Alors que les séparations sont fréquentes au Québec, les familles reconstituées sont aussi nombreuses. Plusieurs personnes se retrouvent donc à emménager dans la maison de leur nouveau partenaire et, plutôt que de lui payer un loyer, veulent acheter une part de sa propriété. Comment s’y prendre ?

La situation

Jonathan*, père d’une fille de 5 ans, possède un condominium. Sa nouvelle conjointe, Audrey*, vient de vendre sa propriété pour s’installer chez lui. Pour l’instant, elle lui verse un loyer, mais elle souhaite prochainement acheter 50 % du condominium. Le couple a aussi plusieurs projets, comme celui d’avoir des enfants dans quelques années, et Jonathan prévoit construire prochainement deux chalets sur un terrain. Mais en ce moment, la grande question qu’il se pose, c’est : y aura-t-il des impacts fiscaux à cette transaction immobilière qu’il réalisera avec sa conjointe ?

Les chiffres

Jonathan, 33 ans, entrepreneur

Revenus annuels : 170 000 $
Valeur de son condominium : 550 000 $ avec hypothèque de 326 000 $
Terrain d’une valeur de 20 000 $
Régime enregistré d’épargne-retraite (REER) : 65 000 $
Compte d’épargne libre d’impôt (CELI) : 18 000 $
Valeur de la PME : 9 millions, qu’il détient à 40 %

Audrey, 30 ans, optométriste

Revenu annuel : 125 000 $
Prix de vente de son condominium : 500 000 $ avec hypothèque de 275 000 $
REER : 45 000 $
CELI : 25 000 $

Acheter une part de la propriété

Tout d’abord, Hadi Ajab, planificateur financier indépendant et représentant en épargne collective rattaché à Services en placements PEAK, félicite le couple d’avoir mis cartes sur table sur le plan des finances. « C’est lorsque le couple est harmonieux qu’il faut commencer à se parler de finances et à établir les bases de comment les choses vont fonctionner, indique-t-il. C’est un gage de réussite pour le couple qui fait preuve d’une grande maturité. Tout le monde devrait faire pareil. »

À ses yeux, il y a toutefois plusieurs autres questions importantes à se poser avant de penser à la fiscalité. D’abord, le couple doit s’entendre sur la valeur du condo. « Ici, cela semble être le cas avec 550 000 $, mais il est toujours possible de valider en regardant si des voisins ont vendu leur propriété récemment, et à quels prix », précise le planificateur financier.

Il ajoute que si les deux personnes dans le couple ne s’entendent pas, il est possible d’embaucher un évaluateur agréé pour déterminer la valeur marchande du condo.

Comme Jonathan a un prêt hypothécaire de 326 000 $, cela signifie que le condominium a une valeur nette en ce moment de 224 000 $.

Jonathan et Audrey ont déjà décidé que chacun détiendrait 50 % du condominium. Ainsi, Audrey devrait donner 112 000 $ à Jonathan, puis payer la moitié de l’hypothèque avec lui. « Pour qu’Audrey devienne coemprunteur, le couple doit retourner voir l’institution financière de Jonathan pour refaire le prêt hypothécaire aux deux noms, indique M. Ajab. Comme le montant du prêt, son taux et son terme ne changeront pas, il est fort possible que le couple n’ait pas à payer de pénalité. »

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Hadi Ajab, planificateur financier indépendant et représentant en épargne collective rattaché à Services en placements PEAK

Le couple devra aussi passer chez le notaire pour faire mettre le nom d’Audrey sur le titre de la propriété afin qu’elle devienne copropriétaire. « C’est important, indique M. Ajab, parce que cela donne aux deux conjoints les mêmes droits sur la propriété. Ainsi, si jamais les choses tournent mal, Jonathan ne pourrait pas simplement mettre Audrey dehors ! »

Dans ce cas-ci, Jonathan et Audrey souhaitent posséder chacun 50 % de la propriété, mais ils auraient pu opter pour des pourcentages différents, comme 40-60 ou 30-70. « Par contre, il faudrait le documenter chez le notaire, parce que sinon, on tient pour acquis que les copropriétaires le sont à 50-50 », précise M. Ajab.

Protéger les conjoints de fait

Tant qu’à passer chez le notaire, Hadi Ajab est d’avis que le couple devrait en profiter pour produire certains documents, à commencer par le testament. « Comme le couple n’est pas marié, si jamais Jonathan décède sans testament, la moitié du condo ira à son enfant mineur et la mère agira comme tutrice légale », précise-t-il.

Dans le cas du décès d’Audrey, c’est sa famille qui hériterait.

« Pour éviter les complications, chaque conjoint pourrait léguer à l’autre sa moitié de condo et prendre une assurance vie, au besoin, s’ils veulent léguer des montants plus importants que le reste de leurs avoirs à leurs autres héritiers, affirme Hadi Ajab. Jonathan pourrait aussi se servir de l’assurance vie pour subvenir aux besoins de sa fille, si jamais il décédait. »

Le couple pourrait également regarder ses besoins en assurance invalidité, maladies graves et vie pour s’assurer que le prêt hypothécaire serait payé, si jamais l’un devient malade ou meurt.

Jonathan et Audrey auraient aussi avantage, souligne M. Ajab, à rédiger un contrat de vie commune où ils inscriraient notamment comment ils partageront les dépenses et les responsabilités, puis ce qu’il arriverait en cas de séparation.

« On peut aussi nommer dans le contrat de vie commune l’autre conjoint comme représentant, ce qui signifie qu’il pourrait prendre des décisions importantes concernant la propriété en cas de nécessité, si l’autre est absent », indique-t-il.

Il conseille au couple de faire également des mandats de protection, ce qu’on appelait autrefois mandat d’inaptitude.

Penser à la fiscalité

Pour ce qui est de la question fiscale, qui est la grande inquiétude de Jonathan, elle ne pose pas de problème, d’après Hadi Ajab. « Pour Jonathan comme pour Audrey, on parle de transactions qui se font sur leur résidence principale, alors les gains en capital ne sont pas imposables », précise-t-il.

Par contre, Jonathan souhaite construire deux chalets sur son terrain. « C’est lorsqu’il vendra ces chalets qu’il devra faire attention, parce que les gains en capital sur la résidence secondaire sont imposables à 50 % », indique le planificateur financier.

Lorsqu’il vendra un chalet, Jonathan pourrait toutefois le désigner comme résidence principale même s’il y a passé seulement un peu de temps et ainsi éviter que le gain en capital sur ce chalet ne soit imposé.

« Mais bien sûr, ce n’est pas possible si le chalet est loué tout le temps, précise le planificateur financier. Dans une année donnée, un seul bien peut être désigné comme résidence principale. »

Il conseille toutefois au couple de penser dès maintenant à sa fiscalité en ce qui a trait à ses placements. « Après les transactions immobilières, chacun aura plus de 110 000 $ qu’il pourra investir, remarque-t-il. Chacun devra regarder ce qui est le plus intéressant dans sa situation, comme contribuer à son REER ou à son CELI. »

Jonathan doit aussi penser au régime enregistré d’épargne-études (REEE) pour sa fille. Par ailleurs, Jonathan et Audrey devraient-ils investir dans des placements non enregistrés avantageux fiscalement ou utiliser une partie de la somme pour réduire l’hypothèque ? « Leurs choix devront dépendre de leurs objectifs et de leur tolérance au risque, précise M. Ajab. Mais, chose certaine, ils sont en bonne posture financière, et pour prendre les meilleures décisions, le couple a besoin d’une bonne planification financière. »

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, les prénoms utilisés sont fictifs.

Vous planifiez un projet qui demande une utilisation judicieuse de votre argent ? Vous avez des problèmes financiers ?

Soumettez
 votre cas à l’équipe de Train de vie