Les grandes banques canadiennes déjouent encore les appréhensions des analystes et des investisseurs boursiers ces jours-ci, avec des résultats record pour leur fin d'exercice.



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Pourtant, les tumultes boursiers des derniers mois, la grave crise des dettes publiques en Europe et les indices d'un ralentissement de l'économie nord-américaine auguraient mal pour les banques canadiennes.

Et bien non. Du moins, pas pour le moment.

Selon les résultats divulgués à ce jour par quatre des six principales banques, leurs profits pour le quatrième trimestre cumuleront autour de six milliards de dollars. Ce montant représente une hausse appréciable de 28% par rapport au trimestre comparable un an plus tôt.

Pour tout l'exercice 2011, terminé le 31 octobre, le bénéfice total des six banques s'annonce à hauteur de 23,5 milliards. Ce sera 15% de plus que l'année précédente.

«Le contexte bancaire international est négatif avec la crise des dettes souveraines en Europe et son impact sur l'économie. Toutefois, les banques canadiennes continuent de «superformer» en raison de leur meilleur environnement économique, réglementaire et concurrentiel dans leur marché principal», constatait l'analyste Peter Rozenberg de la firme UBS Investment dans une note publiée après les premiers résultats bancaires des derniers jours.

Cela dit, si elles ont bien navigué jusqu'à maintenant, les banques canadiennes ne sont pas à l'abri des intempéries qui menacent encore à l'horizon économique.

Dans leurs activités liées aux marchés boursiers, les résultats d'exploitation des banques continueront d'être embêtés par la volatilité des marchés et la tiédeur persistante des investisseurs.

Or, ces activités boursières des banques sont parfois les plus rentables de tout leur arsenal, lorsque les marchés sont favorables. Tant pour le courtage boursier que pour les activités d'émissions de titres par les entreprises et la croissance des placements parmi les particuliers.

Dans leurs activités principales de crédit aux entreprises et aux particuliers, la conjoncture économique au Canada s'annonce moins favorable aux banques lors des prochains trimestres.

Volume de prêts en croissance moindre, concurrence accrue et pression sur les marges: c'est pourquoi plusieurs analystes ont légèrement réduit leurs prévisions de bénéfice des banques pour l'an prochain.

La moyenne de ces prévisions tourne maintenant autour d'une croissance de 10% du bénéfice en 2012, ce qui serait cinq points de moins que la croissance moyenne observée en 2011.

Les présidents de quelques banques ont aussi émis des commentaires en ce sens ces derniers jours afin de tempérer les attentes de leurs actionnaires.

«L'environnement économique demeure très incertain. On s'attend à ce que les taux d'intérêt demeurent bas (impact négatif sur la marge nette) et que la croissance du crédit à la consommation diminue un peu. La croissance du crédit aux entreprises pourrait compenser un peu ces vents contraires», selon Gerry McCaughey, président et chef de la direction de la Banque CIBC.

À la Banque TD, le chef de la direction Ed Clark a admis, lors de l'annonce de profits records, qu'il s'attendait à une «croissance moindre par rapport aux dernières années».

Chez la plus internationale des banques canadiennes, la Scotia, son président et chef de la direction, Rick Waugh, a tenu à souligner en marge des résultats que la banque était peu affectée par la crise financière en Europe.

«Bien que l'incertitude économique mondiale affecte la croissance de tout le secteur bancaire, l'empreinte internationale à la Scotia est centrée dans des marchés de croissance qui sont très peu affectés par les problèmes dans certains régions du monde», a-t'il indiqué.

En Bourse, cependant, la Scotia et les autres principales banques canadiennes n'ont pas été épargnées par le sentiment négatif envers tout le secteur bancaire qui découle de la crise des dettes publiques en Europe.

L'indice sectoriel des services financiers à la Bourse de Toronto est en baisse de 9% depuis le début de l'année. Cette glissade a été particulièrement accentuée en juillet et août derniers, alors que la crise financière en Europe s'aggravait au grand jour.

Pourtant, selon les analystes, les banques canadiennes ont un risque financier limité face à la crise des dettes publiques en Europe.

Leur actif de ces titres à risque de dévaluation est évalué à 15,7 milliards, selon un relevé de Peter Routledge, analyste à la Financière Banque Nationale, avec des chiffres de la Banque des règlements internationaux, basée en Suisse.

«La crise des dettes publiques en Europe ne représente pas un risque matériel direct pour les banques canadiennes. Pour que ça le devienne, il faudrait que le Royaume-Uni, où elles ont 88 milliards en prêts, s'embourbe à son tour dans la crise européenne», selon Peter Routledge.

Dans ce contexte, la plupart des analystes jugent exagérée la dévaluation boursière que subissent les banques canadiennes depuis quatre mois.

À preuve, le multiple cours-bénéfice moyen des actions des banques a glissé autour de 10, ce qui est inférieur à leur niveau habituel.

Ce multiple est aussi très inférieur à celui de titres comparables pour le seul rendement en dividendes, souligne Kevin Choquette, analyste des banques chez Capitaux Scotia dans un récent rapport.

«Les investisseurs négligent les actions des banques canadiennes et leurs dividendes avantageux en raison des craintes de risque systémique dans la finance internationale. Mais lorsque ces craintes diminueront, je m'attends à un rebond substantiel des actions des banques en Bourse».

Cette hypothèse émise il y a deux semaines a-t-elle des chances de succès?

Toujours est-il que dans les jours suivants, alors que des indices favorables de détente financière émanaient d'Europe, les actions des banques canadiennes ont connu leur plus vif rebond depuis le début de l'année.

BANQUE TORONTO-DOMINION (TD)

> Bénéfice du 4e trim. 2011 1,5 milliard (+57%)

> Bénéfice de l'exercice 2011 5,8 milliards (+26%)

> Bénéfice anticipé en 2012 (1) 6,2 milliards (+5%)

> Cours récent (var. en 2011) 71$ (-3%)

> Multiple cours/bénéfice 10,5

> Rendement en dividende 3,8%

> Prix-cible d'analystes d'ici un an 87$

> Avis d'analystes 14 acheter/2 conserver/2 vendre

BANQUE CIBC

> Bénéfice du 4e trim. 2011 794 millions (+58%)

> Bénéfice de l'exercice 2011 3 milliards (+25%)

> Bénéfice anticipé en 2012 3,1 milliards (+3%)

> Cours récent (var. en 2011) 71$ (-8%)

> Multiple cours/bénéfice 9,8

> Rendement en dividende 5%

> Prix-cible d'analystes d'ici un an 85$

> Avis d'analystes 8 acheter/10 conserver/0 vendre

BANQUE ROYALE (RBC)

> Bénéfice du 4e trim. 2011 1,6 milliard (+42%)

> Bénéfice de l'exercice 2011 (1) 4,8 milliards (-7%)

> Bénéfice anticipé en 2012 6,5 milliards (+30%)

> Cours récent (var. en 2011) 48$ (-6,8%)

> Multiple cours/bénéfice 11

> Rendement en dividende 4,4%

> Prix-cible d'analystes d'ici un an 54$

> Avis d'analystes 5 acheter/12 conserver/1 vendre

BANQUE SCOTIA

> Bénéfice du 4e trim. 2011 1,2 milliard (+12%)

> Bénéfice de l'exercice 2011 5,1 milliards (+22%)

> Bénéfice anticipé en 2012 5,3 milliards (+4%)

> Cours récent (var. en 2011) 50$ (-11%)

> Multiple cours/bénéfice 10,9

> Rendement en dividende 4,1%

> Prix-cible d'analystes d'ici un an 60$

> Avis d'analystes 10 acheter/7 conserver/1 vendre

BANQUE DE MONTRÉAL (BMO)

> Bénéfice attendu au 4e trim. 773 millions (+4%)

> Bénéfice attendu pour 2011 3 milliards (+9%)

> Bénéfice anticipé en 2012 3,6 milliards

> Cours récent (var. en 2011) 58$ (+2%)

> Multiple cours/bénéfice 11,3

> Rendement en dividende 4,7%

> Prix-cible d'analystes d'ici un an 64$

> Avis d'analystes 6 acheter/11 conserver/2 vendre

BANQUE NATIONALE

> Bénéfice attendu au 4e trim. 271 millions (-5%)

> Bénéfice attendu pour 2011 1,15 milliard (+11%)

> Bénéfice anticipé en 2012 1,2 milliard

> Cours récent (var. en 2011) 66$ (-3%)

> Multiple cours/bénéfice 9,4

> Rendement en dividende 4,2%

> Prix-cible d'analystes d'ici un an 79$

> Avis d'analystes 4 acheter/9 conserver/4 vendre

Sources: banques, Bloomberg, Bourse de Toronto