Vous ne trouverez pas beaucoup d'hommes aux rencontres organisées par Weight Watchers. Mais au centre-ville de Montréal, Philippe Hynes s'y rend périodiquement.

Il ne s'y présente pas parce qu'il cherche à perdre du poids mais pour en savoir plus sur les produits et pour échanger avec des représentantes de l'entreprise. Il veut prendre le pouls de ce qui se passe chez Weight Watchers. «Souvent, j'arrive 45 minutes avant le début d'une rencontre et il y a déjà des femmes présentes pour se peser. C'est toujours un peu gênant pour moi de les déranger», dit-il. Philippe Hynes va à ces rencontres à titre de gestionnaire de portefeuille. Il a acheté des actions de Weight Watchers pour ses clients cet hiver après une chute de plus de 30 % du titre.

Le président de Tonus Capital dit avoir analysé Weight Watchers durant trois ans et c'est un essai concluant mené par sa conjointe qui l'a convaincu d'investir. «C'est après l'inscription de ma femme que j'ai pu mieux comprendre le concept et surtout, ça m'a ouvert les yeux sur la portion web des activités.»

Sa femme s'est jointe au programme après son premier accouchement et Philippe Hynes dit avoir pu observer les avantages concurrentiels de la société. «Premièrement, et le plus important, le programme fonctionne vraiment. Deuxièmement, la majorité des clients participe au programme à plus d'une reprise. Troisièmement, l'entreprise profite de publicité gratuite puisque les membres qui réussissent à atteindre leurs objectifs de poids deviennent les meilleurs ambassadeurs et, encore mieux, le font gratuitement, précise-t-il. Ma femme en est la preuve. En plus d'atteindre son objectif de poids, elle a de nouveau participé au programme après son deuxième accouchement et a recommandé le programme à plus d'une douzaine de personnes.»

Philippe Hynes souligne qu'en 40 ans d'existence, le programme, en plus de s'être grandement amélioré, s'est adapté aux nouvelles technologies. «Historiquement, les membres devaient physiquement se rendre à leur réunion hebdomadaire. Aujourd'hui, ce modèle existe toujours, mais les membres peuvent suivre leur progression sur l'internet ou grâce à une application mobile.»

À ses yeux, avec près de deux millions de membres payants, la société a l'un des sites internet les plus profitables de la planète. Il génère annuellement 260 millions de profits. Pour lui, une occasion d'achat s'est présentée quand les dirigeants ont revu à la baisse leurs prévisions d'inscriptions pour l'année.

La raison: ils éprouvaient de la difficulté à convaincre des avantages et des modifications récemment apportés au programme. Une campagne publicitaire beaucoup moins percutante avec la nouvelle ambassadrice, Jessica Simpson, explique aussi la baisse prévue.

«En publicité, certaines campagnes fonctionnent, d'autres moins. Je suis sûr que la prochaine campagne pourrait contribuer à faire augmenter le nombre d'abonnements, et par le fait même, les profits et la valeur du titre, dit-il. Le rachat d'actions de 1,5 milliard effectué début 2012 a alourdi les emprunts dans le bilan et les investisseurs ont réagi en se départissant de leurs actions. Mais Weight Watchers génère encore de larges flux de trésorerie libre qui permettent de réduire la dette. Après le rachat d'actions, plus de 100 millions de dettes ont été remboursées durant le second semestre 2012.»

Il envisage son placement sur un horizon de plusieurs années et souligne que la saison d'inscriptions la plus importante se déroule généralement vers la fin de l'année à l'approche des résolutions du Nouvel An. Weight Watchers est un peu à la merci du prochain régime à la mode et il a trois concurrents principaux à surveiller. D'abord Jenny Craig (détenue par Nestlé), mais peu d'informations financières sont disponibles sur cette société. Il y a aussi Medifast, cotée à la Bourse de New York, et Nutrisystem, au Nasdaq. Ces deux entreprises ont cependant des modèles d'affaires différents.

Wall Street commente 

Pour l'analyste Robert Craig, de la firme Stifel, le début de l'année 2013 s'inscrit dans une tendance évidente qui a peu changé depuis une dizaine d'années: la participation aux rencontres est difficile à faire augmenter et même à maintenir.

«Ce fut encore difficile à ce chapitre durant la saison cruciale des régimes de début d'année et il faut s'attendre à ce que la situation persiste pour le reste de l'année.» John Faucher, chez JP Morgan, abonde dans le même sens. «L'année 2012 a été une année difficile pour Weight Watchers et cette année ne sera pas vraiment meilleure même avec des comparatifs faciles à surpasser, dit-il. Je ne considère pas que le titre est attrayant en raison notamment du niveau d'endettement. À plus long terme par contre, avec la lutte contre l'obésité, Weight Watchers est bien positionnée pour la croissance, en particulier si l'entreprise met en place la bonne approche marketing pour attirer les hommes et encore plus de femmes.»

Chez Wedbush Securities, Kurt Frederick estime que la multiplication des applications gratuites nuit à Weight Watchers. Selon lui, par contre, l'entreprise est sur le point de profiter d'une hausse de l'aide financière des employeurs aux travailleurs qui veulent s'inscrire à Weight Watchers. Toutefois, Kurt Frederick, Robert Craig, et John Faucher ne recommandent pas l'achat de Weight Watchers et restent prudents devant les perspectives à court terme. «Les choses pourraient changer avec une bonne campagne de marketing et des produits innovateurs, mais c'est plutôt improbable avant encore au moins quelques trimestres», dit Kurt Frederick.