Chaque semaine, un financier répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Luc Vallée, stratège en chef chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne (VMBL).

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse ?

Dans son énoncé de mercredi dernier, la Réserve fédérale américaine (Fed) a indiqué de façon prudente, mais sans équivoque, qu'elle terminera sa politique de taux d'intérêt nuls dès que la situation économique aux États-Unis le justifiera, selon ses objectifs de maximiser l'emploi et de stabiliser les prix.

En fait, la Fed a remis les pendules à l'heure quant à ses intentions pour 2015 : les États-Unis s'apprêtent à normaliser leur politique monétaire, c'est-à-dire remonter les taux d'intérêt.

Les marchés boursiers et obligataires ont été un peu surpris. Parce qu'ils s'attendaient - à tort à mon avis - à ce que cette remontée des taux puisse encore attendre jusqu'au début de 2016.

Autre événement significatif : l'annonce jeudi d'une croissance de 3,5 % du PIB de l'économie américaine au 3e trimestre, ce qui était supérieur aux attentes de 3 %.

Cette croissance est encourageante pour les marchés parce qu'elle est menée par la croissance des investissements et des exportations.

Aussi, la baisse des inventaires et la croissance moindre des dépenses de consommation augurent favorablement pour la croissance future.

Ces inventaires devront éventuellement être rebâtis. Et les consommateurs qui améliorent leur santé financière pourront dépenser plus éventuellement.

Quel indicateur suivez-vous le plus attentivement en ce moment ?

Je surveille d'abord les nouvelles économiques concernant la croissance sur la planète, particulièrement en Europe, au Japon et en Chine.

Ces grandes économies inquiètent le plus les investisseurs depuis les récentes révisions à la baisse des prévisions de croissance mondiale de la part du Fonds monétaire international (FMI). Par conséquent, les énoncés des banques centrales demeurent au coeur des préoccupations des marchés.

Les banques centrales de Chine et du Japon ont déjà signalé leurs intentions d'adopter des politiques pour favoriser la croissance.

Du côté de la zone euro, les choses sont plus complexes même si la Banque centrale européenne semble prête à instaurer des mesures pour favoriser la croissance du crédit.

En ce qui touche la Bourse canadienne, je surveille les prix du pétrole et des ressources, étant donné leur poids dans l'indice S&P/TSX.

Tant que ces prix ne se stabiliseront pas, le pétrole en particulier, la Bourse canadienne devrait continuer de sous-performer.

Que feriez-vous avec plusieurs milliers de dollars à investir ?

Pour des placements additionnels en Bourse, nous recommandons de surpondérer le marché américain et les marchés émergents.

Parmi ces derniers, toutefois, nous suggérons d'éviter les marchés à forte pondération en ressources, comme la Russie et le Brésil.

Pour la surpondération aux États-Unis, nous favorisons notamment les banques et les grandes entreprises pharmaceutiques, à l'exception des biotechnologies.

Dans le secteur industriel américain, nous recommandons les entreprises qui sont davantage exposées à l'économie américaine, où la reprise est vigoureuse et soutenue.

Pour les entreprises plus internationales, nous suggérons d'attendre le raffermissement de la croissance économique mondiale avant d'y investir davantage.

À l'opposé, quel placement évitez-vous ces temps-ci ?

Malgré l'attrait des marchés émergents, après une longue période de dépréciation, nous suggérons d'éviter les indices boursiers très influencés par le marché des matières premières et le pétrole.

Cette mise en garde explique aussi notre recommandation de sous-pondération à l'égard de la Bourse canadienne, où les ressources et l'énergie pèsent lourd. De même qu'à l'égard des marchés boursiers d'Europe et du Japon, où la faible croissance économique risque de nuire au rendement.

Ce n'est pas tant que ces marchés ne soient plus porteurs de croissance à long terme, au contraire.

Mais pour le moment, pour les investisseurs moyens, ces marchés demeurent trop exposés aux nombreux impondérables d'ordre économique, financier et géo-politique dans l'actualité mondiale.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus actuellement ?

C'est la possibilité, encore renforcée par la Fed cette semaine, que la remontée des taux d'intérêt aux États-Unis survienne dès l'été prochain, plutôt qu'en fin d'année 2015 ou au début de l'année 2016.

Depuis quelques semaines, la Fed envoie ce message aux autres principales banques centrales du monde. Afin qu'elles se préparent à une remontée de taux aux États-Unis et au risque subséquent d'une dévaluation accentuée de leur devise respective par rapport au dollar américain.

Dans les marchés financiers et boursiers, toutefois, je constate que la portée de ces messages de la Fed demeure sous-estimée.

Par conséquent, quand la remontée des taux aux États-Unis se produira, dans moins d'un an à mon avis, ça risque de surprendre les marchés financiers et boursiers.

Comme stratège en chef chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne, Luc Vallée dirige aussi le groupe « Recherches économiques et stratégie » de la banque. Les travaux de ce groupe servent aux courtiers et aux gestionnaires de comptes-clients de la filiale boursière de la banque, qui cumule près de 2,5 milliards en actif sous gestion. Ils servent aussi aux clients institutionnels de la banque, ainsi qu'à ses conseillers en placement qui desservent sa clientèle de particuliers-investisseurs dans ses succursales de la grande région de Montréal et en province.