Vous planifiez un projet qui demande une utilisation judicieuse de votre argent ? Vous avez des problèmes financiers ?

C’était le grand amour entre Julia* et Philippe* lorsqu’ils ont acheté ensemble, en 2010, un duplex commercial et résidentiel. Aujourd’hui, leurs cœurs ne battent plus au même rythme et Julia souhaite récupérer la valeur de l’immeuble.

« Ce serait plus simple si mon ex-conjoint voulait vendre l’immeuble, raconte la femme de 48 ans au téléphone, mais comme il a installé son entreprise au rez-de-chaussée, dans la partie commerciale, il veut le garder. »

Le premier étage abrite un appartement de 6 pièces loué à une famille depuis 10 ans.

Lorsque son ex-conjoint rachètera sa part de l’immeuble semi-commercial, Julia empochera une somme importante d’un coup qui gonflera son salaire annuel de fonctionnaire.

« Comment puis-je faire pour payer le moins d’impôt possible sur ce gain en capital ? se questionne-t-elle. Y a-t-il une façon d’éviter de payer tout cet impôt la même année ? »

Le duplex a été payé 338 644 $ plus taxes. Le solde hypothécaire s’élève maintenant à 303 000 $ et la valeur marchande est actuellement de 530 000 $.

« J’aimerais utiliser l’argent de la vente de l’immeuble pour refaire ma vie dans une nouvelle maison, espère-t-elle. J’ai un taux d’hypothèque qui m’attend à 1,77 % ferme pour cinq ans. Avec ce taux, est-ce une bonne idée de mettre une grande partie de la somme que j’obtiendrai comme mise de fonds ? »

Les chiffres

Julia
Salaire : 78 000 $
Revenu de location (appartement) : 8220 $
Espace REER : 30 000 $
Espace CELI : 20 000 $

Duplex semi-commercial
Payé : 338 644 $ (364 000 $ incluant tous les frais)
Hypothèque : 303 000 $
Valeur marchande : 530 000 $

L’impôt à payer

Si Julia s’était mariée avec Philippe, elle aurait pu bénéficier d’un procédé fiscal, la règle de roulement, qui permet de transférer des REER et des immeubles sans subir de conséquence fiscale immédiate. Or, comme ils étaient conjoints de fait et que la rupture date de plus de 90 jours, la loi de l’impôt ne le permet pas. Ils détiennent donc l’immeuble en copropriété.

« Quand on a, comme ici, des ex-conjoints, on ne peut pas transférer l’imposition et reporter l’impôt au moment de la vente réelle », précise André Boulais, propriétaire du cabinet Boulais CPA inc., en Montérégie.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

André Boulais, propriétaire du cabinet Boulais CPA inc.

Le fiscaliste et auteur du guide Réduisez vos impôts a calculé la somme que Julia devra payer en impôt. Pour ce faire, il a pris la valeur marchande de l’immeuble, soit 530 000 $, et a soustrait la somme que les ex-conjoints avaient payée à l’époque avant les taxes, 338 644 $. Le gain en capital total sera donc de 191 356 $ et la part de Julia, de 95 678 $.

« Actuellement, pour un individu et une société, il y a seulement 50 % du gain en capital qui est imposable, explique le fiscaliste. Dans ce cas-ci, le gain en capital imposable sera de 47 838 $. Ce sera ce montant qui va s’ajouter aux revenus d’emploi de cette lectrice durant l’année. »

En tenant compte des revenus de salaire et de loyer, des déductions obtenues avec les 7500 $ de REER que Julia a pris pour 2020 et des 5000 $ de cotisation à son régime de pension agréée, le revenu imposable total s’élève à 113 839 $. Julia aura un impôt de 19 613 $ à payer.

Stratégie REER et CELI

Pour épargner de l’impôt, le premier réflexe serait de prendre des REER. Cependant, le fiscaliste émet un bémol pour les gens qui ont, comme Julia, un fonds de pension à prestations déterminées.

« Actuellement, le taux d’imposition entre 60 000 $ et 85 000 $ ne change pas, souligne André Boulais. Au moment de la retraite, si vous encaissez les REER au même taux d’imposition qu’au moment de la déduction, vous payez au final ce que vous aviez économisé au départ. De plus, au-delà d’un certain montant de revenus, vous perdez des crédits d’impôt et devez rembourser une partie de la pension de la Sécurité de vieillesse. »

C’est pour cette raison qu’André Boulais suggère de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier et de profiter du CELI qui génère aussi des intérêts à l’abri de l’impôt. En revanche, à la retraite, le montant du CELI décaissé ne s’ajoute pas aux revenus.

Compte tenu des taux d’hypothèque actuels, André Boulais conseille aussi à Julia de mettre le minimum de mise de fonds possible pour une maison sans avoir à payer la SCHL. Le montant restant devrait être déposé dans un CELI et dans des REER.

« Elle a un gros gain qui n’est pas récurrent, on est à 47,5 % de taux marginal. En prenant 17 000 $ de REER, son taux marginal va retomber à 40 % et elle fera une économie d’impôts de 7700 $. »

Stratégie balance de prix de vente

Voici une autre stratégie possible : la balance de prix de vente et la provision relative au gain en capital. « Si l’entreprise de l’ex-conjoint est florissante, ça va, précise André Boulais. S’il est serré, c’est plus risqué. »

Si Philippe n’a pas les moyens de payer les 95 678 $ à Julia d’un coup, il pourrait lui verser le montant de la vente sur cinq ans, mais avec des intérêts. Julia financerait alors le rachat.

Mais Julia doit absolument s’assurer qu’il la paye. Elle devra donc prendre ce qu’on appelle une hypothèque de deuxième rang et conclure une entente avec l’institution financière. Ainsi, si Philippe ne paye pas, elle pourra ravoir la propriété.

« Madame doit avoir une entente claire avec l’institution, qui dit, par exemple, si Monsieur ne paye pas, je reprends l’immeuble et vous continuez à me financer. Ou elle pourrait aussi dire : je reprends l’immeuble, je le vends et je récupère mon capital et même plus. »

L’avantage pour Julia avec ce scénario, c’est qu’elle toucherait des intérêts et qu’au lieu d’inclure un gain en capital de 47 000 $ dans l’année 2020, le montant serait étalé sur cinq ans.

Julia n’aurait toutefois pas la mise de fonds pour la maison qu’elle veut acheter et continuerait d’avoir un lien avec son ex-conjoint.

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, les prénoms utilisés sont fictifs.