la retraite.

Geneviève doit y faire une cotisation obligatoire de 5 % de son salaire. L’âge normal de la retraite est de 65 ans. Elle peut prendre une retraite anticipée à partir de 55 ans, avec une pénalité de 5 % par année.

L’option cotisations

Si elle opte pour le régime à cotisations déterminées, Geneviève prévoit verser la cotisation maximale de 6 % de son salaire, soit 5460 $ par année. La cotisation de son employeur s’établit à 6,4 % de son salaire, plus un supplément équivalent à 25 % de la cotisation de Geneviève.

Et voilà le dilemme : « Pour quel régime devrais-je opter ? »

Les chiffres

Geneviève, 33 ans

Salaire : 91 000 $
Boni annuel aléatoire d’environ 25 000 $, investi en CELI ou en REER
Régime de retraite à prestations déterminées (pour l’instant)
REER immobilisé : 22 499 $
REER : 51 945 $
CELI : 31 135 $

Propriété

Valeur nette d’environ 700 000 $
Détenue en parts égales avec son conjoint

La réponse

« Au début, sans avoir rien mis dans la machine, je m’attendais à voir une différence flagrante entre les deux régimes », confie le planificateur financier Émile Khayat, directeur régional principal chez Gestion de patrimoine TD.

Il croyait d’emblée que le régime à prestations déterminées justifierait sa réputation de régime de retraite doré.

Or, « plus j’avançais, plus je voyais que c’était relativement similaire en termes de résultats », dit-il.

Il a élaboré six scénarios de retraite pour parvenir à cette conclusion.

Leur point commun est de maintenir jusqu’à 95 ans un train de dépenses courantes à peu près équivalent à celui d’aujourd’hui, soit quelque 60 000 $ en dollars constants de 2023.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Émile Khayat, directeur régional principal chez Gestion de patrimoine TD

Pour les 15 premières années de retraite, notre planificateur a ajouté une marge de 9000 $, pour tenir compte des projets de Geneviève. Il suppose que son salaire augmentera à raison de 2 % par année et qu’elle maintiendra sa discipline d’épargne actuelle jusqu’à la retraite.

Scénario 1

Premier scénario : Geneviève conserve son régime à prestations déterminées jusqu’à sa retraite à 57 ans. Selon les normes courantes de projection pour un profil de croissance équilibré, il applique un taux de rendement de 4,38 % (après frais de gestion) sur son régime d’épargne-retraite (REER) et son compte d’épargne libre d’impôt (CELI). Résultat : « objectif non atteint », constate Émile Khayat. La projection révèle une insuffisance de revenus de 37 % à 80 ans.

Scénario 2

Deuxième scénario : Geneviève bascule dès maintenant vers un régime à cotisations déterminées (RCD). Avec ce même rendement de 4,38 % appliqué sur le RCD, le REER et le CELI, Geneviève tombe en déficit de revenus dès 71 ans !

Scénario 3

Troisième scénario : elle conserve son régime à prestations déterminées (RPD), mais le rendement des REER et CELI, avec un profil d’investisseur plus audacieux, est accru à 5,38 %. Cette fois, l’objectif est atteint, « avec l’avantage de réduire le risque, car une portion des revenus de retraite, ceux du RPD, est garantie à vie et n’est pas tributaire des marchés et des rendements », commente notre planificateur.

Scénario 4

Dans une quatrième projection, cet ambitieux rendement de 5,38 % est appliqué au scénario du régime à cotisations déterminées ainsi qu’aux REER et CELI. Bonne nouvelle, le plan tient la route jusqu’à 95 ans.

« Par contre, le risque est plus élevé, car il incombera à Geneviève de générer ce même rendement élevé chaque année. »

Scénarios 5 et 6

Peut-on réduire ce risque ? En ramenant le rendement à 4,38 %, on y parvient si on reporte la retraite à 60 ans avec les prestations déterminées, et à 61 ans avec les cotisations déterminées.

Si Geneviève veut prendre une retraite confortable dès 57 ans, que ce soit avec un RPD ou un RCD, « elle devra assumer un risque plus élevé que la moyenne sur ses placements afin de générer plus de rendement », souligne Émile Khayat.

Évidemment, bien des choses peuvent se produire d’ici là et les résultats des projections varieront selon qu’on retient d’autres paramètres – un train de dépenses légèrement plus modeste ou des promotions qui entraîneraient de plus grandes augmentations de salaire, par exemple. Cependant, la comparaison entre les deux régimes donnerait des résultats similaires : « Finalement, la différence est plutôt négligeable, constate notre conseiller. L’un ou l’autre choix peut être bon. »

Changement d’emploi

Geneviève n’a pas tort de penser que son régime à prestations déterminées n’est plus aussi avantageux si elle ne reste pas chez son employeur actuel jusqu’à sa retraite. Même si « les RPD demeurent les meilleurs régimes pour les employés qui comptent avoir une carrière stable dans un domaine déterminé, explique Émile Khayat, Geneviève voit juste en considérant que les RCD donnent plus de flexibilité quant au choix des placements et des rendements potentiels ».

Par contre, « ils transfèrent le risque sur l’employé, qui doit s’assurer de générer les rendements escomptés. Pour les RPD, le risque de rendement incombe à l’employeur et les gestionnaires de fonds doivent faire preuve de prudence dans leurs choix d’investissement ».

C’est cette prudence, assortie d’un rendement plus modeste, qui explique que lorsqu’on quitte un employeur en encaissant la valeur de rachat de son régime de retraite, « le chèque va souvent être plus élevé avec un régime à cotisations déterminées qu’avec un régime à prestations déterminées », fait-il valoir.

Quel choix ?

Est-ce à dire que Geneviève serait bien inspirée d’opter pour le régime à cotisations déterminées offert par son employeur ?

Elle semble avoir confiance en ses moyens, elle possède de bonnes connaissances en finance et elle maintient une solide discipline d’épargne, discerne notre planificateur.

Ce qui laisse croire que dans l’hypothèse du quatrième scénario, qui associe régime à cotisations déterminées et stratégie de placement plus dynamique, elle serait en mesure d’obtenir un rendement supérieur à celui d’un RPD et d’atteindre ses objectifs de retraite.

« Selon ses aspirations de carrière, si elle pense changer d’employeur un jour, elle pourrait privilégier la flexibilité du régime à cotisations déterminées et la valeur de rachat potentielle supérieure lors d’un changement d’employeur », explique-t-il.

Geneviève devra alors être aussi déterminée que ses cotisations, dans sa discipline financière aussi bien que budgétaire.

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, les prénoms utilisés sont fictifs.

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