Il y a un peu plus de cinq ans, la crise financière atteignait son paroxysme. Les Bourses avaient perdu plus de la moitié de leur valeur et la confiance des investisseurs était fortement ébranlée dans la foulée des scandales Norbourg, Earl Jones, Norshield et Mount Real. Sale temps pour les conseillers financiers. Mais les choses ont changé depuis.

Un métier difficile

Devant un environnement économique et financier en changement, les conseillers exercent un métier difficile pour lequel ils sont souvent critiqués et blâmés. Quelle est dans les faits leur réelle valeur ?

Pour l'Autorité des marchés financiers (AMF), l'organisme qui veille sur la pratique, il ne fait aucun doute que les conseillers apportent une valeur ajoutée à ceux qui utilisent leurs services. « Ils permettent à leurs clients de faire de meilleurs choix et de réaliser de meilleurs rendements », dit Sylvain Théberge, porte-parole de l'organisme.

Les exigences de leur métier les obligent à un travail de qualité, car chaque jour ils mettent en jeu leur carrière, ajoute-t-il. De mauvais conseils, et les conséquences sur leur réputation peuvent être désastreuses. « C'est par leurs efforts et la qualité de leurs conseils qu'ils peuvent bâtir leur clientèle, et surtout la conserver », dit M. Théberge.

Si les scandales ont donné mauvaise presse à la profession, il faut noter que c'est un petit nombre de mauvaises personnes qui ont entaché la réputation de l'industrie. « La grande majorité des conseillers exercent leur métier avec pertinence et qualité », précise Sylvain Théberge.

Concentration des actifs

La crise financière a accéléré un réalignement de l'industrie du courtage, amorcé depuis quelques années. Les plus grosses firmes ont continué d'absorber les plus petites. Par exemple, des firmes québécoises bien connues telles Option-Retraite et Everest ont rejoint les rangs de la Financière Banque Nationale.

Bien qu'il existe environ 200 firmes de courtage en valeurs mobilières au Canada, les 10 plus grosses détiennent 88 % des actifs sous gestion, note Richard Morin, directeur général pour le Québec de l'Association canadienne du commerce en valeurs mobilières.

Et les plus petits risquent de continuer à disparaître. « Ils perdent de l'argent depuis deux ans, ce qui contraste beaucoup avec les grandes firmes pour qui la reprise des marchés boursiers des dernières années a beaucoup contribué à la rentabilité », explique-t-il.

Les plus grandes firmes de courtage sont des filiales des grandes banques. Et celles-ci ne cessent de mettre l'accent sur les activités de gestion de patrimoine. « Nécessitant peu de capitaux, ces activités s'avèrent très lucratives pour les banques », dit M. Morin.

Fait marquant, cette concentration des actifs se fait en parallèle avec la disparition du « stock picking », observe-t-il. Les individus gèrent de moins en moins leurs portefeuilles en tentant de sélectionner les meilleurs titres individuels. « La tendance est plutôt vers les solutions clés en main (package) », dit-il.

Cela aide probablement les conseillers a regagner la confiance des épargnants et des investisseurs.

Qui sont-ils ?

Le titre de conseiller financier n'est pas reconnu par les autorités réglementaires. Il s'agit plutôt d'une appellation parapluie qui regroupe plusieurs catégories d'intervenants. Mais ils ne font pas tous la même chose et bien qu'ils doivent tous être inscrits auprès de l'Autorité des marchés financiers (AMF), ils ne sont pas tous sous l'oeil du même organisme en ce qui concerne la surveillance et la déontologie. Voici les principales catégories.

Les courtiers en placement

Ils sont au service des courtiers en valeurs mobilières. Ce sont ceux dont les fonctions englobent le plus de choses. Ils offrent à leur clientèle des actions, des obligations, des fonds communs, des conseils en placement, en plus de leur fournir un éventail de recherche élaboré. Ils remplissent toutes les fonctions d'intermédiation, c'est-à-dire qu'ils ont la capacité d'intervenir sur tous les marchés financiers. La surveillance des courtiers en placement est confiée à l'Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM).

3270 courtiers en placement sont répartis dans 146 firmes ayant une place d'affaires au Québec.

Les planificateurs financiers

Ils établissent les besoins et les objectifs financiers des individus et, à partir de ces informations, bâtissent un plan d'action. Leur rôle est large, car il couvre tous les aspects du plan financier, tels la retraite, la fiscalité et le plan successoral. Mais ils ne s'occupent pas de placement à moins d'avoir un permis autre que celui de planificateur financier. Ils doivent avoir réussi les examens de l'Institut québécois de la planification financière.

4475 planificateurs financiers sont inscrits auprès de la Chambre de la sécurité financière (CSF).

Les gestionnaires de portefeuilles

Ils sont les conseillers en placement au sens le plus précis du terme. Ils gèrent les portefeuilles de leurs clients en fonction du mandat que ceux-ci leur ont confié. Les clients peuvent être des personnes autant que des institutions financières et des fonds communs de placement. Ils n'exécutent pas eux-mêmes les transactions, mais utilisent pour ce faire les services des firmes de courtage en valeurs mobilières.

1947 gestionnaires de portefeuilles sont inscrits auprès de l'AMF.

Les courtiers en épargne collective

Ils vendent des fonds communs de placement et ne peuvent pas offrir d'actions. Inscrits auprès de la CSF, ils possèdent souvent la désignation de planificateur financier. Ils pratiquent comme travailleur autonome ou auprès de cabinets privés et d'institutions financières telles les banques et les compagnies d'assurances. De nombreux planificateurs financiers ont aussi un permis de courtier en épargne collective. C'est probablement l'un d'entre eux que vous allez rencontrer si votre démarche en recherche de conseils financiers commence à votre succursale bancaire.

23 089 courtiers en épargne collective sont inscrits auprès de la CSF.

Les conseillers en sécurité financière

Ce sont les conseillers qui s'occupent d'assurance de personnes. L'AMF émet un certificat de représentant en sécurité financière aux candidats ayant satisfait à certaines exigences tels des examens et une période probatoire, ils seront alors habilités à vendre des produits d'assurance aux individus.

12 216 conseillers en sécurité financière sont inscrits auprès de la CSF.

Comment choisir son conseiller

L'objectif est de vous allier à un conseiller qui vous accompagnera dans toutes les grandes étapes de votre vie, soit le mariage, la famille, la carrière, les investissements et la retraite. Voici quelques facteurs à considérer pour en arriver au bon choix.

Identifier le bon canal

Le conseiller de la succursale bancaire à une extrémité et le compte en gestion privée de l'autre. Entre les deux, le planificateur financier, le courtier en épargne collective et le courtier en valeurs mobilières. Il faut donc d'abord définir les services dont on a besoin, explique Gordon Gibson, vice-président, Gestion de patrimoine à la Financière Banque Nationale. « Parlez-en à des gens qui sont dans la même situation que vous, cela vous aidera à déterminer vos besoins de service, dit-il. Cela semble en effet la meilleure façon de procéder, car 80 % des clients qui se pointent à la Financière proviennent de références. » Ensuite, il faut magasiner et parler à plus d'un conseiller. « C'est laborieux, mais pensez à l'importance que cela aura sur votre avenir financier », dit M. Gibson.

Lien de confiance et proximité 

Un des critères les plus importants dans la relation avec le conseiller est le lien de confiance que le client établira avec lui. Il sera plus facile d'établir ce lien de confiance avec un conseiller qui a déjà une clientèle dont le profil ressemble au vôtre.

Il faut qu'il soit facile d'entrer en contact avec son conseiller et de pouvoir le rencontrer à une certaine fréquence, explique Alexander Tkachyk, directeur des ventes, produits de placement chez BMO Groupe financier. « Idéalement, il est approximativement du même âge que vous », dit-il. Pour lui, le client doit s'assurer que l'approche et la philosophie du conseiller lui conviennent bien.

Il demeure toutefois essentiel de vérifier que le conseiller est bien inscrit auprès de l'AMF.

Rechercher le fin psychologue

Pour plusieurs, le lien avec le conseiller constitue une prise en charge totale par ce dernier, explique Richard Morin, directeur général pour le Québec de l'Association canadienne du commerce en valeurs mobilières. Le conseiller doit pouvoir cerner la situation personnelle du client, établir un plan à long terme, élaborer une politique de placement et construire le portefeuille. « L'essence du conseiller est d'assurer la planification et la discipline, tout en gérant le risque », dit M. Morin. Il y aura des moments où le conseiller aura à convaincre le client afin de lui éviter de commettre une grosse erreur, telle celle de vendre en panique comme ce fut le cas de plusieurs en 2008-2009. « C'est pourquoi le conseiller doit être un fin psychologue », dit Richard Morin.

La réglementation se resserre

Nul doute que les scandales Norbourg, Norshield, Mount Real et Earl Jones ont alimenté la réflexion quant à la protection du public. S'en est suivi un resserrement des règles et des lois. Mais plus que tout, cela a amené bien des gens à comprendre qu'il ne faut pas faire affaire avec n'importe qui, explique Carmen Crépin, vice-présidente pour le Québec de l'Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM). Voici comment la réglementation veille à votre protection.

L'AMF y met la gomme

Les scandales ont amené bien des changements, assure-t-on à l'AMF. Une réglementation plus sévère et plus de vérifications. Le personnel affecté aux inspections et aux enquêtes est passé de 50 à 150 personnes depuis 10 ans. On mise également sur une plus grande collaboration avec la police. Des équipes mixtes avec la Sûreté du Québec, ainsi que la Gendarmerie royale du Canada ont été mises sur pied. L'AMF s'est également dotée d'une équipe de cybersurveillance composée de cinq personnes afin de déceler les stratégies des fraudeurs.

Augmentation des peines

Les scandales financiers ont également amené des changements au niveau politique et judiciaire. Il y a 15 ans, les crimes financiers étaient méconnus. Mais l'affaire Norbourg en a éveillé plus d'un sur les impacts que peuvent avoir ces crimes financiers sur une population. S'en sont suivi des changements dans le traitement judiciaire de ces crimes. Les peines ont été augmentées et le cumul des peines est maintenant permis.

L'inspection des courtiers

Les firmes de courtage sont soumises à des règles de conformité pour lesquelles elles doivent soumettre un rapport mensuel. Mais aussi l'OCRCVM mène régulièrement des inspections afin d'évaluer les risques qu'ils courent et qu'ils font courir à leurs clients. Ces inspections portent principalement sur la conduite des affaires, la conformité financière et les opérations des pupitres de négociation, explique Carmen Crépin. De plus, l'organisme a entrepris en 2012 la mise en place du Modèle relation client-conseiller (MRCC). La bonne foi, l'honnêteté et la loyauté des parties sont les assises de cette relation client-conseiller.

Comment vous protéger

Lire vos papiers, rencontrer votre conseiller et lui donner toute l'information qu'il a besoin pour bien vous servir peut vous protéger, répond Carmen Crépin. La responsabilité première du conseiller est de bien connaître son client. Cela commence avec le formulaire d'ouverture de compte. Signé autant par le client que par le conseiller, il servira de référence pour régler les problèmes. Puis, il importe de bien conserver tous ses relevés de compte et ses autres communications avec le conseiller.