Trouvez l'erreur. Les polices d'assurance-vie universelles représentent près du tiers des nouveaux contrats d'assurance-vie signés au Canada. Pourtant, les planificateurs financiers chevronnés estiment que ces produits financiers ne s'adressent réellement qu'à 1 ou 2% de la population. Pas étonnant que la Chambre de la sécurité financière ait condamné plusieurs conseillers pour avoir vendu ces produits à tort et à travers, sans tenir compte des besoins de leurs clients.

Pourtant, l'assurance-vie universelle est couramment vendue par les compagnies d'assurance. Environ 30% de toutes les nouvelles souscriptions d'assurance-vie au Canada sont des produits d'assurance-vie universelle, indique Denis Tremblay, consultant indépendant en produits et services financiers.

«C'est beaucoup de vente pour le potentiel que le marché offre. Il est à croire qu'il y a des gens qui souscrivent à ce genre de contrat alors qu'ils ne devraient pas», dit M. Tremblay qui est souvent appelé à témoigner à titre d'expert dans des causes impliquant des polices d'assurance-vie universelles.

L'assurance-vie universelle est un produit hydride et flexible qui combine une portion assurance-vie et une portion placement. Outre la prime de base, l'assuré peut faire des contributions excédentaires qui s'accumulent dans sa police en fonction de ses choix de placements. Cette épargne peut servir à payer les primes des années futures ou simplement à bonifier le montant d'assurance.

«L'assurance-vie universelle est un très beau produit pour ceux qui l'utilisent à des fins successorales, mais pas comme produit de placement qu'on veut utiliser de son vivant», dit Denis Preston, formateur et consultant en gestion des risques au Groupe conseil Bachand Lafleur Preston.

Ceci n'est pas un placement

Or, l'assurance-vie universelle est trop souvent vendue strictement comme un placement à des gens qui n'ont aucun besoin d'assurance-vie. C'est une source fréquente de litiges et de plaintes déontologiques.

«Utiliser un produit d'assurance pour un client qui n'a pas besoin d'assurance, c'est déjà une faute parce que ça ne répond pas au besoin du client», expose M. Tremblay.

Avant de vendre une assurance-vie, le conseiller doit procéder à une analyse complète de la situation financière de son client, exactement comme un médecin qui doit porter le bon diagnostic pour ensuite faire la bonne ordonnance.

Autrement, «c'est comme si on disait que l'aspirine est bonne contre tous les maux et qu'on en prescrivait pour tous les problèmes. Ce serait dangereux!» illustre M. Tremblay.

Le hic, c'est que bien peu de gens ont vraiment besoin d'une assurance-vie permanente qui les couvre jusqu'à la fin de leurs jours, comme c'est généralement le cas des polices d'assurance-vie universelles.

La vaste majorité des gens n'ont plus besoin d'assurance-vie une fois à la retraite, car leur maison est payée, leur patrimoine est bâti et leurs enfants sont autonomes (sauf dans le cas d'un enfant lourdement handicapé). Ils seraient très bien servis avec une assurance-vie temporaire qui les couvre pour 10 ou 20 ans, par exemple.

Le mythe de l'impôt

Mais certains représentants font miroiter l'attrait fiscal de l'assurance-vie universelle. Ils exagèrent la capacité d'accumuler de l'argent à l'abri de l'impôt, constate M. Tremblay. La fausse représentation est une autre source fréquente de litiges.

Il est vrai qu'après le décès, le montant versé aux bénéficiaires de l'assurance-vie n'est pas imposable. «C'est un immense avantage», indique Denis Preston,

Mais l'assurance-vie n'est pas exempte d'impôt pour autant. En fait, l'impôt se cache à trois niveaux.

D'abord, les primes d'assurance-vie sont taxables à hauteur de 2,55% par Québec. Les taxes s'appliquent sur l'ensemble de la prime, y compris la portion investissement, précise M. Preston.

Ensuite, la compagnie d'assurance doit payer un impôt fédéral de 15% sur les revenus de placement brut réalisés par les polices, année après année. Même si le client ne voit pas l'impôt, il en paie indirectement à travers la compagnie d'assurance. Ceci dit, le taux reste souvent inférieur au taux d'imposition sur les revenus d'intérêt, mais il est parfois supérieur au taux d'imposition du gain en capital.

Enfin, il faut payer de l'impôt si l'on retire de l'argent de la police de son vivant. Cet impôt est quasi impossible à calculer, sauf pour la compagnie d'assurance (car il faut tenir compte du coût de base rajusté), prévient M. Preston.

Mais plus les années passent et plus la facture d'impôt devient imposante. Et c'est sans compter les frais de retraits importants que l'assureur prélève si on met fin ou si on retire de l'argent de la police au cours des 10 premières années.

En somme, l'assurance-vie universelle est un outil plutôt «neutre» sur le plan fiscal, estime Daniel Laverdière, expert-conseil à la Financière Banque Nationale.

Avant d'y avoir recours, les planificateurs financiers suggèrent donc à leurs clients de rembourser leurs dettes et de maximiser leur REER et leur CELI où l'argent fructifie à l'abri de l'impôt.

Encore-là, peu de Québécois sont dans une situation aussi enviable.

Assurance-retraite: danger

Malgré tout, l'assurance-vie universelle est souvent présentée comme une façon de maximiser ses revenus de retraite.

Grosso modo, on suggère d'investir dans une police qui pourra être donnée en garantie afin d'obtenir un prêt au moment de la retraite. Si les retraits de la police sont imposables, l'argent qui est emprunté ne l'est pas.

«Mais ça peut être dangereux. Le concept explose quand les gens meurent trop vieux», dit Éric Brassard, CA planificateur financier et associé au cabinet de services financiers intégrés Brassard Goulet Yargeau.

Imaginez une personne de 78 ans qui doit gérer une dette de 800 000$ avec une police d'une valeur de 1,2 million. Elle sait que son créancier peut lui prêter jusqu'à 75% de la valeur de la police et que si elle dépasse ce seuil, rien ne va plus. «C'est l'horreur!» dit M. Brassard.

«Et pourtant, le concept d'assurance-retraite est vendu à profusion», déplore-t-il.

Quand ça vaut la peine

Mais il ne faut pas croire que l'assurance-vie universelle est un mauvais outil en-soi. Tout dépend de l'usage. «C'est comme si vous utilisez un marteau pour frapper votre voisin, ce n'est pas la faute du marteau», compare M. Brassard.

Utilisé intelligemment, l'assurance-vie universelle est parfois imbattable. «D'un point de vue successoral, c'est merveilleux», affirme M. Brassard.

Certaines personnes ont réellement un objectif successoral. Ce sont des gens qui tiennent absolument à léguer des sommes à leurs héritiers, quitte à se sacrifier de leur vivant. Ou encore, ce sont des personnes très bien nanties qui ont plus d'argent qu'il ne leur en faut pour vivre jusqu'à leur mort.

L'assurance-vie permanente est alors une option. Dans ce cas, les primes ne sont pas un coût. La police produit un rendement intrinsèque.

«Le montant versé en primes est plus bas que le capital d'assurance récupéré après le décès. Il se crée un taux interne de rendement entre ce que le client verse en prime et ce que la succession va recevoir au décès. Même si le client paie uniquement la prime, sans faire de contributions excédentaires», explique M. Brassard.

Du point de vue des héritiers, c'est très rentable. L'assurance-vie bat les autres placements non enregistrés à plates coutures, affirme M. Brassard, grilles de calculs à l'appui.

Mais la question est: «Est-ce que je veux me priver de mon vivant pour enrichir mes héritiers?» Le commun des mortels n'a pas le luxe de se poser cette question.