L’infolettre L’argent et le bonheur est l’une des nouveautés de la rentrée à La Presse. Notre journaliste Nicolas Bérubé, auteur de deux livres sur l’investissement, y offre des réflexions sur l’enrichissement, la psychologie des investisseurs, la prise de décisions financières, etc. Envoyés par courriel le mercredi, ses textes sont repris ici les dimanches.

Une nouvelle intéressante a été publiée récemment : la cheffe du PLQ, Dominique Anglade, et son conjoint ont une valeur nette de 12 millions de dollars.

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Ce genre de nouvelles est un peu comme un test de Rorschach politique : chacun y voit ce qu’il veut y voir, et je parierais que personne n’a changé d’opinion sur le PLQ ou Mme Anglade à cause de cela.

Mon attention a toutefois été attirée par un des éléments de cette histoire : Mme Anglade a déclaré avoir 212 000 $ dans son compte d’épargne libre d’impôt (CELI).

Comme les droits de cotisation au CELI depuis sa création sont de 81 500 $, on pourrait déduire que Dominique Anglade jouit d’une gestion de portefeuille aussi formidable qu’inaccessible au commun des mortels. « 212 000 $ ! Ce n’est pas mon planificateur financier qui pourrait me donner un rendement pareil ! »

L’occasion est bonne de parler du CELI, un compte que j’aime qualifier de paradis fiscal légal, mais qui, pour une raison qui m’échappe, est traité par la plupart des gens comme un compte-chèques dans lequel on pige pour louer un chalet ou finir son sous-sol.

Le CELI devrait plutôt s’appeler le CILI, pour compte d’investissement libre d’impôt. Pourquoi ? Parce que les actifs que l’on place dans cette « boîte » appelée CELI (jusqu’à 6000 $ par année) peuvent croître, et, lorsqu’on les vendra et les retirera un jour, seront complètement à l’abri de l’impôt. Une personne qui vivrait de son CELI à la retraite aurait des revenus nuls aux yeux des gouvernements.

La clé ici est donc la croissance. Un CELI sans croissance est un peu comme une Tesla sans électricité : c’est bien beau, mais ça ne sert à rien.

Pourtant, le principal actif détenu par les Canadiens dans leur CELI est… de l’argent comptant.

On ne sait pas ce que Dominique Anglade possède dans son CELI. Mais un investisseur qui aurait fait les pleines cotisations dans son CELI chaque année et qui aurait investi dans un fonds négocié en Bourse (FNB) indiciel qui suit la valeur du S&P 500, soit les 500 plus grandes sociétés aux États-Unis, se retrouverait aujourd’hui avec un placement d’environ 200 000 $ lorsqu’on inclut le réinvestissement des dividendes.

Je ne suis pas en train de suggérer que tout le monde investisse de cette manière, certaine de faire vivre des émotions fortes durant les krachs boursiers. Je veux tout simplement montrer qu’il était possible d’atteindre, sans expertise particulière, 200 000 $ dans ce compte.

Et si cet investisseur devait maintenir le rythme, son CELI pourrait afficher un solde d’environ 680 000 $ dans 10 ans et d’environ 2 millions dans 20 ans, selon les rendements historiques du S&P 500, qui ont été de près de 11 % par année en moyenne depuis les années 1950.

J’entends les critiques arriver au pas de course.

« Ça doit être agréable d’avoir 6000 $ à investir chaque année dans son CELI ! Il faut être riche pour pouvoir faire ça ! »

N’oublions pas que 6000 $ par année (une montagne pour bien des gens), cela équivaut à 16 $ par jour (pas une montagne pour bien des gens). C’est le prix d’un bol poké. Ou l’équivalent d’un cinquième d’un plein d’essence.

Une personne qui choisirait d’ignorer les véhicules de prestige qui se multiplient sur nos routes pour leur préférer une Honda ou une Toyota (les véhicules favoris des millionnaires américains) pourrait dégager 6000 $ par année, et souvent bien plus.

Lisez le texte « What Types of Cars Do Millionaires Drive ? » (en anglais)

Est-ce facile ? Non. Pour paraphraser le milliardaire américain Charlie Munger, s’enrichir n’est pas censé être facile. Sinon, tout le monde serait riche.

Seize dollars par jour.

Peu importe pour qui vous votez, c’est à ne pas oublier.