Diane ne s'était jamais préoccupée de l'avenir. « Je suis une femme de 53 ans, je travaille depuis 35 ans dans le domaine de l'architecture, célibataire, sans enfant, avec une qualité de vie confortable. »

Des événements imprévus l'ont toutefois amenée à changer de perspective.

Une blessure à l'épaule en 2014, puis des problèmes de santé durant les dernières Fêtes l'ont obligée par deux fois à interrompre son travail. « Mon corps m'a lâchée », exprime-t-elle.

Ces ennuis ont provoqué un réveil.

« Ils m'ont fait prendre conscience de la vraie vie, celle qui me fait vibrer, sourire, aller vers les gens, aimer. »

Elle ne veut plus accorder au travail la place centrale qu'il occupait dans sa vie. Elle est prête à ralentir.

La suite est plus délicate.

« Je n'ai pas d'épargne, pas de fonds de pension, 35 000 $ de dettes, et je viens tout juste de découvrir les bienfaits d'un budget, dont je n'ai jamais eu besoin avant. »

PREMIER BUDGET

D'où proviennent ces dettes ?

Durant ses quatre mois d'inactivité, elle a comblé le manque à gagner des prestations d'assurance-emploi en recourant au crédit.

Découvrant sur le tard le plaisir de voyager, elle s'était également envolée deux ou trois fois à crédit.

Pour la première fois, elle a utilisé au printemps un petit logiciel budgétaire.

« J'ai découvert que j'étais dans le trou financièrement. Je ne comprenais pas pourquoi. J'ai toujours réussi jusqu'à maintenant ! En faisant le ménage de tout ça, je me suis aperçue qu'il va falloir que je me prive, que je fasse des choix, chose que je n'ai jamais faite avant.

« Je ne sais pas par où commencer ! Comment on fait pour faire des épargnes ? Je n'en ai pas. Pas de fonds de pension non plus. Je n'ai pas de parachute et je ne pensais pas en avoir besoin. »

Pourquoi ?

« Tout simplement parce que je suis une travaillante. Il ne m'est jamais venu à l'idée que je ne pourrais pas travailler. »

« Pour moi, il était impossible, avec l'énergie que j'avais et que je retrouve, que je ne sois pas en mesure de gagner ma vie. La retraite n'a jamais fait partie de mes projets. »

Pour elle, la retraite consisterait à ralentir le travail. Est-ce possible, dans son contexte de travail ? « Je ne le sais pas... »

DÉPENSES

Elle habite un logement qui lui plaît, pour un loyer de 620 $ par mois.

Ses revenus nets par période de 14 jours s'élèvent à 1510 $.

Son logiciel budgétaire lui a permis d'estimer ses frais fixes à 1150 $ sur la même période.

Elle y inclut : loyer, électricité, téléphone, remboursement minimal des cartes de crédit, remboursement de la marge de crédit, assurances, immatriculation, déneigement, permis de conduite, pagette, soins personnels, remboursement des dettes pour l'impôt fédéral et provincial, épicerie.

Ce qui n'est pas inclus dans ces 1150 $ et qu'elle place dans la catégorie des frais variables : essence, frais vétérinaires, restaurants, dépenses pour le logement (décoration, plantes, etc.), transport en commun, contraventions, pharmacie et médicaments, cadeaux, vêtements, entretien automobile, vacances. Toutefois, ces dépenses variables ont excédé les limites de son budget.

« Les restaurants et l'épicerie, c'est ce qui prend le plus gros de mon budget », commente-t-elle.

Elle résume ses objectifs : « Régler mes dettes... Travailler moins mais pas de retraite... Voyager ... D'ici mes 60 ans, est-ce réaliste ? »

PORTRAIT : DIANE, 53 ANS

• Revenu brut : 58 000 $

• Revenu net : 39 260 $

• Aucune épargne

• Aucun régime de retraite

• Aucune propriété

• Voiture payée

DETTES :

• Marge de crédit : 17 200 $

• Cartes de crédit (5 cartes) : 17 590 $

SOLUTION : IL N'EST PAS TROP TARD

La phrase l'a frappée. « Il va falloir que je me prive », avait dit Diane.

La planificatrice financière indépendante Hélène Bronsard ne voit pas l'avenir de cet oeil sombre. « Il faut que Diane se donne une perspective beaucoup plus optimiste. Elle se dirigera plutôt vers une liberté de choix », soulève-t-elle.

Dans cet objectif, la planificatrice a tracé un programme de réorganisation financière en trois volets.

UN : CONSOLIDER LES DETTES

Il faut d'abord réduire les pertes. Hélène Bronsard recommande de consolider les dettes sur cartes de crédit avec un prêt à taux variable nettement plus avantageux.

Diane s'est imposé une discipline de remboursement de dette trop ambitieuse, qui se trouve en fait contreproductive. Elle verse un total de 420 $ par période de deux semaines, soit 10 920 $ par année. « C'est trop parce que ça lui cause un déficit. »

Elle suggère d'étaler ce remboursement sur sept ans, à raison de 6000 $ par année. « À 60 ans, on aurait réglé la dette. »

Diane devra réduire le nombre de ses cartes de crédit, les ramenant de cinq à deux au maximum. Puisque Diane nourrit des projets de voyage, la planificatrice lui suggère de considérer une carte qui procure des points de voyage et dotée d'une assurance voyage.

Elle ajoute toutefois une condition : « Si et seulement si elle est capable de rembourser le solde au complet à la fin du mois. »

DEUX : UN PLAN BUDGÉTAIRE

Cette base étant raffermie, Diane devra construire un solide plan budgétaire, « sans voir le côté restrictif du budget, mais plutôt la liberté décisionnelle qu'il va lui procurer à court et à long terme ».

Hélène Bronsard a elle-même fait un petit exercice budgétaire. Elle s'est appuyée sur la répartition moyenne des dépenses pour les ménages dans la même fourchette de revenus et a utilisé la calculatrice budgétaire de l'Agence de la consommation en matière financière du Canada.

Diane touche un revenu net de 39 260 $ par année, ou 1510 $ toutes les deux semaines.

On l'a vu, notre planificatrice consacre quelque 6000 $ par année au remboursement des dettes.

Elle réserve également une somme de 3900 $ à l'épargne - pour la retraite ou d'autres projets.

Une proportion de 23 % des revenus, soit 8840 $, est appliquée aux dépenses de logement, y compris l'électricité et les télécommunications. C'est un minimum qui devra peut-être être revu à la hausse, reconnaît la planificatrice.

L'alimentation et le transport retiennent respectivement 14 % (5500 $) et 16 % (6100 $) des revenus.

Hélène Bronsard applique 10 % des revenus nets à l'assurance.

« J'ai prévu de l'assurance invalidité. Il faut que Diane fasse quelque chose à cet égard. Elle a eu une très bonne leçon, elle a vu qu'elle n'était pas invulnérable. »

- Hélène Bronsard

Il reste 3900 $ pour les loisirs, vêtements, soins personnels, soins vétérinaires.

Enfin, elle conserve une petite marge de manoeuvre de 1100 $, soit 3 % des revenus, pour les imprévus.

Bref, « il y a encore de la latitude ».

TROIS : FAIRE LES CHOSES AUTREMENT

« Diane doit voir comment elle pourrait faire les choses autrement », avise encore Hélène Bronsard.

Quels changements pourrait-elle apporter à son mode de vie, qui réduiraient les coûts sans sacrifier le plaisir ?

Elle doit revoir toutes les dépenses qui n'ont pas d'influence sur la qualité de vie ; l'intérêt sur les cartes de crédit ou les frais bancaires, par exemple.

Diane pourrait vérifier également si son portefeuille d'assurances (auto, maison) est optimisé.

Les dépenses de communication - téléphone filaire ou portable, internet, télévision - sont souvent excessives pour le bénéfice qu'on en tire. « C'est ce que j'appelle une réorganisation. Les gens paient pour une série de postes de télé qu'ils ne regardent jamais. »

La planificatrice recommande de réviser chacun des postes (postes budgétaires, pas ceux de télévision) et de « prendre le temps de se poser les vraies questions sur l'utilisation de l'argent, pour la rendre plus efficace ».

ET LA RETRAITE ?

« Diane ne se voit pas prendre sa retraite. Mais ce n'est peut-être pas elle qui va décider. Qu'est-ce qu'elle a pour se protéger, si c'est son état de santé ou son employeur qui décide ? »

Si elle trouvait un nouvel emploi au même salaire, mais assorti d'avantages sociaux, Diane améliorerait de beaucoup sa situation.

Cependant, compte tenu de la difficulté à y parvenir, elle devra peut-être se débrouiller avec les conditions actuelles.

Les revenus de retraite ? Premier objectif et première étape : contrôler les dépenses pour dégager de l'épargne. Cette épargne, à raison de 3900 $ par année, est prévue au budget - c'en est même le premier poste.

Une fois les dettes remboursées, vers 60 ans, les 6000 $ qui y sont consacrés pourront à leur tour être épargnés.

Si elle est en mesure de le faire, Diane pourra travailler au-delà de 65 ans, ce qui accroîtra son épargne, bonifiera sa rente de la RRQ et réduira la durée de sa retraite, donc de ses besoins d'épargne.

Mais comme pour toute destination lointaine, l'important est de faire le premier pas budgétaire.

PERSPECTIVE : VOUS FAUT-IL UNE ASSURANCE INVALIDITÉ ?

Si la nécessité d'une assurance se juge à l'ampleur des pertes financières potentielles, l'assurance invalidité est peut-être la plus essentielle. C'est aussi une des plus négligées.

Diane en a vu les conséquences.

Dans son cas, une quelconque forme d'assurance invalidité est primordiale.

« D'autant plus qu'elle n'a aucun coussin de sécurité, aucun fonds d'urgence et qu'elle aurait donc recours à l'endettement », ajoute Jean-Nagual Taillefer, planificateur financier et président de Services financiers Jean-Nagual Taillefer.

LA VALIDITÉ DE L'INVALIDITÉ

« Un contrat d'assurance invalidité est plus complexe qu'un contrat d'assurance vie », souligne le planificateur.

On est vivant ou mort, il n'y a pas de place pour la nuance. Mais l'invalidité peut être partielle, temporaire, relative à un emploi - toutes subtilités différemment couvertes selon les polices.

Prenons l'exemple d'un travailleur autonome victime d'un accident. Il peut reprendre son travail, mais les séquelles de ses blessures limitent ses performances. « C'est ce qu'on appelle de l'invalidité résiduelle. S'il perd 60 % de ses revenus en raison d'une perte d'efficacité ou de productivité, un bon contrat va le couvrir. »

Autre exemple, l'invalidité peut d'une certaine manière être subie à temps partiel. « Si je ne travaille que deux jours par semaine parce que je suis en arrêt partiel par ordonnance du médecin, me versera-t-on une prestation ? Un contrat plus bas de gamme ne le fera pas. »

QUELS SONT LES BESOINS ?

Sur quelle base évalue-t-on les besoins de remplacement de revenus ? « Normalement, le calcul s'effectue sur la base des dépenses courantes, plus l'épargne nécessaire pour la retraite », explique M. Taillefer.

Les prestations d'assurance invalidité cessent normalement à 65 ans - en principe, elles remplacent le revenu de travail. Ensuite, ce sont les revenus et épargnes de retraite qui doivent prendre le relais.

« Dans le cas de Diane, le rattrapage est tellement important, parce qu'elle n'a jamais contribué, que je pense qu'il serait impossible de couvrir ce plein besoin. Dans son cas, on viserait surtout la deuxième base d'évaluation, le plein remplacement de revenu, ou du moins le maximum qu'un assureur nous permettra d'obtenir. »

Les prestations varient selon les assureurs, mais « généralement, ça tourne autour des deux tiers du revenu après impôt ».

QUAND DEVRAIT-ON Y PENSER ?

Le malheur se prévient de bonne heure : mieux vaut évaluer les besoins en assurance invalidité lorsqu'on est jeune et en santé. « Plus tard, on peut se retrouver facilement avec un refus ou des exclusions, indique Jean-Nagual Taillefer. Pour les travailleurs autonomes, c'est indispensable. Personne ne va les couvrir s'ils ne le font pas eux-mêmes. »

Comme Diane, bon nombre d'employés n'ont pas d'avantages sociaux au travail. Quelle sera leur protection en cas d'invalidité ?

Le planificateur rappelle que, selon la cause et les circonstances de l'invalidité, Diane pourrait avoir droit à des prestations de l'assurance-emploi (AE), de la Régie des rentes du Québec (RRQ), de la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ) ou de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST).

Toutefois, ajoute-t-il, ces régimes ne versent des prestations que « dans de rares et graves circonstances », et « les montants sont relativement limités ».

Jusqu'où peut-on compter sur sa bonne étoile ?

LES FACTEURS QUI INFLUENT SUR LA PRIME

• Le type de contrat : résiliable ou non, à renouvellement garanti...

• Les options : indexation, profession propre, droits futurs, invalidité partielle ou résiduelle, etc. ;

• La longueur du délai de carence (attente avant l'admissibilité à la prestation) ;

• La catégorie d'emploi (plus l'emploi est à risque, plus la prime est élevée) ;

• Le sexe de l'assuré (plus coûteux pour une femme) ;

• L'âge (plus coûteux lorsque souscrite plus tard) ;

• Être fumeur ou non (plus coûteux pour les fumeurs).



Source : Jean-Nagual Taillefer




POLICE HAUT OU BAS DE GAMME ?


Question de simplifier les choses, Jean-Nagual Taillefer divise les polices en deux grandes catégories : haut de gamme et bas de gamme.



POLICE HAUT DE GAMME


• Contrat habituellement offert aux professionnels et travailleurs de bureau. « Des contrats légèrement moins intéressants mais similaires sont disponibles pour les métiers de la construction, mais la couverture de la profession habituelle est généralement limitée à 24 mois », précise Jean-Nagual Taillefer ;

• non résiliable : les clauses du contrat ne peuvent pas changer, et le renouvellement est garanti ;

• les primes sont garanties (elles ne changeront jamais) ;

• les prestations sont garanties (aucune coordination avec d'autres régimes gouvernementaux) ;

• la définition d'invalidité comprend l'invalidité totale, partielle ou résiduelle ;

• couvre la profession habituelle jusqu'à l'âge de 65 ans (seulement 24 à 36 mois pour les ouvriers et travailleurs manuels) ;

• parmi les options : indexation des prestations, profession propre (si l'assuré est incapable d'accomplir sa profession, on lui versera ses prestations même s'il décide d'occuper un autre emploi).



POLICE BAS DE GAMME


• Offerte aux personnes qui ont de la difficulté à s'assurer ;

• contrat résiliable : l'assureur peut décider de ne plus assurer cette classe de risque ou ce type d'emploi ;

• le contrat peut être de durée déterminée et limitée, sans obligation de renouvellement ;

• les primes peuvent changer ;

• les prestations ne sont pas garanties ;

• la définition d'invalidité ne comprend que l'invalidité totale, et la description est plus restrictive ;

• couvre la profession habituelle durant une période d'au plus 24 mois, ensuite tout emploi selon la formation et l'expérience de l'assuré ;

• exclusion automatique de 24 mois pour les conditions préexistantes ;

• aucune possibilité de couvrir la profession propre.

Entre ces deux bornes, il existe divers types de contrats intermédiaires. « De façon générale, ce sont des contrats à renouvellement garanti, mais dont les primes ne le sont pas », précise Jean-Nagual Taillefer.