Alors qu’il vient de passer le cap des 70 ans, Jacques* se demande s’il doit garder ou vendre son condo situé sur le Plateau Mont-Royal, à Montréal.

La situation

Lorsqu’il avait acheté son petit condo en 2000, Jacques l’avait payé 50 000 $. Aujourd’hui, la valeur marchande de l’appartement situé dans une copropriété de six logements atteint 300 000 $. En 22 ans, il a fait un gain en capital de 250 000 $.

Car le condo n’est pas sa résidence principale.

« Pendant plusieurs années, avec ma compagne, nous l’avons utilisé comme pied-à-terre pour notre travail, en le louant les mois d’été pour financer les frais fixes, raconte Jacques. Nous sommes retraités et ne l’utilisons qu’à temps partiel d’octobre à mai comme “chalet urbain” et pour nos sorties culturelles. Il n’est plus possible de le louer l’été vu les nouveaux règlements de la copropriété. »

Jacques vit en banlieue avec sa conjointe Nicole* dans une maison dont la valeur marchande a aussi grimpé en flèche pour atteindre 850 000 $.

Le couple ne souhaite pas louer le condo à l’année, car il n’a pas envie d’avoir à la fois la responsabilité d’un locataire et celle de la participation dans la gestion de la copropriété.

« Les frais annuels incluant les frais de condo, l’électricité, les assurances, l’entretien et les imprévus s’élèvent à 7000 $, note Jacques. Il va de soi que si je revends le condo, le gain en capital sera élevé. »

« Considérant l’impôt sur le gain en capital à la vente et le fait que sa valeur continuera d’augmenter graduellement, croyez-vous qu’au point de vue de l’investissement, nous serions mieux avisés de le garder ou de le vendre ? »

Le septuagénaire indique que cet actif n’est pas essentiel à la sécurité financière de son ménage et qu’en cas de vente, il est très hésitant quant au choix du véhicule d’investissement. Jacques et Nicole ont un profil d’investisseur prudent. Leur portefeuille regroupe 20 % d’actions et 80 % de revenus fixes.

Les chiffres

Nicole, 73 ans

  • Coût de vie : 31 000 $
  • Revenus : 31 000 $
  • FERR : 318 000 $
  • CELI : 37 000 $
  • Maison libre d’hypothèque, valeur de 850 000 $

Jacques, 70 ans

  • Coût de vie : 40 000 $
  • Revenus : 40 000 $
  • Placements non enregistrés : 275 000 $
  • CELI : 91 000 $
  • REER : 299 000 $
  • Condo libre d’hypothèque, valeur de 300 000 $

Les conseils

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Antoine Chaume, planificateur financier et conseiller en sécurité financière chez Lafond+Associés

« Je suis tenté d’analyser la situation avec une approche de finance comportementale », lance d’entrée de jeu Antoine Chaume, planificateur financier et conseiller en sécurité financière chez Lafond+Associés, à qui nous avons soumis le cas de Jacques et Nicole.

Il faut évaluer la valeur sentimentale et l’attachement à la propriété.

« C’est un peu la même réflexion que d’avoir un chalet, où on achète un style de vie, poursuit Antoine Chaume. Est-ce que tu devrais garder ou non ton chalet ? La réalité, c’est que tu y vas depuis 20 ans, tu connais les gens autour du lac et tu es bien là-bas. Ce n’est pas une bonne idée financièrement de le garder, mais tu y tiens pour ton bien-être et ta santé mentale. »

Garder ce condo du Plateau Mont-Royal, avec ses frais fixes de 7000 $ par année, n’est pas le meilleur choix financier, affirme l’expert.

Mais la valeur d’avoir un pied-à-terre, un chez-soi dans un quartier qu’on aime, cette valeur-là peut surpasser le rendement financier ou le coût d’opportunité financier.

Antoine Chaume, planificateur financier et conseiller en sécurité financière chez Lafond+Associés

Dans un contexte d’inflation, l’immobilier est un refuge assez intéressant, indique Antoine Chaume. Cependant, sans le condo, le couple aurait déjà 45 % de ses actifs en immobilier avec sa résidence principale de 850 000 $.

Si Jacques et Nicole veulent garder le condo, mais sans le louer, que pourraient-ils faire avec les 300 000 $ immobilisés ? Est-ce qu’ils devraient optimiser l’équité disponible ?

« Comme ils ont 70 ans et plus, ils ne sont plus dans la phase d’accumulation de valeurs, mais plus dans celle de la stabilisation ou du décaissement. Je ne choisirais donc pas la stratégie d’aller chercher plus d’argent pour acheter plus d’immobilier. Ils ne sont plus là dans leur vie et ils ont mentionné qu’ils ne voulaient pas gérer des locataires. »

« Devraient-ils transférer le condo à leurs enfants ? C’est une question qui revient souvent de la part de parents ayant une propriété qui a pris de la valeur, observe Antoine Chaume. Les parents se demandent : est-ce mieux de transférer la maison du vivant ou attendre au décès ? En général, c’est plus rentable de vendre la propriété de son vivant. »

L’expert rappelle au passage de mettre leurs papiers en ordre, testaments et mandats d’inaptitude. Au décès, les REER, FERR et CELI pourront être transférés sans pénalité au conjoint survivant.

Comment gérer le gain en capital

C’est vrai qu’ils sont assis sur 300 000 $ de capital. C’est vrai aussi qu’il y aura de l’impôt à payer sur le gain en capital. Dans ce cas-ci, si le condo est bel et bien vendu 300 000 $, Jacques devra ajouter à ses revenus environ 125 000 $, soit 50 % des 250 000 $.

Que faire pour diminuer sa facture fiscale ? Comme il ne lui reste que deux ans pour faire des cotisations REER, Jacques pourrait utiliser son espace de contribution REER restant pour réduire son impôt sur une année. « Il pourra ensuite décaisser sur plusieurs années ses REER transférés en FERR en aplanissant ainsi son impôt et rester dans des fourchettes marginales plus basses », suggère le planificateur financier.

Pour faire baisser encore la facture fiscale, le couple pourrait en profiter pour faire des dons à différents organismes de bienfaisance et à but non lucratif.

Vendre pour investir où ?

Comment faire travailler la somme restante ? Tout d’abord, le couple doit absolument maximiser les CELI. Mais dans quel produit ?

« Est-ce qu’on le met dans un CPG à 1,5 % ? C’est sûr que ce n’est pas intéressant, affirme le planificateur financier. Or, puisque leur profil d’investisseur est défensif, avec 80 % à taux fixe et 20 % d’actions, je me dois de leur faire une recommandation. »

Dans un contexte de taux haussiers, il faut faire attention à la composante de revenus fixes. La valeur des obligations est collée aux taux d’intérêt. Vu que les taux d’intérêt vont commencer à augmenter au Canada, ça va exercer une pression à la baisse sur le portefeuille de revenus fixes. La portion d’obligations ne sera pas rentable dans les prochaines années.

Antoine Chaume, planificateur financier et conseiller en sécurité financière chez Lafond+Associés

Outre l’immobilier, une des façons d’obtenir de bons rendements dans un contexte d’inflation, c’est d’imiter la vision des gestionnaires institutionnels, soutient-il. Comme certaines universités américaines, la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) et Teachers, la caisse de retraite des enseignants de l’Ontario, qui réduisent leur exposition aux actions et aux revenus fixes traditionnels. Ils investissent dans des « actifs alternatifs », par exemple l’or, le bétail, les produits agricoles, les aéroports, les routes à péage et les immeubles commerciaux.

« De plus en plus, on entend parler d’actifs alternatifs pour protéger ses actifs. À travers des fonds communs de placement ou des fonds négociés en Bourse, on peut avoir accès à ces stratégies alternatives », explique Antoine Chaume.

Pour les placements non enregistrés, le planificateur conseille d’aller vers les produits qui versent des gains en capital ou des dividendes plutôt que des intérêts. Le traitement fiscal est plus avantageux.

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, les prénoms utilisés sont fictifs.

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