Johanne, 55 ans, rêve de se faire construire un petit chalet près d'un lac sur un terrain qu'elle possède déjà. Mais a-t-elle les moyens de réaliser ce projet sans amputer ses revenus à la retraite ?

Johanne adore la nature et se sent heureuse au bord de l'eau. En 2017, elle a trouvé un vieux chalet à huit minutes de marche d'un joli lac calme. Elle l'a payé 25 000 $. Deux ans plus tard, elle se rend compte qu'il faudrait investir une somme colossale pour le rénover.

« Il est sur des pilotis en blocs de béton bancals, explique-t-elle. Chaque fois qu'on y va, on se demande si le chalet va être encore en place, bien qu'il soit là depuis 1978. On voit que ça bouge, les fenêtres sont à changer et l'isolation est à refaire. »

Elle envisage de le démolir et d'en construire un nouveau. Une somme de 125 000 $ sera nécessaire pour un chalet de 600 pi2 avec un étage et un rez-de-jardin.

« On est rendus à l'étape où on va arrêter d'aller en voyage et passer du temps là-bas, poursuit-elle. Je n'ai jamais eu de maison neuve dans ma vie. Je me dis : c'est maintenant ou jamais. »

Johanne veut prendre sa retraite à 65 ans, mais réduire sa charge de travail à 60 ans. Elle subira alors une baisse de salaire et gagnera 75 % de son revenu actuel. Selon ses calculs, elle estime qu'il lui faudra 50 000 $ par année pour vivre convenablement de 65 à 75 ans. Par la suite, elle pourrait se satisfaire de 35 000 $.

Les chiffres

Salaire : 92 000 $

CELI : 10 000 $ (cotisation mensuelle de 400 $)

REER et CRI : 200 000 $ (cotisation mensuelle de 400 $)

Fonds de retraite simplifié : 37 000 $ (cotisation employeur 3 % et salarié 3 %)

Maison : payée 315 000 $ en 2010, valeur estimée à 525 000 $ (solde hypothécaire de 155 000 $)

Chalet : payé 25 000 $ en 2017 (marge de crédit hypothécaire de 15 000 $)

Prêt auto : 300 $ par mois jusqu'en décembre 2022

Le problème

Avant de se lancer dans une dépense aussi importante, Johanne doit évaluer si elle peut se payer la retraite qu'elle a en tête. Selon François Bernier, directeur planification fiscale et successorale à la Financière Sun Life, quelqu'un âgé de 55 ans devrait avoir accumulé une somme équivalant à sept ou huit fois son salaire annuel.

« Déjà, Johanne est un peu en retard, affirme-t-il. Elle n'a accumulé que deux fois et demie son salaire qui est de 92 000 $. Si elle veut un revenu indexé durant la retraite et garder sa maison actuelle, elle va manquer de capital à l'âge de 75 ans, et ce, sans même construire de chalet. »

En se référant à la littérature récente, François Bernier croit que Johanne n'a pas nécessairement besoin d'une pension indexée. Un revenu stable suffit. Il ne prend toutefois aucun risque dans ses projections. Il fait vivre ses clientes jusqu'à 100 ans.

« Certains conseillers et planificateurs utilisent une espérance de vie que 50 % de la population peut possiblement excéder. Une femme de 55 ans a 50 % de chances de vivre dépassé l'âge de 91 ans. Planifier jusqu'à cet âge n'offre pas un degré suffisant de certitude, selon moi. Est-ce que l'on fait réparer une voiture avec une probabilité de 70 % qu'elle soit bien réparée, et 30 % qu'elle ne le soit pas ? »

Pour suivre les besoins d'argent estimés par Johanne jusqu'à l'âge de 100 ans, François Bernier a calculé qu'elle doit vendre sa maison à l'âge de 60 ans, investir le capital dans des placements non enregistrés et payer un loyer mensuel de 900 $.

Le Premier scénario

Mais on n'a pas encore de chalet... Est-ce que le fait d'amputer son capital de 125 000 $ à l'âge de 55 ans va modifier ses plans de retraite ?

Si Johanne fait construire le chalet maintenant, vend sa maison à 60 ans et ensuite le chalet à 75 ans, elle pourra faire durer son capital jusqu'à 93 ans. Sauf qu'à partir de cet âge, il ne lui restera que les régimes du gouvernement pour assurer ses revenus.

Le meilleur scénario

Pour réaliser les rêves, il faut parfois une touche de créativité, affirme François Bernier. Dans la solution qu'il a imaginée, Johanne suit en gros le premier scénario. Mais c'est au moment de prendre sa retraite, à 65 ans, qu'elle doit utiliser une stratégie innovante : au lieu de transformer ses REER en FERR (fonds enregistré de revenu de retraite), elle pourrait acheter une rente.

« La somme versée par la compagnie d'assurances est un revenu garanti à vie, contrairement au FERR. L'avantage de la rente, c'est que Johanne n'a pas beaucoup de capital pour assurer son coût de vie à la retraite. Si on utilise une partie ou la totalité des sommes détenues dans ses régimes enregistrés pour acheter une rente, on permet de la protéger dans les années où elle risque de manquer d'argent. »

Par contre, François Bernier rappelle que c'est un geste irrévocable.

« Si je décide un jour que je ne veux plus vivre la vie de chalet et que je veux voyager dans le monde, je ne peux plus ravoir mon argent », précise-t-il.

Johanne pourra donc avoir son chalet ainsi que des revenus à la hauteur de ses attentes jusqu'à 100 ans. Il pourrait même lui rester un peu d'argent au moment de sa mort. Cependant, comme il s'agit d'un plan qui se déroule sur une période de 45 ans, il faudra le réviser de façon régulière.

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PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

François Bernier, directeur planification fiscale et successorale à la Financière Sun Life