Steak. Blé d'Inde. Patate. Ketchup. Quatre ingrédients, une recette simple qui ne révolutionne pas la gastronomie, mais qui fonctionne à tous coups. Comme le pâté chinois, le portefeuille permanent offre aux investisseurs une recette facile qui permet de diversifier ses actifs et d'obtenir des rendements raisonnables, dans toutes les conditions des marchés financiers. Les composantes? Actions. Obligations. Or. Liquidités. Rien de plus compliqué.

C'est en 1982 qu'Harry Browne a mitonné la bonne vieille recette du portefeuille permanent. Les temps étaient durs pour les investisseurs: l'économie traversait une grave récession et l'inflation, qui frisait les 12%, grugeait rapidement leurs épargnes. Comment faire de l'argent dans un pareil contexte?

L'Américain a imaginé un portefeuille d'une étonnante simplicité qui permet de réaliser des rendements raisonnables, peu importe les conditions de marché. Un portefeuille quatre saisons, quoi.

Il s'agit de répartir également ses actifs dans quatre grandes catégories d'actifs qui ne fluctuent pas en tandem, soit les métaux précieux, les liquidités, les obligations à long terme et les actions.

«C'est une formule qui empêche de vivre le pire scénario. Le portefeuille est blindé pour tous les types de marchés», résume Jean-Paul Giacometti, gestionnaire de portefeuille chez Claret.

L'or protégera le portefeuille durant les périodes d'inflation. Durant les récessions, les obligations de long terme s'apprécieront grâce à la baisse des taux d'intérêt qui est généralement utilisée pour stimuler la croissance. Les actions profiteront des périodes de prospérité et croissance boursière, comme dans les années 90. Et enfin, les liquidités serviront de rempart en cas de dépression.

«L'idée de base, c'est que si deux ou trois des composantes vont mal, il y aura toujours une ou deux autres qui vont l'emporter sur celles qui sous-performent», explique Maher Kooli, professeur titulaire au département de finance d'ESG UQAM et titulaire de la chaire Caisse de dépôt et placement du Québec de gestion de portefeuille.

L'éloge de la diversification

Le portefeuille permanent ne réinvente pas le bouton à quatre trous. Mais il a le mérite d'imposer une discipline stricte de diversification, un principe de base en investissement.

Certains investisseurs pensent avoir un portefeuille bien diversifié en achetant un grand nombre d'actions canadiennes. Mais c'est un leurre, car tous les titres qu'ils détiennent dans leur portefeuille sont soumis aux mêmes risques systémiques, prévient M. Kooli.

«On dit toujours qu'il ne faut pas mettre tous ses oeufs dans le même panier, dit le professeur. Mais ces temps-ci, il vaut mieux avoir plusieurs paniers et ne pas les mettre dans le même camion!»

Autrement dit, pour avoir une diversification réellement efficace, il faut répartir son portefeuille dans différentes catégories d'actifs dont le rendement n'est pas corrélé, comme avec le portefeuille permanent. C'est ce qui permet de réduire le risque et d'absorber les chocs.

À preuve, le portefeuille permanent a très bien résisté à la tempête en 2008. Le Permanent Portfolio, un fonds commun distribué aux États-Unis sous le symbole PRPFX, a subi une baisse de seulement 8% durant cette année de crise financière, alors que les fonds communs à risque modéré flanchaient de 22% en moyenne.

Depuis 10 ans, le Permanent Portfolio a livré un rendement annuel composé de 10,5%, bien supérieur au rendement de la moyenne des fonds comparables (7,7%) et au rendement de l'indice de la Bourse américaine (8%). Les détenteurs du fonds ont profité de l'envolée du prix de l'or au cours de la dernière décennie, alors que la Bourse connaissait des années difficiles.

Mais à long terme, le portefeuille permanent enregistre une performance moins spectaculaire. Depuis sa création en 1982, il a avancé de 6,8% par an, nettement moins que la Bourse américaine qui a gagné près de 11% par an.

«Toutes les études s'accordent pour dire que les actions surperforment les autres catégories d'actifs à long terme», rappelle M. Kooli. Le portefeuille permanent est une stratégie qui est conçue pour la sécurité, mais qui ne permet pas de capter tout le potentiel de la Bourse à long terme. En ce sens, il est moins approprié pour les jeunes investisseurs qui ont un horizon de placement très éloigné (30 ou 40 ans).

L"art du rééquilibrage

Avec le portefeuille permanent, l'investisseur aura toujours l'impression de traîner un boulet, c'est-à-dire une catégorie d'actifs qui tire la patte.

«Mais il est important de suivre la recette systématiquement», insiste M. Giacometti. «Peu importe la méthodologie, la discipline est souvent ce qui manque le plus aux investisseurs», constate le gestionnaire.

Ainsi, il faut rééquilibrer régulièrement son portefeuille, pour que les quatre catégories conservent toujours le même poids. Par exemple, si une catégorie atteint un poids de 28% dans le portefeuille, il faut vendre le 3% excédentaire et réinvestir l'argent dans les catégories dont le poids a fondu.

Pour minimiser les frais de transaction, l'investisseur peut aussi se servir de ses nouvelles cotisations pour investir dans les catégories d'actifs qui ont moins bien fait, afin de rétablir l'équilibre du portefeuille.