Michel, 53 ans, du Saguenay, ne l'a pas eu facile depuis qu'il a été diagnostiqué avec la sclérose en plaques, en 1992. Il a dû arrêter de travailler sur le champ et vit depuis bientôt 20 ans sur son assurance-salaire et sa rente d'invalidité de la RRQ. Heureusement qu'il avait sa conjointe Estelle à ses côtés durant tout ce temps.

Mais voilà, à 55 ans, elle aussi commence à avoir quelques ennuis de santé. Comme lui, elle est obligée pour des problèmes d'arthrite sévères de prendre des médicaments d'exceptions qui lui permettent pour le moment de tenir le coup au travail. Mais pour combien de temps? Elle pense qu'elle pourra continuer encore quelques années mais, idéalement, souhaiterait arrêter complètement le boulot à 60 ans.

Le couple n'a pas de grands projets pour leurs vieux jours. Pas de voyages, pas de grands restos, juste profiter de la vie du mieux qu'ils peuvent.

«Avec notre santé, le mieux qu'on puisse espérer est de pouvoir regarder le gazon pousser!» ironise Michel, qui n'a pas perdu son sens de l'humour malgré les aléas de la vie.

Il n'a pas perdu non plus son pif pour les chiffres. Pour que son amoureuse puisse se retirer dans 5 ans, il a conçu un plan financier, qu'il aimerait faire valider par un spécialiste. Mais avant, voyons les données de base.

Son plan à lui

Côté revenus, il touche 15 600$ par année de ses rentes invalidité et assurance-salaire; à 65 ans, il aura droit à une rente de retraite de 521$ par mois de la RRQ. Elle gagne 35 000$ comme directrice d'une maison de jeune. En placements, il possède pour 28 300$ de REER; elle en a pour 91 300$. Il a pour environ 40 000$ de droits de cotisation non-utilisés; elle en a pour 10 600$, pour 2011. Le couple est propriétaire d'une maison évaluée à 150 000$, grevée d'une hypothèque de 24 000$; il veut accélérer le remboursement de cette dette pour la payer en trois ans. Actuellement, leur train de vie est estimé à 30 000$ par an, sans compter le remboursement accéléré des dettes qui comptera pour 16 000$ dans leur budget de 2012.

Revenons maintenant au scénario imaginé par Michel. Selon lui, Estelle devrait d'abord maximiser ses cotisations annuelles au REER. Ensuite, vu que leur revenu familial est modeste, il compte sur le supplément de revenu garanti du fédéral à partir de 65 ans. De plus, durant les cinq premières années de la retraite, il pense retirer entre 25 000$ et 35 000$ du REER de madame, en prendre une partie pour vivre (entre 10 000$ et 15 000$) et placer le reste dans un CELI.

«Ce scénario est-il réaliste et pouvons-nous l'améliorer?» demande Michel.

La clé: le SRG

Gaétan Veillette, Fellow Administrateur agréé et planificateur financier au Groupe Investors, a analysé la situation du couple. Le facteur-clé, selon lui, dans leur cas, repose sur le supplément de revenu garanti (SRG), qui assure un revenu additionnel aux personnes âgées à faible revenu vivant au Canada, en plus de la pension de la Sécurité de la vieillesse. Or, estime M. Veillette, le plan de Michel risque de mettre le SRG en péril. C'est que le SRG cesse dès que le revenu combiné du couple de l'année précédente atteint 21 552$ (excluant la pension de vieillesse). Si un couple gagne moins que ce plafond, le droit au SRG se bonifie de 50% pour chaque dollar de revenu net en moins.

Donc, en retirant entre 25 000$ et 35 000$ par an des REER de madame, entre 60 et 65 ans, selon le plan de Michel, cela viendrait tasser le SRG. Il faut donc, selon le spécialiste, opter pour un autre scénario qui maximisera le SRG.

Pour ce faire, M. Veillette leur suggère une autre stratégie, en plusieurs étapes, mais dont la principale tourne autour de la «défiscalisation» progressive du REER de madame et ce, jusqu'à 63 ans. Autrement dit, soutient le planificateur, Estelle devrait immédiatement cesser de contribuer au REER et de privilégier le CELI. L'idée, derrière cette stratégie, est d'arriver à la retraite avec un patrimoine défiscalisé le plus possible lorsque madame aura 64 ans; ainsi, le couple pourra tirer avantage au maximum du SRG à 65 ans, puisque les revenus de l'année précédente seront bas. Le CELI devrait être priorisé car ses rendements sont totalement exonérés d'impôt.

Pour démontrer son point, Gaétan Veillette a sorti sa calculette et comparer les deux options, celle de Michel, basée sur la maximisation des REER, et la sienne, de défiscalisation du patrimoine avant la retraite et de maximation du CÉLI. Ainsi, avec l'option de Michel, en prenant pour hypothèse un train de vie à la retraite équivalente à 80% de leur train de vie actuel, le couple se retrouve avec un patrimoine de 507 000$ (incluant la maison) lorsqu'Estelle aura 89 ans; avec l'option de défiscalisation, leur patrimoine grimpe à 624 000$.

Une différence de 117 000$. Ça se prend bien... surtout à la retraite!