Chaque dimanche, un financier répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Cimon Plante, de la Financière Banque Nationale.

Quel a été l'événement le plus significatif des derniers jours en Bourse ?

Les chiffres de l'emploi ont finalement surpassé leur niveau d'avant la crise. Cette étape souligne la gravité de la dernière récession et la lenteur de sa reprise.

L'une des surprises a été le faible taux de chômage. On anticipait une légère augmentation, mais ce ne fût pas le cas, car moins de travailleurs ont tenté de revenir sur le marché du travail que ce qui avait été prévu. Le taux de participation est demeuré à 62,8 %, ce qui correspond au plus bas niveau depuis la fin des années 70.

Si les gens ne reviennent pas sur le marché de l'emploi, ceci peut indiquer qu'il y a moins de capacité inutilisée dans l'économie. Dans ce cas, la banque centrale pourrait hausser ses taux plus tôt que prévu.

Quel indicateur suivez-vous le plus attentivement ?

Je regarde avec méfiance les taux de rendement des obligations gouvernementales à long terme.

Il y a quelques années à peine, le Portugal et l'Espagne étaient au bord d'un défaut de paiement sur leurs dettes. Cependant, le taux de rendement 10 ans pour les obligations du Portugal est revenu à son niveau de 2005 en atteignant un creux de 3,30 %. De plus, le taux de rendement 10 ans de l'Espagne a plongé à un niveau de 2,58 %. Le taux de l'Espagne représente un taux plus faible que celui des bons du Trésor américain.

Autre exemple, mardi dernier, la ville de Mossoul, seconde ville la plus importante en Irak, est tombée entre les mains de djihadistes. L'armée n'a pas offert de résistance. Après cette nouvelle, une obligation irakienne offrait un rendement de 6,70 % pour une échéance de 14 ans (rendement converti en dollars américains).

On voit donc l'appétit des investisseurs pour du rendement dans un univers à faible rendement. Cet appétit pour du rendement se transforme aussi en appétit pour le risque dans le secteur des revenus fixes.

Que feriez-vous avec plusieurs milliers de dollars à investir ?

Sans savoir à quel moment ceci surviendra, je crois que nous assisterons à une hausse des taux d'intérêt.

Dès lors, je favorise le secteur des services financiers aux États-Unis, tout particulièrement les assureurs de dommages. Ceux-ci génèrent certains bénéfices en investissant l'argent des primes qu'ils reçoivent, mais qui n'ont pas encore été réclamées en demande d'indemnité. En raison des faibles taux d'intérêt, les revenus tirés de ces liquidités pouvant être investis sont en baisse. Cependant, ces sommes à la disposition de plusieurs assureurs sont en croissance et elles procureront un meilleur rendement lorsque les taux augmenteront, ce qui favorisera les profits pour le secteur. Actuellement, j'investis dans les titres de Progressive (PGR) et Markel Corporation (MKL).

De plus, le secteur aurifère est l'un des secteurs les plus évités par les investisseurs. C'est dans ces moments que l'on peut dénicher des aubaines. Je crois qu'un investisseur doit être fortement prudent dans ce secteur, car plusieurs producteurs ne sont pas rentables suite à la baisse du prix de l'or. Dès lors, je favorise des producteurs ayant de faibles coûts d'exploitation, par exemple le titre de New Gold (NGD), où Pierre Lassonde fait partie du conseil d'administration.

Quel placement évitez-vous à tout prix ?

J'évite les produits offrant une exposition au marché chinois.

Depuis la crise économique, la Chine a fait des investissements massifs afin de s'assurer une croissance économique. L'une des conséquences est qu'en 2013, il y avait en Chine plus de 60 millions d'unités résidentielles en construction. À titre de comparaison, au sommet de la bulle immobilière, les États-Unis ont construit un peu plus de 2 millions d'unités résidentielles en une année civile.

Ce boom immobilier a été causé en partie par la disponibilité du crédit. Les banques chinoises ont grossi à un point tel que le secteur bancaire chinois a atteint le même niveau que tout le secteur financier américain. De plus, selon Bank of America Merrill Lynch, les actifs hors bilan de ces banques se chiffrent à 4,7 billions de dollars. C'est l'équivalent de 51 % du PIB de la Chine. Un ratio plus élevé que les États-Unis avant la crise.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus ?

Même si je suis optimiste pour les marchés boursiers, je crois qu'on y retrouve une certaine complaisance.

Le degré de volatilité sur les marchés est à son plus faible niveau depuis près de 10 ans. Ceci représente l'une des conséquences des interventions des banques centrales aux quatre coins du monde.

Par exemple, lorsque la Réserve fédérale américaine implanta sa première détente quantitative en 2008, le VIX (indicateur de volatilité du marché financier américain) se situait à 80. À la seconde ronde de détente quantitative en 2010, le VIX était à 30 et lors de la troisième ronde en 2012, le VIX était à 14, un niveau similaire avant la crise financière.

Je crois que l'on assiste à une reprise de l'économie américaine, mais je ne crois pas que la croissance dans les marchés se fera éternellement avec si peu de volatilité. À mon avis, nous aurons des soubresauts qui joueront en faveur de la sélection individuelle de titres plutôt qu'à une approche indicielle.

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Cimon Plante est vice-président et gestionnaire de portefeuille à la Financière Banque Nationale. Travaillant dans le secteur depuis une dizaine d'années, il se spécialise en gestion de patrimoine auprès d'une clientèle à valeur nette élevée. Il a un actif sous gestion s'élevant à 155 millions de dollars.