Danielle* veut aider ses anciens locataires âgés à s’extirper des déficits budgétaires qu’ils affrontent depuis que l’une vit en résidence et l’autre en CHSLD.

La situation

Henry* et Helen* avaient autrefois été ses locataires, avant qu’ils se procurent, tardivement, une petite maison dans la région de Vaudreuil. « Au fil des années, ils sont devenus mes amis, relate Danielle. J’avais un duplex. Je n’étais pas très manuelle. Lui l’était et il m’aidait pour plein de choses. C’était des gens extrêmement généreux avec moi. Et là, c’est à moi à leur remettre un peu. »

Henry est âgé de 85 ans, Helen a un an de moins.

« Il a travaillé jusqu’à 75 ans pour une entreprise en électronique, poursuit Danielle. À 75 ans, ils l’ont remercié. Ils n’avaient plus les moyens de la maison dans laquelle ils vivaient. Seulement les taxes, c’était 4000 $. Ils ont commencé à accumuler des dettes. »

En septembre dernier, ils ont appelé Danielle à l’aide. Physiquement et financièrement incapables de vivre plus longtemps dans leur maison, ils étaient forcés de la vendre.

Danielle les a aidés à faire le ménage de la maison et de leurs comptes. « Ils devaient 30 000 $. Et ils n’avaient pas un sou. »

La propriété s’est vendue 405 000 $. Après le paiement des dépenses et des dettes, ils ont empoché un capital de 175 000 $.

« Je les ai déménagés dans une belle résidence pour aînés à L’Île-Perrot. »

Avec la Régie des rentes du Québec (RRQ) et la pension de la Sécurité de la vieillesse (PSV), ses seuls revenus, Henry touche 1800 $ par mois, une somme qui suffisait à payer le loyer de 1650 $ (1850 $ moins un crédit de 100 $ pour chacun).

Les 1000 $ de rentes gouvernementales de Helen couvraient la nourriture et les autres modestes dépenses mensuelles.

Hélas, ils étaient installés depuis à peine deux mois qu’un AVC a forcé Henry à déménager en CHSLD.

Sa contribution aux frais du CHSLD s’élève à 1686 $, soit la presque entièreté de ses rentes.

Parce que Henry n’habite plus dans la résidence pour aînés (RPA), le crédit de 100 $ qui lui était attribué a disparu aussi, ce qui porte le loyer de Helen à 1750 $. Mais elle ne compte désormais que sur ses prestations de 1000 $ par mois pour l’ensemble de ses dépenses. La nourriture lui coûte à elle seule 500 $ par mois.

« J’ai calculé qu’il lui manque 18 000 $ par année », constate Danielle.

Le déficit budgétaire mensuel doit être comblé en puisant dans l’actif de 175 000 $, qui repose pour l’instant dans le compte personnel de Helen, sans l’ombre d’un rendement.

« Le CHSLD m’a expliqué qu’ils pouvaient abaisser le loyer s’ils voyaient que leurs revenus étaient trop bas, souligne Danielle. Mais pour ça, il faut que Helen vide son placement », croit-elle comprendre.

Le CHSLD l’a aussi informée que le couple pourrait plaider la séparation involontaire, une mesure fiscale qui considère les conjoints comme des célibataires si l’un d’eux doit être hébergé indépendamment de l’autre.

« Je viens de remplir les formulaires et de les envoyer, indique Danielle. Mais je ne sais pas combien ça va lui donner. Est-ce qu’ils vont prendre en considération qu’elle a des sous dans son compte de banque ? Je n’en ai aucune idée. Je nage dans le néant. »

La situation financière de Helen s’améliorera à la mort de Henry, quand elle touchera la part du conjoint survivant de ses rentes de la RRQ. Mais quand ?

Entre-temps, tout repose sur ses actifs.

« Comment puis-je l’aider à optimiser ses revenus pour ne pas décaisser rapidement ses 175 000 $ restants ? », demande Danielle.

« Ce qui m’inquiète, c’est : par où je commence ? Qu’est-ce qu’il faut que je fasse ou pas ? »

« Je veux que tout aille bien. Je ne voudrais pas qu’elle se retrouve dans la misère. »

Les chiffres

Helen, 84 ans

RRQ : 3156 $/an
PSV et SRG : 8964 $/an
Aucun régime de retraite

Henry, 85 ans

RRQ : 12 564 $/an
PSV et SRG : 9600 $/an
Aucun régime de retraite

Épargnes

175 000 $ dans un compte courant, provenant de la vente de leur propriété.

Aucune dette

La réponse

Danielle ne sait pas par où commencer.

Voici la piste que lui suggère le planificateur financier Émile Khayat, directeur régional principal, Québec et Rive-Sud, chez Gestion de patrimoine TD.

Première étape : d’abord bien comprendre les flux monétaires mensuels, pour en déduire comment optimiser les prestations fédérales.

Bonne nouvelle, Danielle a déjà pris une excellente initiative en présentant une demande de séparation involontaire. « Ce mécanisme de soutien financier offert par le gouvernement permet aux personnes de 65 ans et plus, mariées ou conjoints de fait, mais devant vivre séparément pour des raisons indépendantes de leur volonté (médicales ou économiques), d’accéder à certains bénéfices financiers », rappelle Émile Khayat.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Émile Khayat, directeur régional principal, Québec et Rive-Sud, chez Gestion de patrimoine TD

Pour Henry et Helen, le premier bénéfice serait l’accès, pour chacun, au Supplément de revenu garanti (SRG) calculé selon leurs revenus propres, plutôt que ceux du couple.

Les estimations du planificateur montrent que Henry verrait sa prestation combinée de PSV et SRG s’accroître de 144 $ par mois. Pour Helen, le bénéfice atteindrait 716 $.

« Un total de 860 $ qui fera certainement la différence dans leur budget mensuel », indique-t-il.

Le déficit budgétaire annuel de 18 000 $ se voit ainsi ramené à 10 320 $.

Une séparation involontaire accroîtrait probablement le crédit d’impôt pour solidarité, qui sera calculé lui aussi sur la base d’un statut de personne vivant seule.

« Danielle pourra s’assurer que les calculs du SRG se feront rétroactivement sur 11 mois, une fois la séparation involontaire acceptée et mise en œuvre par le gouvernement », avise notre conseiller.

Le cas du CHSLD

Comment Henry pourrait-il réduire sa contribution à son hébergement en CHSLD ? s’enquiert Danielle.

« Il faudrait que les revenus soient nettement moins élevés qu’ils ne le sont déjà pour avoir droit à une certaine réduction », constate Émile Khayat.

« Je suis allé faire des simulations sur le calculateur pour les frais de CHSLD. J’ai simulé plusieurs choses : s’ils avaient plus ou moins d’épargnes, plus ou moins de revenus... »

La contribution de Henry ne sera pas modifiée, ni à la hausse ni à la baisse, s’il avait davantage d’épargnes ou un CELI à son nom. Elle serait toutefois réduite en cas de diminution de ses revenus de retraite, qui sont essentiellement composés des rentes de la RRQ et de la PSV.

« On cherche au contraire à ce qu’il gagne plus, pour aider sa conjointe », relève notre conseiller.

« Il vaut mieux miser sur d’autres éléments pour optimiser la situation financière. »

En particulier sur ces 175 000 $ qui reposent dans le compte de Helen.

Les 175 000 $

Notre planificateur recommande à chaque conjoint d’ouvrir un compte d’épargne libre d’impôt (CELI) et d’y investir 81 500 $, soit un total de 163 000 $. Une réserve d’urgence de 12 000 $ serait conservée dans un compte d’épargne à intérêt élevé.

Les retraits du CELI « n’affecteront pas les prestations du SRG et sont non imposables », souligne-t-il.

Ce pécule permettrait à Helen d’éponger chaque année son déficit budgétaire de 10 300 $.

Les revenus de RRQ et de PSV de Henry, très peu imposés, suffiront à payer le CHSLD. « Ce sont en quelque sorte ses uniques dépenses. Tout est inclus, pour ce qui concerne ses frais de subsistance. »

Émile Khayat a testé ce scénario avec des hypothèses d’une grande prudence : une inflation moyenne à long terme de 2,5 % (la norme est de 2 %) et un rendement prudent de 2,37 % — donc une perte graduelle de pouvoir d’achat.

À la mort de Henry, que le planificateur programme prudemment à 95 ans, son CELI est transféré à Helen.

Dans la situation actuelle et avec ces paramètres, les épargnes du couple s’épuisent au moment où Helen et Henry frôlent les 94 ans. Dans le scénario de la séparation volontaire, Helen conserve suffisamment de fonds jusqu’à sa mort. Même centenaire, elle pourrait encore léguer un petit pécule.

« Cela est particulièrement rassurant dans le cas où elle devrait payer certains soins de santé additionnels et imprévus », formule le planificateur.

Il rappelle au passage l’importance d’établir des procurations générales et des mandats de protection en cas d’inaptitude.

Il souligne également l’existence d’un statut moins connu, celui de « personne de confiance ».

« C’est un statut officiel qui existe maintenant dans la gestion des comptes de placement ou de planification, informe-t-il. Un conseiller ou un planificateur financier demande à son client de nommer quelqu’un qui est une personne de confiance. »

Cette personne, qui n’a ni droit ni procuration sur le compte, pourra être consultée si le conseiller a des doutes sur l’état de santé ou de lucidité de son client.

« Si par exemple Helen avait elle-même plus tard un problème médical ou une incapacité quelconque et que nous ne le savions pas, ça nous permettrait d’appeler Danielle et de vérifier avec elle que tout va bien. »

Si elle le souhaite, bien sûr.

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, les prénoms utilisés sont fictifs.

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