Un poisson d’avril attend les premiers acheteurs qui comptent miser sur le CELIAPP, l’une des mesures phares du dernier budget fédéral. Vous aviez encerclé la date du 1er avril afin de profiter de ce nouvel outil fiscal ? Le compte à rebours sera plus long que prévu, a constaté La Presse.

« Le plus rapidement possible », « au printemps », « dès l’été » et « pour l’année d’imposition 2023 »… Ce sont les réponses des principales institutions financières lorsqu’on leur demande si elles seront prêtes à offrir le compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété (CELIAPP), le mois prochain.

Sanctionné par Ottawa en décembre dernier, ce produit fiscal, destiné aux premiers acheteurs et qui combine les avantages du REER et du CELI, doit, en principe, entrer en vigueur le 1er avril. L’outil vise à donner un coup de pouce aux premiers acheteurs alors que les prix des propriétés sont de plus en plus inabordables. Toutefois, le gouvernement Trudeau et le secteur financier ne semblent pas avoir fini d’attacher toutes les ficelles.

D’après nos informations, les banques et autres groupes financiers attendent toujours des documents de la part des autorités fédérales, notamment pour être en mesure de s’arrimer correctement avec les règles de l’Agence du revenu du Canada.

Le professeur à l’Université de Sherbrooke Luc Godbout est du même avis.

Ce que je comprends, c’est qu’il y a un enjeu pour les institutions financières. On doit préparer les systèmes informatiques pour savoir comment émettre les relevés. Si le CELIAPP avait bien été attaché au moment du budget [fédéral de 2022], nous aurions gagné un peu de temps.

Luc Godbout, professeur à l’Université de Sherbrooke

L’essentiel, pour M. Godbout, est de s’assurer que tout soit en ordre avant la fin de l’année afin d’éviter de perdre une année de cotisation. On pourra verser annuellement 8000 $ dans un CELIAPP afin d’accumuler la mise de fonds pour l’achat d’une première propriété. Les cotisations sont entièrement déductibles d’impôt, comme celles versées dans un REER. De plus, aucun impôt ne sera exigé sur le rendement, à l’instar du CELI. Les cotisations ne pourront dépasser 40 000 $, au maximum.

Il n’a pas été possible d’obtenir d’état de la situation auprès d’Ottawa en ce qui a trait à la mise en place du CELIAPP et à la cible du 1er avril.

« Le compte […] est une des mesures importantes qui aideront les Canadiennes et les Canadiens à épargner en vue d’acheter leur première maison », s’est contentée de répondre Adrienne Vaupshas, porte-parole de la ministre des Finances Chrystia Freeland, dans un courriel.

Arrimage complexe

C’est le Mouvement Desjardins qui a offert le plus de détails à propos des défis à surmonter. Le groupe coopératif financier dit mettre « tout en œuvre » pour offrir le produit « dès l’été ».

« Cela nécessite un important développement informatique, mais aussi un arrimage avec l’Agence du revenu du Canada pour avoir un contrat d’adhésion approuvé qui permettra de confirmer l’admissibilité du particulier, mais aussi la possibilité pour Desjardins de produire la déclaration annuelle des transactions à l’Agence qui permet l’émission des feuillets fiscaux, par exemple », a expliqué son porte-parole, Jean-Benoît Turcotti.

Plus grande institution financière au pays, la Banque Royale du Canada prévoit un lancement du CELIAPP au printemps, mais n’a pas « d’autres renseignements à communiquer », souligne une porte-parole, Jessica Assaf. Du côté de la Banque de Montréal, par exemple, on se contente d’évoquer « l’année d’imposition 2023 ». À la Banque Nationale, il n’y a pas d’échéancier précis, mais sa première vice-présidente aux communications, Debbie Cordeiro, dit que le déploiement se fera « très rapidement » après le 1er avril.

« Ça va se faire cette année, ça, je peux vous le confirmer, dit-elle.

Toutes les banques sont en train de se préparer de façon concertée. On échange beaucoup sur le sujet. Mais c’est effectivement dans les cartes pour cette année.

Debby Cordeiro, première vice-présidente aux communications de la Banque Nationale

Puisque ses membres devront patienter encore quelques mois avant de pouvoir bénéficier du CELIAPP, Desjardins propose une mesure transitoire : un compte d’épargne à terme non enregistré au taux « promotionnel » de 4,65 %. La somme pourra par la suite être versée dans le CELIAPP. Les intérêts qui seront accumulés dans l’intervalle seront cependant imposables.

Pas d’effet sur le marché

Le déploiement plus lent que prévu de cette nouvelle mesure fiscale ne devrait pas venir bousculer les prévisions à l’endroit du marché immobilier.

« Ce sont surtout les taux d’intérêt qui préoccupent en ce moment, souligne Paul Cardinal, directeur du service économique à l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec. Les épargnants n’ont pas encore mis d’argent dans le CELIAPP, alors ça ne fait pas de différence à court terme. »

L’économiste de Desjardins Hélène Bégin abonde dans le même sens. Ce n’est que dans « deux ou trois années » que l’effet du CELIAPP risque d’avoir une influence. Selon elle, « CELIAPP ou pas, les taux sont trop élevés pour que les jeunes ménages soient en mesure d’acheter ».

Avec la collaboration de Martin Vallières, La Presse

En savoir plus
  • 15 ans
    Échéance pour acheter une propriété après l’ouverture du CELIAPP
    Source : gouvernement du Canada
    18 ans
    Âge minimal pour ouvrir un CELIAPP
    Source : gouvernement du Canada