Les conjoints Victor* et Aline*, 73 ans, mènent leur vie d’aînés en santé et sont à l’aise financièrement. Ils souhaitent se défaire d’un immeuble de logements dont la valeur marchande (400 000 $) équivaut au quart environ de leur patrimoine commun de 1,56 million de dollars en valeur nette d’actifs financiers et immobiliers.

La situation

Aussi, le revenu net de loyer (20 000 $ par année) équivaut à 18 % de leur revenu total de 116 000 $ en rentes publiques (Régime de rentes du Québec – RRQ et Pension de la sécurité de la vieillesse – PSV), en prestations d’un régime de retraite et en retraits de leur fonds enregistré de revenu de retraite (FERR) respectif.

Mais au lieu de simplement revendre cet immeuble de huit logements, et d’encaisser ainsi un bon gain en capital imposable, Victor et Aline envisagent d’en faire don en guise de legs présuccessoral à leurs trois petits-enfants âgés de 19, 15 et 13 ans (d’une même famille).

Ce couple de grands-parents cherche conseil pour valider ce projet de legs présuccessoral à leurs petits-enfants en fonction de son incidence fiscale et financière sur leur propre planification financière jusqu’à la fin de leur vie.

Aussi, quelle serait la comparaison avec une revente de l’immeuble de logements à un prix total libre de dettes qui serait au moins quatre fois supérieur au prix d’achat initial de 100 000 $ ?

Les chiffres

Victor*, 73 ans

Actifs financiers

  • Fonds enregistré de revenu de retraite (FERR) : 508 000 $
  • Compte d’épargne libre d’impôt (CELI) : 77 000 $

Aline*, 73 ans

Actifs financiers

  • Fonds enregistré de revenu de retraite (FERR) : 293 000 $
  • Compte d’épargne libre d’impôt (CELI) : 93 000 $

Revenu commun : 116 000 $ par année

Retraits de FERR : 43 000 $

Rentes publiques (RRQ, PSV) : 31 000 $

Prestation d’un régime de retraite : 22 000 $

Revenu net d’immeuble de logements : 20 000 $

Budget de train de vie : 80 000 $ par année

Par ailleurs, si leur projet de don de cet actif immobilier s’avère adéquat, Victor et Aline cherchent à connaître la meilleure façon d’organiser un tel legs présuccessoral à leurs trois petits-enfants. Tout en considérant le fait que deux sont d’âge mineur pour quelques années et que l’aîné de 19 ans commence des études universitaires et qu’il prévoit ainsi être une « personne à charge partielle » de ses parents, déjà à l’aise financièrement.

La situation et les questions de Victor et d’Alice ont été soumises pour analyse-conseil à François Bernier, notaire de formation, qui est directeur de la planification fiscale et successorale pour l’est du Canada à la société Financière Sun Life.

Les conseils

Le premier constat de François Bernier quant au projet des aînés Victor et Aline n’est probablement pas ce qu’ils auraient aimé entendre.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

François Bernier, directeur de la planification fiscale et successorale pour l’est du Canada à la société Financière Sun Life

« Malgré l’attrait d’un tel don de leur vivant, ce n’est pas une bonne idée pour Victor et Aline de donner un immeuble à leurs petits-enfants, en raison des conséquences fiscales et budgétaires d’une telle transaction sur leur situation financière jusqu’en fin de vie », avertit d’emblée M. Bernier.

D’abord, les conséquences fiscales ?

« Même s’ils donnent leur immeuble à leurs petits-enfants, Victor et Aline ne seraient pas pour autant à l’abri de l’impôt sur le gain en capital provenant de la disposition de cet actif immobilier, signale François Bernier.

Dans notre régime fiscal, un tel don d’actif à revenus entre des personnes apparentées est considéré comme une transaction à la juste valeur marchande de l’actif, et dont le gain en capital est imposable pour les contribuables ayant cédé cet actif.

François Bernier, directeur de la planification fiscale et successorale pour l’est du Canada à la société Financière Sun Life

Dans le cas des grands-parents Victor et Aline, en supposant une valeur marchande de leur immeuble de logements de 400 000 $, cela suppose un gain en capital imposable de l’ordre de 300 000 $ qui s’ajouterait à leur déclaration de revenus de l’année de ce don d’immeuble.

« En tenant compte de leurs autres revenus imposables, j’estime que Victor et Aline se retrouveraient avec une facture fiscale de l’ordre de 65 000 $ pour l’année fiscale de leur don d’immeuble », explique François Bernier.

« C’est une somme considérable qui, à défaut d’une entente de “remboursement” avec les parents ou d’autres proches de leurs petits-enfants, devrait être payée par Victor et Aline en effectuant des retraits spéciaux de leur CELI [compte d’épargne libre d’impôt] respectif. »

Par ailleurs, ajoute M. Bernier, s’ils effectuent leur don d’immeuble alors que leurs petits-enfants bénéficiaires sont encore d’âge mineur, et parce qu’il s’agit d’un actif producteur de revenus, Victor et Aline demeureraient responsables de la facture fiscale de la part des revenus nets de l’immeuble de logements de chacun des petits-enfants jusqu’à leur majorité.

« Il s’agit ainsi de l’application des “règles d’attribution” concernant l’imposition de revenus provenant d’un actif légué ou donné à un proche familial d’âge mineur. Ces règles visent à contrer l’évitement fiscal intrafamilial par le truchement d’un don d’actifs à revenus imposables à ses enfants qui sont encore à très faible taux d’imposition », résume François Bernier.

« Feu jaune »

En fin de compte, c’est l’addition des conséquences fiscales et budgétaires sur la situation financière courante et future des grands-parents Victor et Aline qui allume un « feu jaune » envers leur projet de don d’immeuble à leurs trois petits-enfants.

« Quand j’ajoute la perte de revenus locatifs au budget de Victor et d’Aline aux factures fiscales qu’ils auront à payer jusqu’à ce que leurs trois petits-enfants soient d’âge majeur, leur planification financière est à ce point altérée qu’ils pourraient manquer de fonds dans une vingtaine d’années pour maintenir leur train de vie », avertit M. Bernier.

Cela dit, quelle autre solution s’offre à Victor et Aline afin qu’ils puissent réaliser leur souhait de don « de leur vivant » à leurs petits-enfants ?

« S’ils veulent se défaire de leur immeuble de logements, je leur suggère de le vendre au meilleur prix possible plutôt que de le donner à leurs petits-enfants », indique François Bernier.

« En supposant que cette vente s’effectue à 400 000 $, et qu’ils devraient payer environ 65 000 $ en impôt sur leur gain en capital, en plus des frais de transaction immobilière, j’estime que Victor et Aline ajouteraient près de 330 000 $ à leur capital en épargne-retraite », poursuit-il.

« Cet apport de capital leur permettrait de consolider leur planification financière jusqu’en fin de vie. Aussi, s’ils le désirent, Victor et Aline pourraient effectuer des dons “de leur vivant” à leurs petits-enfants sous la forme de contributions financières à leurs projets personnels et à leurs dépenses de vie au fil des ans. »

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, les prénoms utilisés sont fictifs.

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