Pascale peut-elle prendre un congé d'un an, sans salaire ni soucis, et sans sacrifier sa retraite ?

Le problème

Elle a 56 ans et elle est essoufflée.

« J'ai eu des années difficiles, dernièrement, avec un divorce et la vente de la maison, et maintenant, je dois m'occuper de ma mère qui est atteinte de la maladie d'Alzheimer », raconte Pascale.

« J'aimerais savoir si je peux prendre une année sabbatique. »

Enfant unique, Pascale est seule pour prendre soin de sa mère.

« J'ai élevé deux enfants, et c'est pas mal moins compliqué que de prendre soin d'un parent atteint d'alzheimer et de démence, constate la Montréalaise. C'est très demandant en temps et en énergie. »

Sa mère habite en région. « Je ne peux être aussi présente que je le voudrais », déplore-t-elle.

Pascale travaille dans une petite entreprise de services, où elle gagne 50 000 $ par année.

SALAIRE NET 35 000 $, AUCUNE DETTE

Son salaire net de près de 35 000 $ couvre tout juste ses dépenses. Pas de surplus en fin d'année. « Mais pas de dettes », ajoute-t-elle.

Elle habite seule dans un appartement qui lui coûte 1200 $ par mois. « Je possède une voiture d'occasion 2012 que j'ai payée comptant en 2016 », indique-t-elle.

Ses enfants ont quitté la maison - qu'elle ne possède plus - et la plus jeune entame son dernier trimestre universitaire. « Selon le jugement de divorce, je paie les droits de scolarité de 1500 $ par session. Donc cette session d'hiver 2018 est mon dernier paiement. »

Pascale et son employeur versent chacun 1000 $ par année dans le REER collectif des employés. Elle y détient environ 8000 $.

L'entreprise n'offre aucun programme de congé à traitement différé.

ÉPARGNES DE 400 000

Pascale détient néanmoins 240 000 $ en REER, 29 000 $ en CELI et 131 000 $ en fonds communs non enregistrés - en bonne partie le résultat du partage du patrimoine familial.

« Avec les intérêts que me rapportent les fonds communs, je me paie un voyage par année qui me coûte en général entre 3000 $ et 3500 $ », ajoute-t-elle.

Cette dépense n'est pas incluse dans son budget. Elle veut maintenir cette douce habitude à la retraite, qu'elle aimerait prendre à 62 ans. Elle espère alors maintenir son train de vie actuel.

« Je suis consciente que je vais devoir toucher à ces épargnes, mais jusqu'à quel point est-ce que je peux le faire ? Est-ce que c'est réaliste ? »

Une année sabbatique «  [lui] permettrait d'équilibrer un peu les choses, de reprendre [son] souffle ».

La vie en chiffres

PASCALE, 56 ANS



Revenus : 50 000 $

Coût de vie : près de 35 000 $

Récemment divorcée

Habite seule en appartement

Régime de retraite : REER collectif

Cotisation de l'employée : 1000 $/an

Épargnes

REER : 240 000 $

CELI : 29 000 $

Fonds communs non enregistrés : 131 000 $

Somme accumulée en REER collectif : environ 8000 $

Pas de propriété

Aucune dette

La réponse

Mauvaise nouvelle pour le souffle de Pascale. « Elle n'a pas les moyens de prendre une année sabbatique », assène d'emblée le planificateur financier David Paré, conseiller en placement chez Desjardins Gestion de patrimoine.

Ses objectifs d'une retraite précoce et d'un congé d'un an sont incompatibles.

Pour en faire la démonstration, David Paré a d'abord évalué si Pascale pouvait prendre sa retraite à 62 ans, tout en maintenant son niveau de vie actuel.

Il pose les paramètres d'une espérance de vie de 90 ans, d'un taux d'inflation de 2,1 % et d'un rendement de 4 % sur ses placements.

Il a ajusté son coût de vie actuel de 35 000 $ en retranchant les dépenses pour les études de sa fille, et en ajoutant les 3000 $ qu'elle consacre chaque année aux voyages. « Je base mon travail sur un coût de vie espéré d'environ 36 500 $ », résume-t-il.

Si Pascale prenait sa retraite dans ces conditions à 62 ans, elle se trouverait à court d'actifs à 82 ans. « C'est un projet qui n'est pas réaliste, pour elle », commente le planificateur.

« Si elle tient à son train de vie de 36 500 $ par année, il faudrait qu'elle envisage une retraite à 64 ans. Ses actifs seraient alors en mesure de soutenir son niveau de vie jusqu'à l'âge de 90 ans. »

Pour prendre une retraite à 62 ans, Pascale devrait abaisser son niveau de vie à 30 000 $ par année, calcule-t-il.

Mais le planificateur n'a pas encore intégré dans l'équation une année de congé sans revenu.

« Vous comprenez que si on travaille pour lui permettre de prendre sa retraite à 62 ans, on est loin de lui permettre de prendre une sabbatique d'ici 62 ans. » 

AVEC UN CONGÉ



Pour prendre un congé sans solde d'un an, Pascale doit retirer de ses placements l'équivalent de ses dépenses annuelles, soit 36 500 $.

Quel effet cette ponction a-t-elle sur ses projets de retraite ?

Avec un congé sans solde d'un an et une retraite à 64 ans, ses actifs s'assèchent à 86 ans, calcule David Paré.

Cependant, si elle reporte sa retraite à 65 ans, elle peut étirer ses épargnes jusqu'à 90 ans - c'est le résultat d'une année supplémentaire de revenus.

AJUSTER LES FACTEURS



À quoi Pascale accorde-t-elle le plus d'importance ? Une retraite précoce ? Un train de vie constant ? Un congé d'un an pour reprendre son souffle ?

Elle devra consentir à des compromis à l'égard d'un ou plusieurs de ces facteurs : réduire son train de vie... Retarder la retraite... Ou prendre un congé sabbatique plus court...

Par exemple, ce congé pourrait plutôt être étalé jusqu'à la retraite, sous la forme d'une semaine de travail de quatre jours. Cette formule lui permettrait « d'avoir une journée de plus pour visiter sa mère », explique David Paré. Il a évalué le réalisme de ce scénario.

« La diminution de revenu pourrait être compensée par un retrait de ses placements d'environ 7000 $ par année », indique-t-il. Pour maintenir un coût de vie de 36 500 $, Pascale devra cependant travailler jusqu'à 65 ans. Le planificateur suppose en outre que Pascale et son employeur maintiennent leurs contributions respectives au REER collectif à leur niveau actuel.

« C'est peut-être un scénario plus accessible pour un employeur, commente-t-il. Si elle travaille pour une PME, il est certain qu'ils n'ont pas de programme pour un congé sabbatique. Ils seraient peut-être moins fermés à une semaine de quatre jours qu'à une sabbatique. »

Tout dépend du souffle de Pascale...