La pandémie a rendu la recherche d’un travail à temps plein plus compliquée cet été. Mais qu’à cela ne tienne, ces étudiants ont décidé de travailler malgré tout… et malgré la Prestation canadienne d’urgence (PCU) qui leur faisait de l’œil.

Oliver Lasry

Beetle et roulettes

Oliver Lasry avait un bel été de dessiné : un travail dans l’entrepôt d’un détaillant de vêtements, d’avril à la fin de juin, puis un voyage en Israël pour visiter un ami. Les plans professionnels ont pris une autre couleur quand son employeur a remanié les horaires par mesure de protection. Voyant mal comment bien marier sa fin d’année scolaire à des quarts de 12 heures trois jours consécutifs, l’élève de 18 ans a mis fin à son contrat prématurément.

Une de ses passions lui a ensuite vite fait prendre une autre avenue ! Ainsi, depuis la mi-juin, Oliver consacre son temps à donner des leçons de planche à roulettes à Montréal. Une petite annonce, concoctée par sa mère et qu’elle a publiée sur ses comptes Instagram et Facebook, a rapidement intéressé plusieurs élèves potentiels. « Ça a eu un succès instantané », confirme Oliver, qui compte jusqu’ici plus d’une dizaine de clients, filles et garçons.

Le prof va à leur rencontre avec sa Beetle vintage. Il peut leur fournir une planche à roulettes, les protections aux genoux et aux coudes qu’il a achetées pour l’occasion et qu’il désinfecte entre chaque leçon. « Pour des raisons d’hygiène, les élèves doivent porter leur propre casque », dit-il

Les cours se passent dans un skatepark ou une rue calme, à raison de 20 $ de l’heure par personne. Oliver espère avoir trois clients par jour. « Ce serait ainsi facilement gérable », juge-t-il.

La pandémie a-t-elle rendu la recherche d’emploi plus difficile pour les étudiants, à ses yeux ? Non, mais ils devaient être prêts à s’adapter. « Car c’est important d’acquérir de l’expérience, dit le cégépien. C’est plaisant de travailler à l’extérieur. Cet été, particulièrement, les enfants cherchent quoi faire… et les parents cherchent comment les occuper ! »

Tomas Babkine-Di Caprio

En voiture

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Tomas Babkine-Di Caprio

La COVID-19 aurait pu jouer avec la patience de Tomas Babkine-Di Caprio. La prolongation d’un mandat le tiendra toutefois occupé jusqu’à l’automne ! L’étudiant de 21 ans devait être sauveteur dans des piscines de Montréal dès juin, après un contrat de quelques mois comme intégrateur web pour Communauto. « Quand mon employeur m’a offert de le prolonger jusqu’à la fin de l’été, je n’ai pas réfléchi longtemps, vu les circonstances qu’on connaît et en ne sachant pas à ce moment-là si les piscines allaient ouvrir », admet-il.

L’été se passera donc sans tubes de crème solaire à portée de main ni sans un traditionnel séjour estival à New York ! Mais il n’y a pas de tristesse. « Je me considère chanceux. Et je vais faire deux fois plus d’argent », dit celui qui entreprendra cet automne sa troisième année en multimédia à l’Université d’Ottawa.

Mais plus que le salaire qui lui permet notamment de payer son appartement à Ottawa, c’est l’idée de se tenir occupé qui lui plaît. « Je n’aime pas ne rien faire, lance-t-il. Je travaille depuis mes 16 ans. Et mon expérience chez Communauto est très pertinente. »

Elle garnira bien son CV. On y lira qu’il avait un emploi pendant la COVID-19. « On va la payer longtemps, la dette liée à la PCU ! analyse-t-il. Autant que possible, essayons de la réduire. Dans mon cercle d’amis, tout le monde veut travailler. »

N’empêche, les liens entre collègues doivent se tisser plus difficilement en télétravail que sur le bord d’une piscine, l’été, non ? Tomas dit ne pas se sentir isolé. « On fait pas mal de rencontres d’équipe, souligne-t-il. À 14 h, chaque jour, on a une pause-café. On parle de tout… sauf du travail ! »

Anne-Catherine Lavallée-Latour

Un plan pas à l’eau

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Anne-Catherine Lavallée-Latour

Ce sera un été spécial pour Anne-Catherine Lavallée-Latour. Il y a d’abord au programme un déménagement de Sherbrooke à Magog, dans une maison fraîchement construite. « La pandémie ayant retardé les travaux, il a fallu louer une autre maison en attendant, raconte-t-elle. J’aiderai donc mes parents pour deux déménagements. » Et ce, en conjuguant cette aide à ses fonctions de monitrice au camp de jour du Club nautique de Sherbrooke, un endroit que cette athlète en canoë-kayak de vitesse a tatoué sur le cœur.

Sans la COVID-19, l’étudiante de 20 ans y serait en tant qu’entraîneuse pour groupes compétitifs à raison de quatre heures les jours de semaine, cet été. Sans compter des compétitions les week-ends. Et elle aurait continué de travailler à titre de prof d’aquaforme et de réceptionniste dans un gym où elle est engagée depuis un an. « Il y a eu beaucoup d’incertitude cette année, estime Anne-Catherine. J’aurais pu prendre la PCU et juste être entraîneuse. Là, j’apporte mon aide au camp, je suis réceptionniste au gym et ça me donne un travail à temps plein. »

Ses activités lui procureront environ 4000 $, qui seront notamment destinés aux dépenses liées à sa voiture et à ses études, comme l’achat d’un ordinateur. « Je veux me sentir utile pendant mes trois mois de congé », lance celle qui est convaincue qu’il sera agréable de travailler au camp malgré les restrictions. « Ça me fait vivre des expériences différentes, rencontrer d’autres gens. C’est bon pour le CV. Comme j’ai grandi au Club nautique, je redonne à la communauté. »

Comme elle, ses amies ont toutes la même ferveur au travail. « Quand certaines boutiques ont rouvert leurs portes, par exemple, elles ont décidé de laisser tomber l’idée d’avoir la PCU et gagner moins pour travailler. »

Emie Moreau

Bain estival

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Emie Moreau

Cet été, Emie Moreau devra faire le deuil de quelques heures de travail par semaine comme sauveteuse, mais elle est heureuse de travailler. « On va en avoir moins, confirme l’élève de 20 ans. Normalement, on tape les 40 heures semaine, là, ce sera 32 heures maximum. »

Le confinement a chamboulé les plans de travail de la résidante de Longueuil dès avril, elle qui travaille habituellement dans une boutique de location de skis jusqu’en mai et comme sauveteuse dans des piscines à longueur d’année. La pandémie a aussi décalé au 23 juin sa requalification de sauveteuse, qu’elle doit normalement faire tous les trois ans. « Comme tout était fermé, j’ai travaillé au printemps un peu dans un service de garde d’urgence pour dépanner », raconte celle qui a pu toucher la PCU.

Ouvrira… n’ouvrira pas… Après une période d’incertitude, elle est retournée le jour de la fête nationale au bord d’une piscine de la Rive-Sud. Grâce à ses revenus estivaux, elle pourra payer son compte de téléphone et ses études. Peut-être en criminologie. Peut-être en techniques policières. « Un boulot l’été permet de se concentrer sur ses études, après avoir économisé », résume-t-elle.

Emie Moreau travaille comme sauveteuse depuis 2016. L’idée de se tourner les pouces une fois les portes de l’école closes ne lui plaît aucunement ! « J’aime avoir une routine, explique la plus vieille de trois enfants. Je suis chanceuse de pouvoir travailler et d’avoir des proches qui m’encouragent. C’est une belle façon de grandir. Ça m’apprend à être indépendante. On évolue grâce à nos expériences. »