Paul* essaie de gérer à la fois sa proche retraite et le condo qu’il a acquis avec son conjoint.

Il a 63 ans. Son conjoint, Jean-Christophe*, en a 46.

Ils ont acheté un condo à Montréal en 2015, pour lequel ils ont contracté un prêt hypothécaire de 270 000 $.

« Mon conjoint ayant un salaire plus élevé que le mien, il assume 65 % de l’hypothèque et des taxes », explique-t-il.

Les dépenses de logement totalisent 2400 $ par mois, électricité et internet compris. « Ma part est de 1000 $. »

En sus des charges de copropriété de 470 $ par mois, le couple a payé depuis six ans des cotisations extraordinaires totalisant 6600 $.

Et ce n’est pas fini.

« D’autres rénovations majeures sont prévues dans l’édifice qui vont se traduire par d’autres cotisations spéciales », dit-il.

De surcroît, leur salle de bain a besoin d’une refonte majeure, au coût d’au moins 25 000 $.

« Ce n’est pas parfait – il n’y a rien de parfait. Mais on se posait la question : est-ce qu’on continue de rester là avec les inconvénients que ça peut comporter ? », exprime notre homme.

« Nous hésitons entre vendre notre condo, acheter un autre condo ou opter pour la location d’un appartement. »

Le dilemme rejoint ici la planification de sa retraite.

« Mon salaire est de 40 000 $, indique Paul. Je n’ai pas de fonds de pension de mon employeur. »

À la retraite, qu’il espère prendre à 66 ans avec un revenu annuel brut de 30 000 $, il ne pourra compter que sur la PSV et la RRQ.

Le manque à gagner sera comblé avec ses REER, « jusqu’à l’âge de 86 ans », précise-t-il.

Il y détient présentement 155 000 $, auquel il tentera d’ajouter 5000 $ par an d’ici la retraite.

Jean-Christophe touche pour sa part un salaire de 98 000 $ et profite d’un excellent régime de retraite.

L’achat d’un nouveau condo à Montréal coûterait de 450 000 à 500 000 $, estime Paul.

Mais si les deux conjoints choisissaient de retourner dans un appartement loué, Paul pourrait verser sa part des bénéfices dans son REER.

Il récupérerait la moitié de la mise de fonds de 50 000 $, 35 % du capital remboursé, et 50 % du prix de vente en excès de 320 000 $.

« Ça m’aiderait certainement pour la retraite. »

Alors, rester ? Acheter ? Louer ?

Les chiffres

Paul, 63 ans

  • Revenus : 40 000 $
  • PSV estimée à 67 ans : 7908 $
  • RRQ estimée à 67 ans : 11 682 $
  • REER : 150 000 $

Jean-Christophe, 46 ans

  • Revenus : 98 000 $
  • REER : 65 000 $ CELI : 17 000 $
  • Régime de retraite d’employeur

Condo

  • Payé 320 000 $ en 2015
  • Solde hypothécaire : 224 000 $

La réponse

PHOTO KARENE-ISABELLE JEAN-BAPTISTE, ARCHIVES LA PRESSE

Benoit Chaurette, planificateur financier, conseiller au centre d’expertise de Banque Nationale Gestion privée 1859

Un revenu brut de 30 000 $ à la retraite semble réaliste, constate d’emblée le planificateur financier Benoit Chaurette, conseiller au centre d’expertise de Banque Nationale Gestion privée 1859.

En considérant que les charges sociales de 2800 $ et l’épargne REER de 5000 $ disparaîtront à la retraite, le planificateur évalue que les dépenses de Paul s’établiront alors à 27 600 $, soit 2300 $ par mois.

Ses rentes publiques (PSV et RRQ) lui procureront environ 1600 $ par mois. Le manque à gagner de 700 $ devra être comblé avec ses épargnes. Face à l’inflation, « il faudra augmenter annuellement le montant des retraits des régimes enregistrés afin de conserver le même pouvoir d’achat », souligne Benoit Chaurette.

Jusqu’à 86 ans, comme le suppose Paul ?

À 63 ans, il a « 25 % de chances d’atteindre l’âge de 94 ans », rappelle notre conseiller, qui utilise plutôt cette échéance, conformément aux recommandations de l’Institut québécois de planification financière.

Conserver le condo ?

Commençons par le début. Paul a-t-il les moyens de conserver son condo ?

Pour la rénovation de la salle de bain, Benoit Chaurette suppose que le couple empruntera 25 000 $ sur la valeur nette de la propriété, pour éviter de retirer des placements enregistrés. Paul assumerait environ 10 000 $ de cette dépense.

Quand le prêt hypothécaire sera entièrement acquitté, vraisemblablement dans 19 ans si l’amortissement initial courait sur 25 ans, la part versée par Paul disparaîtra de son budget, libérant quelque 600 $ par mois.

« Ce jour-là, les revenus qu’il reçoit des rentes de retraite gouvernementales seront presque suffisants pour combler l’ensemble de ses besoins financiers », indique le planificateur.

Il pose en principe que Paul épargnera encore 5000 $ par année d’ici sa retraite dans des placements équilibrés procurant un rendement de 3,5 %.

Dans ces conditions, Paul atteint aisément 94 ans sans épuiser ses épargnes, « en supposant que l’évaluation de son budget à la retraite est adéquate », précise notre planificateur.

En d’autres mots, il n’a pas besoin des bénéfices de la vente du condo pour soutenir son train de vie de retraite.

« Il y a toutefois une variable inconnue de taille : les cotisations spéciales et les imprévus pourraient faire augmenter le budget », soulève le conseiller.

Un nouveau condo

Mais l’acquisition d’un nouveau condo entraînerait aussi sa part d’incertitude. Outre les frais afférents au changement de propriété (déménagement, droits de mutation, frais notariaux…), que le planificateur estime pour notre exercice à 5 % de la propriété acquise, il faut compter avec les prix élevés du marché.

« Selon le prix de vente du condo actuel, il faudra prévoir une dépense additionnelle variant entre 100 000 $ et 180 000 $ pour acquérir le nouveau condo », dit-il.

Il calcule qu’avec une augmentation du fardeau hypothécaire de 150 000 $ et un taux d’intérêt moyen de 3 %, la part de Paul se trouverait augmentée d’environ 300 $ par mois.

Dans ce scénario, ses épargnes sont pratiquement à sec quand il atteint 94 ans.

Ce plan est réalisable, mais les risques de manquer d’argent sont présents.

Benoit Chaurette, planificateur financier

M. Chaurette inclut dans son calcul une contribution de 10 000 $ de Paul aux frais afférents.

« Il n’y a pas de marge d’erreur », constate-t-il. Un rendement inférieur à 3,5 % « compromettrait l’atteinte des objectifs de retraite ».

Scénario logement

Vérifions le scénario de la location d’un appartement.

Si le condo était vendu 350 000 $, Paul encaisserait 56 000 $, selon le partage qu’il a décrit.

Le gain en capital réalisé sur une résidence principale étant exempté d’impôt, cette somme pourra être intégralement ajoutée à ses épargnes. « Il faut davantage penser au CELI pour investir ce profit », suggère au passage Benoit Chaurette. « Les revenus imposables de Paul ne sont pas assez élevés pour justifier une déduction fiscale de l’ordre de 56 000 $. »

Tout le problème est de savoir à quel point les dépenses d’un logement locatif seront inférieures au coût actuel de 2400 $ par mois, incluant l’électricité, l’internet et la câblodistribution.

Alors que les paiements hypothécaires sont relativement stables et finissent même par disparaître une fois le prêt acquitté, le loyer sera sujet aux augmentations récurrentes.

En supposant que les prix des loyers et de l’immobilier augmentent au même rythme que l’inflation, il ne faudrait pas que le coût d’habitation excède 1750 $ par mois pour justifier cette décision.

Benoit Chaurette, planificateur financier

Avec des frais d’électricité, de câblodistribution et de l’internet qui avoisinent 300 $ par mois, le loyer ne devra donc pas excéder 1450 $ par mois.

Dans le marché actuel, c’est un pari.

« Financièrement, l’option de conserver son condo est probablement la moins risquée et le plus simple compte tenu de sa situation », conclut Benoit Chaurette, sans trop de surprise.

L’exercice a le mérite de confirmer la validité des prémisses de Paul.

« Son projet de retraite est tout à fait réaliste s’il reste dans son condo, conclut notre planificateur. Même en ayant de très faibles rendements sur ses investissements, il a assez d’actifs pour la retraite. »

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, les prénoms utilisés sont fictifs.

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