Carole veut vieillir sereinement avec Raymond. «Je vais avoir 58 ans bientôt», confie-t-elle.

Elle a pris sa retraite en juin 2014, à 56 ans, malgré la pénalité qui grevait sa rente de retraite d'employée du gouvernement.« C'est un choix de vie pour passer plus de temps avec mon mari », explique-t-elle.

Car Raymond a 67 ans.

« Je ne voulais pas attendre d'avoir 65 ans, parce qu'il aurait alors 75 ans. »

Raymond touche la rente de la RRQ, la prestation de la Sécurité de la vieillesse et, tout récemment, le Supplément de revenu garanti (SRG), des revenus stables et prévisibles qui ont facilité la décision de Carole.

Mais voilà, un doute s'est manifesté.

« Je suis inquiète à l'idée que l'un de nous deux puisse avoir des difficultés financières lorsque l'autre sera décédé depuis que j'ai appris, à la lecture d'un article, que la rente au survivant peut être plus basse, voire nulle, malgré ce qui apparaît sur le document de la RRQ. »

Carole avait effectué certains calculs sur la base de ce document. Elle craint d'avoir fait fausse route.

« Même si j'ai une assurance vie, je ne veux quand même pas que mon mari soit dans l'embarras. Et je ne veux pas l'être non plus. » - Carole

Carole et Raymond compilent depuis plusieurs années leurs dépenses sur un support informatique et sont en mesure d'établir leur train de vie au cent près : 30 539,88 $ en 2014.

« Présentement, l'inconnu que représente la retraite nous rend encore plus prudents dans nos dépenses. C'est relativement facile pour nous, étant habitués à vivre modestement. Nous ne sommes pas amateurs de grands voyages. Notre bonheur, nous le trouvons chez nous dans le partage mutuel de nos réflexions sur l'existence. »

Leurs réflexions seront plus sereines si cette existence n'est pas minée par l'inquiétude financière.

Carole pose trois questions.

« Est-il possible de calculer tous les montants auxquels chacun de nous aura droit, advenant le décès de l'autre ? »

« Pourrons-nous escompter être financièrement à l'aise dans les années à venir malgré l'augmentation du coût de la vie ? »

« À quel âge serait-il le plus avantageux de faire ma demande à la RRQ - 60 ans (594 $) ou 65 ans (842 $) -, compte tenu de l'impact que cela aura sur le montant du SRG que reçoit mon mari ? »

PORTRAIT

CAROLE

58 ans, retraitée depuis juin 2014

Rente de retraite nette avant 65 ans : 1843,27 $/mois

Revenus mensuels bruts après 65 ans : 

Rente de retraite : 1451 $

RRQ 594 $ (si prise à 60 ans) ou 842 $ (si prise à 65 ans)

PSV 563 $ (en date de ce jour)

CELI : 15 846 $

Fonds de travailleurs : 10 400 $

REER : 6032 $

Assurance-vie : 50 000 $

RAYMOND

67 ans, retraité

RRQ : 407,95 $/mois

PSV : 563,74 $/mois

SRG : 331 $/mois en 2015

Compte d'épargne : 5000 $

CELI : 10 422 $

REER : 34 950 $

Propriété : valeur de 160 000 $, sans hypothèque

Voiture : 2003

BUDGET 

Dépenses annuelles : 9446,52 $

Dépenses variables : 21 093,36 $

TROIS QUESTIONS ET DEUX ENTERREMENTS

« À quel âge faire ma demande à la RRQ, compte tenu de l'impact sur la SRG de mon mari ? », se demande Carole. 

Pour répondre à cette question, il faut d'abord décortiquer le Supplément de revenu garanti (SRG). La planificatrice financière et actuaire Nathalie Bachand, du cabinet Bachand Lafleur Groupe-conseil, s'est frottée à l'exercice.

Lorsque Carole atteindra 60 ans, elle aura droit à l'Allocation pour les personnes de 60 à 64 ans, versée au conjoint d'un prestataire du SRG.

Mais le gouvernement reprend d'une main ce qu'il donne de l'autre. En vertu de règles qui feraient perdre son latin au plus distingué latiniste, le SRG de Raymond se trouve diminué de l'équivalent de cette allocation. « Le total du SRG de Raymond et de l'allocation de Carole demeurera d'environ 300 $ par mois », évalue Nathalie Bachand.

Mais ce ne serait plus le cas si Carole touchait sa rente de la RRQ à partir de 60 ans.

« Aussitôt que Carole demandera sa RRQ, ils perdront ces montants. Il est donc important qu'elle attende à 65 ans pour demander sa RRQ. » - Nathalie Bachand, planificatrice financière

Ce point étant établi, vaudrait-il la peine de demander le versement de la rente de la RRQ après 65 ans, question de prolonger le SRG ?

Carole n'y verrait aucun avantage, répond la planificatrice. Les plafonds de revenus qui donnent droit à la SRG varient selon qu'un seul ou deux conjoints reçoivent la PSV.

Dès que Carole touchera elle aussi sa PSV, à 65 ans, les revenus combinés du couple excéderont le plafond correspondant à sa nouvelle situation et il n'aura plus droit au SRG.

Vous pouvez tester vous-même la solidité de votre latin dans les tableaux explicatifs suivants.

Serons-nous financièrement à l'aise malgré l'augmentation du coût de la vie ?

Nous supposons que « financièrement à l'aise » signifie maintenir leurs dépenses actuelles de 30 540 $. Nathalie Bachand y applique un ajustement à l'inflation de 2 % par année.

Avec la rente de retraite de Carole et les prestations de Raymond, les revenus du couple totalisent présentement quelque 38 000 $.

Sur ses revenus, Carole versera environ 1500 $ en impôt. Pour l'instant, « ils dégagent donc 6000 $ de surplus annuel ».

Mais qu'arrivera-t-il quand Carole atteindra 65 ans ? demandez-vous fort pertinemment.

Elle commencera alors à toucher la PSV et la rente de la RRQ, mais verra sa rente de retraite diminuer d'environ 342 $ par mois (en dollars actuels), parce qu'elle est coordonnée à la RRQ.

La nouvelle situation entraîne également la perte du SRG de Raymond et de l'allocation au conjoint qui y est attachée, soit quelque 300 $ par mois.

Résultat de l'opération : un gain mensuel d'environ 700 $.

« Ils sont quand même en mesure de continuellement épargner dans leur CELI », observe notre spécialiste.

Peut-on calculer les sommes auxquelles nous aurons droit, advenant la mort de l'autre ?

La réponse est oui, mais avec une certaine marge d'erreur.

« Le calcul des rentes combinées de la RRQ est plutôt complexe », observe la planificatrice.

Pour simplifier - beaucoup - la question, contentons-nous de mentionner que le calcul de la rente combinée versée par la RRQ au conjoint survivant (sa rente propre et la rente de survivant) dépend de la rente de retraite de la RRQ à laquelle il a droit.

À partir de 65 ans, la rente combinée ne peut excéder la rente maximale accordée par la RRQ.

Sur le relevé qui fait état des cotisations, envoyé régulièrement au cotisant à la RRQ, l'estimation des prestations au conjoint est donc aussi hypothétique que vague : le plus récent relevé de Carole donne une fourchette de 470 $ à 816 $ par mois.

Prenant son courage et sa calculatrice à deux mains, Nathalie Bachand a fait elle-même l'exercice.

SI CAROLE MEURT

Advenant la triste éventualité de la mort de Carole, Mme Bachand calcule que Raymond toucherait de la RRQ une rente de conjoint survivant de l'ordre de 4100 $, qui « s'ajouterait à sa rente actuelle de 4900 $, pour un total de 9000 $ ».

Carole a déjà indiqué que son régime de retraite d'employée du gouvernement verserait de son côté une rente au conjoint survivant de 10 410 $.

Raymond encaisserait en outre une prestation de décès de 50 000 $ payée par l'assurance vie de Carole. Les épargnes en CELI et REER de Carole lui seraient attribuées - à moins de dispositions testamentaires contraires. Avec l'ensemble de ses revenus et épargnes, « Raymond sera en mesure de maintenir un niveau de vie de 27 500 $ jusqu'à l'âge de 91 ans, moment où sa probabilité de survie est de 25 % ».

Avec la réduction de la facture d'épicerie de 9800 $ et la disparition de la prime d'assurance vie de 1200 $, Raymond aura donc une certaine marge de manoeuvre.

SI RAYMOND MEURT

Advenant la non moins triste - mais plus probable - éventualité de la mort de Raymond, « Carole aurait droit à une rente de conjoint survivant de 7320 $ par année, selon les informations qu'elle a prises sur le relevé de participation de Raymond. »

À 65 ans, elle touchera vraisemblablement la rente maximale de la RRQ, soit quelque 12 780 $ en dollars actuels.

« Carole sera en mesure de maintenir un niveau de vie de 28 000 $ jusqu'à l'âge de 95 ans, moment où sa probabilité de survie est de 25 %. » - Nathalie Bachand

Ces calculs, comme à l'habitude, ne tiennent pas compte de la valeur de la propriété.

SURPLUS BUDGÉTAIRE

Que faut-il en conclure ? « Ils ne dépensent pas assez ! », lance Nathalie Bachand - un rare constat de la part d'une planificatrice. Tant que les deux sont encore en vie, ils pourraient dépenser jusqu'à 10 000 $ de plus par année, indique-t-elle, en précisant qu'ils doivent prévoir des réserves pour le renouvellement de la voiture et l'entretien de la maison.

En somme, Carole et Raymond peuvent continuer à discuter sereinement du sens de la vie. Mais rien ne les empêche de poursuivre de temps en temps la discussion en Europe.

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ASSURANCE MALADIE

Une erreur s'est glissée à la toute fin de la rubrique «Train de vie » de dimanche dernier, le 1er novembre, sur le droit à la couverture d'assurance maladie en cas de séjour à l'étranger. En effet, si vous vivez au Québec au moins six mois dans l'année, vous continuez d'être couvert par le régime québécois d'assurance maladie.La mention des 122 jours par année concerne une autre règle : si vous avez passé une moyenne de 122 jours par année aux États-Unis depuis trois ans, vous pourriez être considéré comme résident aux yeux du fisc américain, et ainsi devoir y payer des impôts. Nos excuses.