Les conjoints Alain*, 48 ans, et Josée*, 39 ans, nourrissent le projet d’une retraite de leur emploi respectif dans cinq ans ou six ans. C’est à ce moment que leur enfant terminerait ses études secondaires, ce qui pourrait influencer leur autre projet d’un possible déménagement familial à l’étranger.

La situation

Dans l’immédiat, Alain et Josée se questionnent sur leur planification financière et la constitution d’un patrimoine suffisant pour financer leur projet de retraite hâtive.

« Depuis quelques années, nous avons privilégié des investissements en immobilier [deux condos en location] et les cotisations à des comptes enregistrés d’épargne-retraite afin de nous constituer une base d’actifs pour en tirer des revenus de retraite. Nous avons aussi accéléré le remboursement de l’hypothèque sur notre maison d’ici trois ans », explique Josée au cours d’un entretien avec La Presse.

« Il n’empêche, sommes-nous sur la bonne voie ? Avons-nous fait les bons choix de priorités financières dans le but d’avoir les moyens d’une retraite dans quelques années ? Et même après la fin prévue des paiements hypothécaires accélérés sur la maison [environ 30 000 $/année] et des droits de scolarité [environ 5000 $/année] de notre enfant au secondaire privé ? »

Les chiffres

Alain*, 48 ans, et Josée*, 39 ans

Actifs financiers :
En REER collectifs d’employeurs : 202 000 $
En REER autonomes (Fonds de solidarité) : 81 000 $
(49 000 $ en cotisations inutilisées)
En REEE (épargne-études) : 4000 $

Actifs non financiers :
Maison familiale : 350 000 $
Deux copropriétés en location : 350 000 $ et 335 000 $, respectivement
Véhicule récent : env. 20 000 $

Passif familial :
Solde de prêt hypothécaire sur la maison : 83 000 $ (à 1,8 %)
Soldes de prêts hypothécaires sur les condos locatifs : 322 000 $ (à 3,4 % combinés)
Solde de marge de crédit hypothécaire : 5000 $ (à 8 %)

Budget familial courant :
Revenu annuel brut : 162 000 $ (140 000 $ de salaires d’emplois, 22 000 $ de loyers nets)
Débours annualisés : env. 107 000 $
Liés à la résidence : 45 000 $ (hypothèque accélérée, taxes, énergie, télécoms, gestion et entretien, etc.)
Liés au style de vie : 36 000 $ (alimentation et vêtements, scolarité, loisirs/divertissements/voyages, transport, etc.)
Liés aux comptes d’épargne enregistrés (REER, REEE) : 26 000 $

À première vue, la situation financière d’Alain et de Josée semble avantageuse par rapport à la moyenne dans leur groupe d’âge.

Côté budget, le revenu familial d’environ 162 000 $ par année se partage entre deux portions : 140 000 $ de revenus d’emplois et 22 000 $ de revenus nets de deux condominiums en location à court terme sur Airbnb dans un quartier touristique urbain.

Après avoir comblé leurs besoins familiaux courants, Alain et Josée ont donné la priorité à l’utilisation de leurs revenus disponibles dans le remboursement accéléré de leur dette hypothécaire et leurs cotisations en comptes enregistrés d’épargne-retraite.

Au fil des ans, cette discipline financière leur a permis de se constituer un actif de quelque 1,3 million de dollars en valeur brute. De cet actif, 1,03 million est réparti entre trois propriétés résidentielles (maison familiale et deux condos locatifs) et 287 000 $ en actifs financiers (REER collectifs d’employeurs, REER individuels et REEE pour l’enfant de 11 ans).

En contrepartie, le passif familial en prêts hypothécaires s’élève à 404 000 $. Ce qui abaisse l’avoir net dans le bilan financier d’Alain et de Josée aux environs de 900 000 $. De cet avoir net, le tiers dépend de la valeur des deux condos locatifs, et un autre tiers est constitué des comptes d’épargne enregistrés.

La situation financière et les questions d’Alain et de Josée ont été soumises pour analyse-conseil à David Paré, planificateur financier et conseiller en placement chez Desjardins Gestion de patrimoine dans la région de Québec.

Les conseils

« Tel que présenté, le projet de retraite hâtive d’Alain et de Josée m’apparaît plutôt audacieux, financièrement », constate d’emblée David Paré. Pour quelles raisons principales ?

« D’une part, le financement de cette retraite hâtive s’annonce très dépendant des revenus nets de leurs deux condos en location sur Airbnb. Or, ces revenus nets seront vulnérables aux aléas du marché touristique, ainsi que les hausses de frais d’entretien d’un immeuble résidentiel avec un taux élevé de roulement d’occupants, signale M. Paré.

« D’autre part, au rythme actuel de leurs cotisations, l’actif en épargne-retraite d’Alain et Josée [283 000 $ dans quatre comptes REER] serait insuffisant pour tenir le coup d’un train de vie qu’ils prévoient autour de 60 000 $ par année durant les nombreuses années entre la fin de leurs revenus d’emplois et le début des prestations des rentes publiques du Québec [RRQ] et du fédéral [PSV]. »

PHOTO FOURNIE PAR DESJARDINS GESTION DE PATRIMOINE

David Paré, planificateur financier et conseiller en placement chez Desjardins Gestion de patrimoine

En fait, suggère David Paré, il serait « sage » de la part d’Alain et de Josée d’envisager le report de leur projet de retraite de « quelques années » afin d’en renforcer la préparation financière et, ainsi, d’en atténuer le risque de stress budgétaire en raison de revenus déficients.

Quel autre scénario leur propose-t-il ? « S’ils repoussent leur projet de retraite dans neuf ans ou dix ans, au lieu des six ans qu’ils envisagent actuellement, Alain et Josée seront tout de même encore en âge [57 et 48 ans] de retraite hâtive », remarque David Paré.

Entre-temps, Alain et Josée devraient réviser leurs priorités financières afin de canaliser leurs excédents de revenus disponibles vers les cotisations annuelles avec avantages fiscaux dans leurs comptes enregistrés d’épargne-retraite (REER) et d’épargne-études (REEE).

« Avec près de 50 000 $ en cotisations inutilisées dans leurs comptes REER, et quelques milliers de dollars dans le REEE de leur enfant de 11 ans, Alain et Josée se trouvent à laisser sur la table une valeur considérable en avantages fiscaux qui seraient applicables sur leurs revenus imposables d’ici leur retraite, explique David Paré.

« De plus, ils se privent d’une part du rendement annualisé de 4 % en moyenne avec ce type d’actifs en comptes enregistrés d’épargne-retraite. »

En parallèle, M. Paré conseille à Alain et à Josée de revoir la pertinence financière de maintenir le remboursement accéléré (environ 2500 $ par mois) du prêt hypothécaire sur leur maison familiale.

« Le taux d’intérêt très faible [à 1,8 %] de ce prêt demeure inférieur au taux de rendement moyen attendu de l’épargne-retraite, avant même les avantages fiscaux liés aux cotisations. Cet écart se traduit par un coût d’opportunité significatif dans la préparation financière du projet de retraite hâtive d’Alain et Josée », signale David Paré.

Comment y remédier ? « En ramenant leurs paiements hypothécaires à leur montant de base, quitte à prolonger la période de remboursement sur six ans au lieu de trois, Alain et Josée auraient accès à des centaines de dollars par mois en liquidités disponibles afin de maximiser leurs cotisations en comptes d’épargne-retraite avec des avantages fiscaux pour réduire leur facture d’impôts sur leurs revenus d’emplois et de loyers », explique David Paré.

Aussi, « la fin de leurs paiements hypothécaires dans six ans serait mieux ajustée avec la fin de leurs revenus d’emplois et le début de leur retraite hâtive, allégeant d’autant la pression financière sur leur budget de “train de vie” de nouveaux retraités. »

*Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, les prénoms utilisés sont fictifs.

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