Les billets de banque de 9 $. Les jetons de lave-auto. Les avions de la Seconde Guerre mondiale. Tout se collectionne, particulièrement les dépenses. Mais est-ce que tout se revend ? Peut-on rentabiliser, au moins partiellement, la passion de collectionner ?

VENDRE LA MONNAIE DE SA PIÈCE

« Nous achetons ! Tout objet de collection et objets de valeur recherchés. 4 jours seulement. »

Distribué à la mi-avril aux portes des maisons, dans l'est de Montréal, le feuillet double, imprimé en couleurs sur papier couché, invitait les citoyens à rencontrer les experts d'International Auction pour faire évaluer et vendre leurs trésors : monnaie, cartes de sport, jouets anciens, bijoux en or...

L'entreprise de Saint-Nicolas, qui emploie une trentaine de personnes, dépêche ainsi des équipes d'évaluateurs un peu partout au Québec et ailleurs au Canada.

Elle doit en savoir long sur la manière de faire de l'argent avec une collection.

« Le collectionneur qui ne veut pas perdre son investissement doit faire des bons choix et doit acheter des articles de qualité », énonce son fondateur, Sylvain Martineau.

« Si la personne investit dans des choses qui ont une bonne demande, même si elle paie cher, elle va pouvoir récupérer son argent dans 10, 15 ou 20 ans. Tandis que si elle achète des choses au rabais, qui ont plus au moins d'intérêt, en plus ou moins bonne condition, il y a de fortes chances qu'elle ait de la difficulté à revendre ça plus tard. »

La valeur de départ est une chose. Revendre au juste prix - et au bon endroit - en est une autre...

Prenons l'exemple d'un des plus anciens objets de collection : la monnaie.

COLLECTIONNER L'ARGENT

Jacques Gosselin possède des pièces de monnaie de 206 pays sur les 197 États que compte actuellement la planète. Ce n'est pas une erreur de calcul. « Il y a des pays qui ont fusionné », explique le vice-président de la Société numismatique de Québec.

Sa collection compte environ 35 000 pièces.

Une passion coûteuse ? Après tout, elle consiste à acheter et conserver de l'argent.

« Non, pas nécessairement, répond-il. Ça ne veut pas dire que j'achète seulement des pièces de qualité. Je vais payer beaucoup moins cher une pièce de moindre qualité qui vient de l'Afrique du Sud. Mais je vais l'avoir. C'est ça qui est mon fun. »

« Si vous achetez une pièce à 1000 $, votre fun va durer 10 minutes. Mais si vous en achetez 1000 avec votre 1000 $, vous allez avoir trois ou quatre mois de plaisir à classer, trier, évaluer, identifier. À temps plein ! » - Jacques Gosselin, lvice-président de la Société numismatique de Québec

La valeur d'une pièce de monnaie suit approximativement le cours de l'argent et de l'or, explique le numismate. « Généralement, une collection de monnaie va croître de 5 à 10 % par année. »

Une collection de pièces de 1 cent de la plus haute qualité peut valoir près de 100 000 $, dit-il. « Certaines pièces ont pris plus de 300 % de valeur. Mais ne pensez pas que vous allez acheter et revendre la semaine prochaine et que vous allez devenir millionnaire. Ne dites pas ça, ce n'est pas vrai. »

C'est noté.

« Si vous travaillez bien, si vous avez de bonnes connaissances, si vous vous faites aider par les autres, si vous participez socialement, vous allez devenir un connaisseur et vous allez savoir où investir, quoi acheter, et comment acheter. »

EXCEPTIONNALITÉ

Ce principe s'applique à tout ce qui se collectionne. La rentabilité « dépend de votre compétence, de vos connaissances, de votre passion, et dépend de vos moyens », observe Iégor de Saint Hippolyte, fondateur de l'Hôtel des encans. Des collections de tous types, la plupart du temps issues de successions, y sont régulièrement mises en vente : bijoux, livres d'art, meubles anciens, orfèvrerie...

« Ce n'est pas la rareté qui fait la valeur. C'est l'exceptionnalité. » - Iégor de Saint Hippolyte, fondateur de l'Hôtel des encans

En d'autres mots, tout ce qui est exceptionnel est nécessairement rare, mais tout ce qui est rare n'est pas exceptionnel - axiome que la sagesse populaire québécoise a illustré avec une expression colorée à connotation papale.

Mais même l'exceptionnalité ne suffit pas. Pour qu'elle se concrétise, la valeur doit se conjuguer à une juste demande.

« Dans ce hobby, il vaut mieux se spécialiser dans un domaine pour pouvoir en savoir plus qu'un marchand ou un vendeur sur eBay », recommande Steeve Lemieux, numismate spécialisé en jetons coloniaux canadiens.

Car en numismatique, tout se transige, y compris les billets de 9 $. « Au Canada, les banques ont eu le droit d'émettre leurs billets de banque, relate Jacques Gosselin. Ici, on a eu des billets de 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11 et même 12 $ ! »

Le site Numicanada, spécialisé en monnaie canadienne, répertorie même les jetons et médailles - on y trouve les jetons du lave-auto St-Pamphile !

« Si notre collection est trop large, le centre d'intérêt n'est pas assez précis et de toute façon, on ne peut pas être spécialiste de tout, avise Steeve Lemieux. Bien se documenter est essentiel pour ne pas payer trop cher pour les pièces. Il faut acheter les livres de référence et lire la documentation. Comme à la Bourse, il faut faire ses devoirs si on ne veut pas y laisser sa chemise. »

220 000 $ POUR UNE PIÈCE DE 50 CENTS (PAS MÊME NEUVE)

Au cours de ce qui a peut-être été la plus spectaculaire enchère numismatique de l'histoire canadienne, en février dernier, une pièce canadienne de 50 cents de 1921 a été adjugée 220 000 $. Le catalogue l'estimait à un modeste 170 000 $.

L'enchère Canadian Legacy Sale II, qui se tenait pendant quatre jours à l'hôtel Hilton de Toronto, a réalisé des ventes totalisant 4,1 millions.

Il y a peu de chances qu'une pièce de 50 cents semblable traîne dans un de vos tiroirs. La Monnaie royale canadienne avait frappé 200 000 pièces d'un demi-dollar en 1921, mais en raison de la demande faible et décroissante pour les pièces de cette valeur, l'institution avait conservé toute la production en entrepôt avant de la fondre en 1928 pour frapper de nouvelles pièces. Seules 75 pièces auraient échappé à ce triste sort, dont 4 ont été certifiées de qualité « fleur de coin » - c'est-à-dire aussi impeccable qu'au sortir du poinçon. La pièce mise aux enchères était l'une d'entre elles.

Elle avait fait partie de la collection John J. Pittman - le Warren Buffett de la numismatique. Cet homme au petit portefeuille avait réuni avec sa femme une collection de 12 000 pièces. Après sa mort survenue en 1996, l'enchère sur 12 000 lots a récolté plus de 30 millions de dollars.

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VOICI MA CARTE

Simon Bourque avait collectionné tellement de cartes de sport, de documents de toutes sortes et de bouts de n'importe quoi qu'il a ouvert une boutique sur eBay pour les mettre en vente.

« J'ai 18 500 articles en ligne », assure-t-il. Une employée s'y consacre à temps plein.

Il y vend des articles qu'il a acquis par goût, par curiosité, ou parce qu'ils faisaient partie d'un lot de bidules dont seuls quelques-uns l'intéressaient. Vous y trouverez par exemple une boîte de Corn Flakes de 1953, ornée d'une illustration de Norman Rockwell, que vous pourrez acquérir pour la modique somme de 620 $.

Malgré l'ampleur de son catalogue, la boutique n'inclut ni sa principale collection de cartes de hockey ni sa collection de cartes non sportives.

Car Simon Bourque est le Maurice Richard de la carte de hockey - il a réussi l'équivalent d'une saison de 50 buts en 50 matchs. « J'avais une collection complète de cartes de hockey de 1910 à 1989. Elle était considérée comme LA collection dans le hockey. »

Accessoirement, il est aussi le président de la firme de génie-conseil Génio, à Québec. Deux mondes, deux vies. « Quand je suis dans ma passion de collectionneur, je ne me souviens pas que je suis président d'un bureau d'ingénieurs. »

INVESTIR DANS SA PASSION

Il a développé cet intérêt vers la fin des années 80, pour accompagner son fils de 8 ans qui désirait commencer une collection de cartes de hockey. « Après un an, ça ne lui tentait plus, et moi je n'ai jamais arrêté depuis ce temps-là. »

Quoique...

Fin 2012, il a entrepris, sur d'autres circuits que sa boutique eBay, la vente de sa phénoménale collection de cartes de hockey. « La vente est toujours en cours. Je pensais bien vendre ça sur une période d'un an, mais il s'est avéré que le marché n'était pas du tout capable de l'absorber. J'ai allongé la période à cinq ans. Je pense terminer de vendre la collection au printemps 2017. »

Les ventes dépasseront probablement le million, estime-t-il, avant d'ajouter : « À l'époque, j'aurais pu en attendre plus. »

Il n'est pas certain de récupérer totalement son investissement.

« Rentabiliser - à tout le moins ne pas perdre de sous -, c'est possible, mais il faut travailler très fort. Et comme dans les autres secteurs économiques, j'aurais envie de dire qu'il faut diversifier. » - Simon Bourque

Depuis trois ans, il s'aperçoit que ses cartes de grande valeur ne remplissent pas leurs promesses de profit, alors qu'il a obtenu de bonnes marges bénéficiaires avec les cartes qu'il possédait en double ou triple exemplaire. D'où son conseil de diversification.

A-t-il abordé la collection de cartes comme l'homme d'affaires qu'il est ? « Non. Parce que ça n'aurait pas valu le temps que j'y ai investi. »

Puis il se ravise. « Non et oui. Je connais plusieurs collectionneurs qui, quand ils ont des cartes dupliquées, les mettent dans un coin. Moi je me suis imposé de revendre tout ce que je pouvais revendre pour financer la collection. Dans ce sens-là, j'ai eu une approche d'affaires. »

Et c'est comme un homme d'affaires qu'il commente son aventure. « Si on parle de rendement annuel pour un portefeuille de cartes, je pense que ce n'est pas bon. Quand ça fait 20 ans que tu collectionnes, si au bout de la ligne tu fais 25 %, divisé par 20 ans, ce n'est pas terrible. Mais si tu nivelles les coûts, et que ton profit est le plaisir de collectionner, c'est une tout autre paire de manches. »

Il estime qu'il lui faudra encore une dizaine d'années pour achever la vente de ses collections. « C'est difficile de faire un bilan final, mais quand je vois ce qui me reste, ce que ça m'a coûté, ce que j'ai vendu, je me dis : écoute Simon, je pense que ça ne sera pas trop mal au final ! »

BIEN JOUER SES CARTES

Hors Jeu, le blogue qu'André Rivest tient depuis six ans sur les collections de cartes de sport, est devenu la référence au Québec.

Surprise, c'est le même André Rivest qui est collègue graphiste à La Presse.

Il fait lui-même collection depuis huit ans, après qu'une blessure l'eut forcé à l'immobilité. « Je n'avais pas grand-chose à faire, raconte-t-il. J'ai sorti mes boîtes et j'ai commencé à fouiller et à classer. »

Il détenait notamment une boîte de cartes des années 60 que son père avait trouvée dans une vieille maison qu'il démolissait.

« Je me suis aperçu qu'il y avait du stock là-dedans. J'avais trois cartes de Wayne Gretzky recrue, qui valaient 800 $ chacune. »

Un voisin connaisseur est venu y jeter un coup d'oeil : « Tu as 25 000 $ dans ton sous-sol ! »

André Rivest y a mis de l'ordre, y a pris goût, et a commencé à faire des acquisitions pour compléter les séries.

Il possède maintenant presque toutes les cartes des années 60 à 80, et plusieurs des décennies antérieures.

« La quantité ? Bonne question. »

Un calcul mental : « Peut-être 20 000 cartes. »

Il visite les antiquaires, où il achète des lots de cartes.

« Je paie peut-être 1000 $ du lot. Je donne peut-être 75 à 80 % de la valeur. » Il conserve les pièces qui l'intéressent - environ 20 % de l'ensemble. Il revend le reste, généralement sur eBay, ce qui lui permet de couvrir une bonne partie du prix d'achat.

Mais il l'admet : « Au bout de l'année, ça me coûte pas mal d'argent. Peut-être 4000 à 5000 $ par année. »

Il n'est pas facile de rentabiliser cette passion.

« Si tu connais le tabac, ça se revend. Mais je ne conseillerais à personne de faire ça comme investissement. C'est un hobby. » - André Rivest

Il reçoit de nombreux courriels d'amateurs qui cherchent à vendre leurs cartes. « La première chose que je leur dis, c'est de se procurer un Beckett - le guide qui permet d'évaluer la valeur des cartes. »

Les cartes d'avant-guerre ont toutes une bonne valeur et se vendent sans difficulté. Dans les années 60 et les suivantes, il est plus difficile de séparer le bon grain de l'ivraie.

Avec l'engouement soudain pour les cartes de sport à la fin des années 80, de nouvelles séries ont inondé le marché. Pour accroître leur valeur potentielle, des éditeurs insèrent aléatoirement dans certains lots des cartes qui incorporent des artéfacts - un fragment de gant de baseball historique, une signature authentique, voire un cheveu d'Abraham Lincoln !

« C'est devenu une loterie », déplore André Rivest. « Au départ, ça reste un souvenir d'enfance. C'était des ti-culs de 10 ou 12 ans qui allaient au dépanneur et qui achetaient un paquet de cartes. Ce sont ces cartes-là qui ont de la valeur. »

Son conseil : « N'investissez pas dans les cartes neuves. »

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DE GRANDS COLLECTIONNEURS

Certaines collections ne se conservent pas au sous-sol. D'autres ont des visées internationales. Portraits.

UNE COLLECTION DE HAUT VOL

Michael Potter collectionne les avions d'époque. Pas des modèles réduits ou des répliques.

Des appareils grandeur nature. Authentiques. Qui volent encore.

Sa collection en compte une douzaine en état de vol, dont les classiques de la Seconde Guerre mondiale que sont les fameux chasseurs à pistons Hurricane, Spitfire et Mustang.

Ces appareils sont réunis à l'aéroport de Gatineau au musée Vintage Wings of Canada (Ailes d'époque du Canada) - la fondation privée à but non lucratif qu'il a créée.

Michael Potter ne veut pas donner de chiffres exacts, mais il consent à dire que « les plus rares coûtent dans les sept chiffres ». Ça veut dire des millions.

Natif de Victoria, le président de Sussex Capital a appris à piloter à sa sortie de l'université. « Je vole depuis 45 ans, sur toutes sortes d'appareils, des planeurs jusqu'aux avions d'affaires. »

Il a acquis son premier appareil d'époque en 2000, un biplan des années 40 « relativement facile à acquérir et faire voler » - c'est lui qui le dit.

L'année suivante, il prenait de l'altitude en achetant un Spitfire en état de vol - le célèbre chasseur qui a défendu le ciel anglais. Les autres appareils ont suivi peu à peu.

« C'est en voyant la réaction des gens que j'ai décidé que la collection que j'étais en train de constituer n'aurait pas ma propre satisfaction pour seul objectif. »

PAYANT, GARDER SA VOITURE LONGTEMPS

Imaginez le garage.

Jean-Pierre Viau collectionne les voitures d'époque. « Je ne les compte plus. J'en ai plus de 50, ça c'est sûr. »

Il veut demeurer discret sur l'ampleur de sa collection.

« J'ai quasiment toujours collectionné les autos antiques. J'en achetais, je les retapais, puis j'en revendais. Ça devient une maladie : il vient un moment où tu en achètes et tu n'en vends plus ! »

Il éclate d'un grand rire.

Avec un de ses oncles, il avait commencé tout jeune à « retaper » de vieilles voitures - ce n'était pas encore de la restauration.

« On achetait à l'époque des voitures pour 15 ou 20 $. On les retapait et on les revendait. Des Model A, des Model T. C'est comme ça que la maladie commence, et je n'ai plus jamais arrêté. »

Jean-Pierre Viau a 74 ans. Au début des années 50, des Ford Model T ou A pouvaient avoir de 20 à 30 ans d'âge. « C'était ce qu'on appellerait aujourd'hui des minounes. »

Il est ensuite monté en gamme. « Tu te ramasses avec du capital que tu réinvestis au fur et à mesure. »

L'homme d'affaires est président de l'entreprise d'ascenseurs qui porte son nom. Pour l'instant, pas question de vendre sa collection. « À moins d'avoir une maladie quelconque... »

Ce serait délaisser une maladie pour une autre...

SIX CENTS CIGARES SANS SOUCI

C'est l'ennui, quand on collectionne les cigares : tôt ou tard, l'investissement disparaît en fumée.

« Par la force des choses, quand ça fait des années que vous êtes amateur d'un produit de bouche, vous finissez par en faire collection, exprime Marc Copti. Simplement parce que quand on a une passion, on acquiert davantage que l'on consomme. »

Il en va des cigares comme du vin : les meilleurs s'apprécient avec le temps. « Les cigares premium et super premium ont un potentiel de vieillissement parce que ce sont des produits organiques, vivants. Ils ont une durée de vie qui peut atteindre 40 ans, dépendant de la qualité de départ et de la façon dont ils sont conservés. »

Marc Copti se rend en pèlerinage à Cuba deux ou trois fois par année pour faire ses dévotions. Il conserve entre 500 et 1000 cigares, dont le dixième a été fabriqué avant 2010. Quelques dizaines ont plus de 10 ans.

Mais il est difficile de tirer profit d'une collection de cigares : au Canada, les produits du tabac ne peuvent se vendre entre particuliers.

Marc Copti, homme d'affaires avisé, a cependant trouvé une autre façon de rentabiliser sa passion : il fabrique des articles exclusifs pour fumeurs de cigares.

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VENDRE SA COLLECTION AU MUSÉE ?

Certaines collections trouvent le chemin du musée. Mais pas pour autant celui de la rentabilité.

Sur son site internet, le Musée de la civilisation de Québec invite les collectionneurs à prendre part « à l'histoire en contribuant à l'enrichissement de notre patrimoine collectif ».

Mais les chances sont minces que vous y fassiez entrer votre collection de tabourets pour tirer les vaches : 90 % des propositions de dons sont refusées, faute d'espace ou de pertinence.

Faute de ressources et de fonds, également.

« Même un don intéressant, j'hésite quelquefois à le prendre, car même un don a un coût, explique le directeur général du Musée, Michel Côté. Il y a des frais de conservation, d'étude et de mise en valeur. Quelqu'un m'offre actuellement une collection patrimoniale importante. Mais je sais qu'il faudra quelqu'un à temps plein pendant un an pour l'étudier. Ça va donc me coûter cher avant de conclure. Et après, pour la mettre en valeur, il va falloir que je la numérise, et ça aussi, ça va coûter cher. »

COLLECTION DE CARRÉS ROUGES

Le Musée de la civilisation est un « musée encyclopédique », qui veut « raconter la société », dit M. Côté. À ce titre, il s'intéresse aussi au passé récent, dès lors qu'il a une signification. Il prépare une exposition sur les mouvements sociaux dans le monde. Pour l'occasion, il voulait faire entrer dans sa collection quelques objets liés au printemps érable.

La casserole sur laquelle a frappé Pauline Marois, peut-être ? « On n'a pas cette casserole-là, mais les carrés rouges de Léo Bureau-Blouin, Gabriel Nadeau-Dubois et Martine Desjardins sont dans notre collection. » Ils ont accepté d'en faire don.

SA COLLECTION, SON OEUVRE

Vous ne réussissez pas à vendre votre collection de pochettes d'allumettes de motels gaspésiens ? Le mal n'est pas très grand : vous n'avez certainement pas flambé une fortune pour la constituer.

Il en va autrement d'une collection de voitures hippomobiles.

« La plus grande collection qu'on vient d'entrer au Musée est celle de M. Paul Bienvenu, narre Michel Côté. Il a collectionné les voitures hippomobiles, tirées par des chevaux, pendant 50 ans. Il a réuni environ 210 voitures, du début de la colonie jusqu'aux années 50, en s'assurant d'avoir une représentation de tous les types, mais aussi de toutes les régions. C'est une collection absolument unique. »

Et d'une valeur considérable.

« Il aurait pu vendre aux États-Unis et faire beaucoup d'argent. Certaines voitures sont évaluées jusqu'à 300 000 $. Il a plutôt décidé de l'offrir au Musée. Comme ça, il est sûr que nous allons la conserver dans sa totalité et qu'on va la protéger. »

Les collectionneurs sérieux, le plus souvent, ne cherchent pas la fortune. « Ils le font d'abord par passion, poursuit M. Côté. Ce sont des obsédés des objets d'une collection. Ils se privent souvent. Ce ne sont pas nécessairement des gens riches quand ils commencent à développer une collection. Mais ceux qui sont de bons collectionneurs, qui font des comparaisons, qui visitent les musées à travers le monde, qui finissent par avoir un oeil, des connaissances, une vraie compétence, ceux-là développent des collections qui finissent par valoir cher.

« Ils se disent : "Ma collection, c'est mon oeuvre à moi, je veux qu'elle soit préservée." Ils ont souvent cette préoccupation. Heureusement ! »

SOUVENIRS DE PRIX

Ça, c'est de l'album de voyage ! « Il pèse une vingtaine de kilos », estime Christian Vachon, conservateur pour les peintures, estampes et dessins et chef de la gestion des collections au Musée McCord de Montréal.

Presque de la dimension d'un grand quotidien déployé, l'objet fait 15 cm d'épaisseur.

Relié par un atelier de Québec vers 1870, il regroupe les photos que William Watson Ogilvie, un des fondateurs de la minoterie montréalaise du même nom, a recueillies sur tout le pourtour de la Méditerranée, lors d'un voyage effectué en 1867 et 1868.

L'album a été cédé au musée par une de ses descendantes, Airlie Ogilvie, qui habite Vancouver.

« Il a une valeur de 300 000 $ », annonce Christian Vachon.

Ce musée privé n'a pour ainsi dire aucun budget d'acquisition. Néanmoins, chaque année, il accepte quelque 150 dons totalisant 10 000 articles - photos, objets autochtones, vêtements, meubles, et autres témoignages de l'histoire sociale montréalaise, québécoise et canadienne. « La moitié des gens qui donnent vont demander un reçu de charité, indique Christian Vachon. Il faut alors établir la juste valeur marchande. Pour les vêtements, il y en a qui sont déçus. Pourtant, pour nous, c'est un objet qui peut avoir une très grande valeur historique. »

Car la valeur historique ne se traduit pas nécessairement par une valeur commerciale.

Ainsi, curieusement, si vous faites collection de bobettes d'avant la Seconde Guerre mondiale, le musée se montrera peut-être intéressé. Question de rareté... Les vêtements de sport et les vêtements d'enfants, parce qu'ils ont été usés, ont rarement été conservés.

Mais n'attendez pas de rémunération, sinon un modeste reçu pour don de bienfaisance, établi selon la valeur marchande de l'article (les anciennes bobettes sont peu recherchées sur eBay).

Selon les règles de l'Agence du revenu du Canada, l'évaluation peut être établie par des spécialistes du musée si la valeur de l'objet n'excède pas 1000 $. Si la valeur estimée est supérieure, il faut faire appel à des évaluateurs externes.

LES BIENS CULTURELS EXCEPTIONNELS

Le reçu pour don de bienfaisance donne droit à un crédit d'impôt non remboursable, qui peut atteindre 29 % au fédéral et 24 % à Québec. Mais il y a mieux.

« Ce qui est plus rentable, c'est un certificat qui atteste que le don est un bien culturel, souligne Christian Vachon. Ce certificat décerné par le fédéral, portant le numéro T871, donne des avantages fiscaux supérieurs. »

Cette attestation exige toutefois un surcroît de travail « Il faut soumettre un dossier à la Commission canadienne d'examen des exportations de biens culturels. On doit leur prouver que le bien qu'on veut acquérir est d'importance nationale et d'intérêt exceptionnel. Et dès qu'il est protégé, il ne peut plus quitter le pays. »

L'album Ogilvie, qui a obtenu cette attestation, a donc mis un terme à ses voyages.