Julie et Mathieu filent le parfait amour, prévoient se marier en juin, avoir un enfant et prendre leur retraite à 55 ans. Est-ce un scénario qui peut tenir ailleurs que dans un livre ?

LA SITUATION

Julie et Mathieu sont tous deux âgés de 34 ans. Elle est enseignante et a un régime de retraite intéressant, et lui est gestionnaire dans un commerce de détail sans régime de retraite. En plus d'être heureux et d'avoir un enfant, ils ont comme objectif 2040 : l'année où ils rêvent de prendre leur retraite.

« Comme il y a un manque d'enseignants depuis plusieurs années, j'ai commencé à faire de la suppléance tout en terminant mes études universitaires. À 55 ans, j'aurais donc 35 ans de service », explique Julie.

Julie et Mathieu se considèrent comme deux personnes prévoyantes et économes. Lorsqu'ils ont acheté leur maison de 360 000 $ en 2015, en banlieue de Montréal, ils avaient accumulé assez d'argent pour faire la mise de fonds de 20 % afin d'éviter de payer l'assurance de la Société canadienne d'hypothèques et de logement.

En 2040, le couple planifie de la vendre pour acheter une propriété plus petite comme un condo. Il a déjà son projet de retraite en tête : faire deux voyages par année, un dans le Sud et un autre en Europe ou plus loin.

« Tout le monde me dit qu'avec mon fonds de pension à prestations déterminées, je n'ai pas à m'inquiéter pour ma retraite, soutient Julie. Mais je tiens à faire une bonne planification, parce que je ne veux pas me retrouver à la retraite en me disant que 100 $ de plus par mois auraient fait toute la différence. Je ne veux pas rater la chance de faire des voyages. On adore voyager ! »

Julie et Mathieu se disent prêts à commencer à épargner de façon rigoureuse. Il leur reste 21 ans pour accumuler la somme nécessaire à leur projet de retraite. Mais est-ce que ce sera suffisant ?

LES CHIFFRES

Julie

Âge : 34 ans

Salaire : 71 112 $

Épargnes

REER : 12 386,23 $ (FTQ)

CELI : aucun

Régime de retraite à prestations déterminées

Remboursement RAP : 4482,41 $ (445,67 $ par année)

Voiture en location : 268,57 $ par mois

Mathieu

Âge : 34 ans

Salaire : 115 000 $

Avantage imposable : 6000 $ voiture fournie

Épargnes

REER : 15 000 $

CELI : aucun

Régime de retraite : aucun

Remboursement RAP : 8514 $ (1064 $ par année)

Propriété : valeur de 360 000 $

Solde de l'hypothèque : 264 419,78 $ (1100,87 $ par mois)

LE PREMIER SCÉNARIO

Selon les calculs de Raphaël Hainault, conseiller en gestion de patrimoine chez Financière des professionnels gestion privée, à Brossard, le couple devra économiser 45 000 $ par année pour atteindre son but.

« Dans une optique de fiscalité de couple, ils auraient tout intérêt à concentrer les épargnes REER entre les mains de Mathieu, puisque son taux marginal d'imposition est de 47,36 %, plutôt que de 37,12 % pour Julie, affirme Raphaël Hainault. Les cotisations provenant de Julie pourraient être déposées par Mathieu dans un REER commun pour Julie. Ainsi, chacun conserverait la propriété de ses REER, mais le couple obtiendrait un meilleur remboursement d'impôt. »

Julie et Mathieu devraient commencer par se prévaloir de leurs droits de cotisation REER inutilisés en privilégiant ceux de Mathieu. Avec son régime de retraite, Julie est limitée à 4000 $ par an.

Les années suivantes, le couple pourrait maximiser ses cotisations REER à 26 332 $ par an, soit 1510 $ destinés au remboursement du RAP et 24 822 $ en cotisations réelles. Julie en a encore pour 10 ans à rembourser le régime d'accession à la propriété, tandis que Mathieu aura terminé dans 8 ans.

« La première année est plus difficile à faire, parce que le remboursement d'impôt survient l'année suivante, soulève Raphaël Hainault. Mais dans une routine, les 26 000 $ équivalent à 13 000 $ d'épargne. »

Le couple pourrait mettre une somme de 8000 $ par année dans un CELI.

Le scénario conçu par Raphaël Hainault utilise un taux de rendement de 4 % et un taux d'inflation de 2 %. Il tient compte de l'achat de la voiture d'une valeur de 6931 $ en 2019 et du coût de la vie des retraités qui augmentera de 10 000 $ pour les 20 premières années à cause des voyages.

Il tient compte également de l'arrivée d'un enfant. Cependant, Julie aura la chance de ne pas subir de baisse de salaire, car comme enseignante, l'écart avec les prestations parentales du gouvernement est comblé par son employeur.

Le conseiller en gestion prévoit que la vente de la maison en 2040 et l'achat d'un condo permettront de libérer environ 100 000 $.

Julie et Mathieu doivent cependant être conscients qu'en se retirant du marché du travail à 55 ans, la rente du Régime de rentes du Québec (RRQ) sera réduite d'environ 10 %. Les prestations de RRQ de Julie s'élèveront alors à 629 $ et celles de Mathieu à 653 $, en présumant qu'il a toujours cotisé le maximum.

La rente de retraite d'enseignante de Julie sera de 40 300 $ de 56 à 65 ans et de 27 800 $ par la suite.

Ce scénario de retraite à 55 ans est-il réalisable ?

« Tous les chiffres fonctionnent, mais je pense que c'est un scénario agressif, affirme Raphaël Hainault. À moins que ce soit un couple qui soit capable de se serrer la ceinture solidement. »

Le couple devra d'ailleurs faire un budget beaucoup plus précis, soutient le conseiller en gestion. Julie et Mathieu estiment leurs dépenses annuelles à environ 50 000 $, auxquelles s'ajoutent les paiements hypothécaires de 13 210 $, pour un total d'environ 63 000 $.

« À mon avis, les dépenses sont largement sous-évaluées, car le montant qui semble maintenant disponible n'a pas été épargné par le passé. Cependant, si les dépenses qu'ils nous disent avoir sont bien réelles, cela ne devrait pas être un problème d'atteindre leur objectif. Si c'est le cas, les épargnes du couple seront épuisées à 95 ans et il leur restera la valeur du condo. »

DEUXIÈME SCÉNARIO

Si Julie et Mathieu réalisent qu'il est plus ardu d'épargner dans la vie que sur papier, ils pourraient décider de retarder leur retraite à 60 ans. Ce serait même plus avantageux.

« Ce sont des années qui comptent double, affirme Raphaël Hainault, parce que non seulement on ne retire pas de capital, mais on en accumule. C'est quasiment compte triple dans le cas de Julie à cause de son régime de retraite. Parfois, ça vaut la peine de faire l'effort. »

« Je pense qu'à 60 ans, c'est un scénario beaucoup plus réaliste, poursuit-il, car d'après moi, ils dépensent plus que ce que j'ai calculé. Avec un objectif en 2045, ils devront mettre 20 000 $ d'épargne par année à deux. C'est plus réaliste que 40 000 $ d'épargne par année. »

RAPHAËL HAINAULT, Conseiller en gestion de patrimoine, Financiere des professionnels