«Vous vous souviendrez certainement (ou peut-être pas, ce qui serait bien naturel !) de l'analyse de ma situation financière que vous aviez présentée dans votre article du 26 septembre 2009, intitulé Endettée, mais riche de temps, nous écrit Lucie. Ma situation financière était plus que précaire.»

En instance de divorce, elle était devenue locataire après la vente de la propriété familiale. Elle avait alors accumulé des dettes de 30 900 $.

Elle détenait 9800 $ en REER et souhaitait prendre sa retraite à 70 ans, avec un revenu net de 28 500 $.

Pour atteindre ses objectifs de retraite, le planificateur financier Richard La Ferrière, de TD Waterhouse, lui avait recommandé de verser 185 $ par mois dans un REER et de réduire son loyer afin de rembourser ses dettes en 18 à 24 mois. Elle pourrait ensuite songer à s'acheter une petite propriété, comme elle en avait le projet.

«Eh bien ce printemps, nous annonce Lucie, je vais toucher un héritage assez important, et je me disais que, peut-être, avec l'aide du même analyste financier, vous pourriez écrire une suite à cet article, dans lequel, en fonction des données de 2009, il présenterait ses conseils en matière de remboursement des dettes, de REER, de fonds d'urgence, d'achat d'une propriété... Qu'en pensez-vous ?»

Pourquoi pas ?

Manque de discipline

Le 26 septembre 2009, nous concluions : «Tout ce programme dépend de la réduction de ses dettes et d'un meilleur contrôle de ses dépenses. Heureusement, elle a du temps devant elle.»

Que s'est-il passé depuis ?

«Elle n'a pas suivi le plan, observe Richard La Ferrière, après l'avoir rencontré de nouveau. Elle n'a pas mis les 185 $ par mois dans son REER.» Son compte a atteint 13 000 $, mais surtout sous la poussée de l'embellie boursière.

Et elle n'a pas acquitté ses dettes. Elle les a même accrues. Avant d'apprendre l'arrivée prochaine d'un héritage, Lucie a fait une proposition de consommateur à ses créanciers, pour des dettes totalisant 31 000 $. Elle a également contracté une dette de 1300 $ auprès de son frère. Pour compliquer les choses, elle vient de subir un accident de voiture et devra se procurer un nouveau véhicule.

Et c'est là-dessus que cet héritage providentiel de 111 000 $ tombe du ciel. Avec cette somme, elle entend acquitter la proposition de consommateur et consacrer 12 000 $ à l'achat d'une voiture. Elle réserve encore 5000 $ pour son compte d'épargne libre d'impôt (CELI).

Cet héritage, cependant, relance des projets ambitieux. Lucie a en vue une propriété de 330 000 $. Les droits de mutation et les frais d'inspection, de notaire, de déménagement et de rénovation s'élèveraient à 12 000 $. Elle pourrait ainsi consacrer 50 000 $ à la mise de fonds.

Elle prévoit un emprunt hypothécaire de 280 000 $, avec un taux d'intérêt de 5,44 % et un amortissement sur 30 ans, pour une mensualité de 1599 $, assurance hypothécaire comprise.

Et c'est ici que Richard La Ferrière met les freins.

La proposition de consommateur impose une cote de crédit de R9 - la pire -, qui sera ramenée à R7 lorsqu'elle aura remboursé ses créanciers. Avec cette étiquette, il lui sera très difficile d'obtenir un prêt hypothécaire au taux avantageux qu'elle envisage.

Pour contourner cet obstacle, Lucie compte sur son frère - à qui elle doit déjà 1300 $ - pour endosser l'emprunt hypothécaire. «Je n'ai aucune idée de la solvabilité de son frère», observe Richard La Ferrière. Mais il a une idée assez juste de celle de Lucie. Mêler la famille à un emprunt, dans ces conditions et avec cet historique, préparerait le terrain à des relations orageuses.

Déjà, avec une mensualité de 1599 $, plus les impôts fonciers et les frais de chauffage, on atteint 32 % des revenus bruts. C'est la limite du ratio de l'amortissement brut de la dette (ABD), critère courant des prêteurs hypothécaires.

On ne peut songer à étirer l'amortissement sur 35 ans : les nouvelles règles annoncées par le ministre des Finances Jim Flaherty limiteront sa durée à 30 ans à partir du 18 mars.

Enfin, même un amortissement sur 30 ans excèderait les 23 années qui séparent Lucie de la retraite... dans l'hypothèse où elle resterait effectivement sur le marché du travail jusqu'à 70 ans !

Bref, l'héritage providentiel, mal employé, pourrait bien enfoncer Lucie encore davantage dans les difficultés financières. Même une maison moins coûteuse présente des risques. «Jusqu'à présent, elle n'a pas démontré le sérieux nécessaire, observe Richard La Ferrière. Il faudrait qu'elle se discipline davantage.»

Le planificateur recommande une voie plus prudente. Les 50 000 $ destinés à l'achat de la maison devraient plutôt prendre le chemin de son REER. Pour alléger son budget et lui éviter de retomber dans l'endettement, il lui suggère de trouver un logement avec un loyer moins coûteux que les 1200 $ actuels. Lucie devrait se contraindre verser chaque mois dans son REER les 400 $ supplémentaires qu'elle destinait à l'hypothèque. Avec ces mesures, en supposant un rendement moyen de 6 %, elle aurait accumulé 435 000 $ à 70 ans. En continuant de cotiser au régime de retraite de son employeur, elle serait alors en mesure de soutenir le coût de vie de 30 000 $ qu'elle vise pour la retraite.

Lucie a une seconde chance.