À 47 ans, Joanne a enfin trouvé l'amour de sa vie. Un séduisant quinquagénaire avec qui elle se voit passer le reste de ses jours. « On s'est rencontré par l'entremise d'internet et on est devenus amoureux fous », raconte-t-elle avec excitation.

Si bien que le couple songe à emménager ensemble après sept mois de fréquentation. « Ça semble rapide, admet-elle, mais je suis convaincue de prendre la bonne décision. »

La date du déménagement n'a pas encore été fixée. Les amoureux visent peut-être l'été prochain. Une chose est sûre, cependant : Joanne délaissera son petit bungalow de Verdun pour partager la demeure de son amoureux.

Elle a acquis la propriété en 2002 avec son ex-conjoint, à qui elle a racheté les parts au moment de la séparation. Elle rembourse actuellement un prêt hypothécaire de 95 000 $ et une marge de crédit hypothécaire de 100 000 $. En 2014, un évaluateur agréé a estimé la valeur marchande de la maison à 370 000 $.

Joanne hésite toutefois à se départir de sa propriété. « Est-ce préférable de la vendre tout de suite ou de la louer à long terme, disons sur un horizon de 10 ans, pour ensuite la vendre ? », demande-t-elle.

À première vue, vendre la maison semble l'option la plus simple.

« Néanmoins, la conserver me permet d'avoir une certaine paix d'esprit, juste au cas où ça ne fonctionnerait plus avec mon chum. » - Joanne

Son conjoint est bien conscient de la situation et ne lui en tient pas rigueur. Au contraire, il estime qu'il serait sage de ne pas vendre la maison.

À PROXIMITÉ DES SERVICES ET DE DEUX STATIONS DE MÉTRO

Joanne a l'intuition que la location pourrait se révéler intéressante. Elle s'aventure toutefois en terrain inconnu, puisqu'elle n'a jamais eu à gérer de locataires. Elle n'a pas la moindre idée des prix de location sur le marché pour une habitation comme la sienne.

La demeure est plutôt petite : la superficie totale est de 732 pi2. Il y a une chambre au rez-de-chaussée et une autre au sous-sol. Le tout est en revanche bien entretenu et décoré avec goût. La cour arrière est grande et joliment aménagée. La maison est bien située, à proximité de tous les services et à moins de cinq minutes à pied de deux stations de métro.

La propriétaire s'interroge aussi sur la possibilité de louer sa demeure meublée, sur les coûts d'entretien et sur le temps à consacrer à cette nouvelle responsabilité.

Au moins, elle n'aura pas à partager les coûts d'une deuxième hypothèque, car la propriété de son conjoint est payée.

« Je veux que la location soit avantageuse financièrement sans qu'elle devienne un fardeau supplémentaire, résume Joanne. Parce que si ce n'est que du trouble, je préfère vendre. »

PORTRAIT

Joanne, 47 ans, employée dans le secteur des médias

Salaire net : 50 960 $

ACTIFS

CELI : 18 500 $

REER et CRI : 307 000 $

Propriété évaluée en 2014 à 370 000 $

DETTES

Prêt hypothécaire : 95 000 $ (taux d'intérêt de 2,2 %)

Marge hypothécaire : 100 000 $ (taux d'intérêt de 3,5 %)

LOUER POUR MIEUX VENDRE

Joanne a vu juste : la location serait plus profitable que la vente. C'est ce que révèlent les calculs de Sylvain Savignac, évaluateur agréé chez Devimo, qui a comparé les deux options sur une période de 10 ans.

SCÉNARIO 1 : VENTE DE LA MAISON

Selon le rapport d'évaluation commandé par Joanne en 2014, la propriété valait 370 000 $. Aujourd'hui, sa valeur serait d'environ 383 000 $, si l'on se fie à la Société canadienne d'hypothèques et de logement, qui prévoit une croissance des prix de 2 % par année d'ici 2017.

Sylvain Savignac est parti de l'hypothèse que Joanne engagerait un courtier immobilier. Il a donc déduit une commission de 5 %, plus taxes, ce qui correspond à une somme de 21 985 $. Il a aussi retranché la dette hypothécaire de 195 000 $. « Le produit net de la vente serait de 165 447 $ », conclut-il.

Pour établir une juste comparaison avec les fruits d'une location sur 10 ans, l'expert-conseil a étiré le scénario de la vente sur la même période en imaginant ce que rapporteraient les 165 447 $ une fois placés. « Évidemment, tout dépend de la tolérance au risque et des préférences en matière de véhicules financiers, mais aux fins de l'exercice, j'ai choisi de placer les avoirs de la dame à un taux d'intérêt de 4,25 %. Au bout d'une décennie, elle aurait un capital d'environ 240 625 $. »

SCÉNARIO 2 : MISE EN LOCATION DE LA MAISON

Afin d'évaluer le prix de location, Sylvain Savignac a cherché des propriétés à louer comparables. Les loyers proposés varient entre 1600 et 2450 $ par mois. La demeure de Joanne reste cependant plus petite que celles analysées et ne possède qu'une seule chambre au rez-de-chaussée. L'expert-conseil a donc revu le prix à la baisse : 1500 $ par mois.

« Mais j'ai pris en considération que ce serait une location clés en main, car la demeure est coquette, très bien entretenue et située à proximité de tous les services », explique M. Savignac.

« Je crois que la propriétaire n'aurait aucun mal à exiger un tel loyer parce qu'il y a peu de maisons à louer dans son secteur. » - Sylvain Savignac, évaluateur agréé chez Devimo

Devrait-elle inclure ses meubles dans la location ? « Il y a une petite offre de maisons dites meublées et elle rejoint souvent des travailleurs ou des dirigeants d'entreprises qui s'établissent pour une période déterminée dans une région - ce qui implique des baux à plus court terme la plupart du temps », répond M. Savignac.

La somme à ajouter au loyer doit considérer la valeur dépréciée des meubles et anticiper la récupération du coût de ces derniers sur leur durée de vie restante. Par exemple, si on estime la valeur du mobilier actuel à 10 000 $ et sa durée de vie à 60 mois (environ cinq ans), il ne reste qu'à diviser le premier chiffre par le deuxième. On obtient une charge de 166 $ de plus par mois.

Comme on ignore la valeur du mobilier de Joanne, on poursuit la projection en partant du principe qu'elle loue sa maison sans les meubles.

Avec un loyer mensuel de 1500 $, le revenu brut de location s'élève à 18 000 $ annuellement. De cette somme, Sylvain Savignac retranche 3 % de provision en cas de vacances ou de mauvaises créances, 3 % pour les frais de gestion, 5 % pour les frais d'entretien et de réparation, environ 1000 $ pour la prime d'assurance, de même que les paiements hypothécaires et les taxes municipales et scolaires.

Le revenu net annuel est de 6400 $.

En 2026, en tenant compte de l'augmentation du loyer et des dépenses, Joanne aura perçu 78 352 $ de revenu net de location. « Pour être cohérent avec le premier scénario, j'ai présumé qu'elle placera ses gains année après année, ce qui générera des revenus d'intérêt d'environ 2900 $ », signale Sylvain Savignac.

À cela, il additionne le produit de la vente de la maison. Il estime que sa valeur marchande aura atteint 457 000 $ si on tient compte d'une croissance des prix de 2 % par année. « En soustrayant la commission du courtier et le solde hypothécaire, on obtient 297 609 $ », calcule-t-il.

Ce à quoi on ajoute les gains de location. Résultat : au bout de 10 ans, Joanne aura gagné 378 897 $, soit plus de 138 000 $ de plus que dans le premier scénario.

Sylvain Savignac tient à rassurer Joanne.

« Gérer la location d'une maison n'est pas si compliqué. C'est exigeant au début, car il faut sélectionner le bon candidat et faire des vérifications diligentes », selon l'évaluateur agréé.

« Mais par la suite, si on a un bon locataire, il suffit de collecter le loyer chaque mois et de veiller aux réparations mineures. » - Sylvain Savignac, évaluateur agréé chez Devimo

L'évaluateur agréé signale qu'elle peut aussi s'en remettre à une entreprise externe spécialisée en gestion immobilière pour s'occuper de tout, de la petite annonce à la perception du loyer en passant par les appels de service. « Les coûts engendrés diminuent la rentabilité nette, mais elle n'aura rien à faire », dit-il.

MISE EN GARDE

Vendre une propriété alors qu'elle est louée peut rapidement devenir un casse-tête.

« On doit respecter la Loi sur la Régie du logement qui stipule qu'on peut seulement reprendre une propriété à l'échéance du bail, ce que seuls les nouveaux propriétaires peuvent faire en envoyant un avis écrit aux locataires six mois avant l'expiration du bail, indique Sylvain Savignac. Cela peut compliquer la vente de la maison. Il faut aussi se rappeler que, comme la propriété est occupée, on ne pourra pas en faire une mise en valeur aussi poussée qu'on l'aurait fait si on l'avait habitée soi-même. »

En incluant l'impôt

Une fois l'impôt pris en compte, voici ce qu'il faut savoir. Comme la demeure était en premier lieu la résidence principale de la propriétaire, il s'effectuera à la revente ce qu'on appelle une cristallisation du gain en capital. La propriétaire sera alors imposée sur la différence entre la valeur de la propriété au début de la location et le moment de la revente. Le gain en capital est imposable à 50 %. Il est donc très important d'obtenir une opinion de la valeur marchande de la propriété avant de commencer la location afin de déterminer le montant qui sera ultérieurement imposé. Par ailleurs, notons qu'un impôt sera prélevé chaque année sur les revenus de location nets. Dans tous les cas, le verdict de l'évaluateur agréé ne change pas : le scénario de la location avec une revente dans 10 ans reste le meilleur choix. En déduisant l'impôt, la propriétaire obtiendrait dans ce cas 351 882 $ alors que la vente immédiate lui en ferait gagner 222 252 $. Ces sommes prennent en compte l'impôt à payer sur les placements faits à partir du produit de la location et de la vente de la maison selon le scénario.