Imaginez si l'argent poussait dans les arbres, mais que personne n'allait cueillir les billets de banque dans les branches! C'est exactement ce qui se passe au Canada avec la pension de la Sécurité de la vieillesse, le supplément de revenu garanti, le Bon d'étude canadien... Des milliers de contribuables ne vont pas chercher les prestations gouvernementales auxquelles ils ont droit. Et souvent, ce sont ceux qui en auraient le plus besoin.

Saviez-vous que vous pourriez être admissible à l'Allocation-Logement? Anne-Marie Millaire pose toujours la question quand elle reçoit des ménages pour une consultation budgétaire, à l'ACEF de l'Est. Souvent, les gens n'ont jamais entendu parler de ce programme. «Régulièrement, je remets le petit dépliant», raconte la conseillère budgétaire.

Ce programme géré par la Société d'habitation du Québec peut donner un sérieux coup de main aux personnes à faibles revenus qui consacrent une part trop importante de leur budget au logement. La prestation va jusqu'à 80$ par mois, soit 960$ pour une année entière. «Pour les gens qui ont des petits revenus, c'est énorme! On se fait des amis», blague la conseillère.

Mais tous ceux qui ne l'ont pas consultée restent dans le noir.

Bien d'autres programmes gouvernementaux demeurent sous-utilisés par la population, a constaté Richard Shillington, directeur de Tristat Resources, dans un document de recherche préparé pour le Groupe de travail sur la littératie financière.

Par exemple, 160 000 aînés admissibles ne reçoivent pas leur pension de la Sécurité de la vieillesse (PSV) qui peut s'élever jusqu'à 6200$ par année. Cela représente près de 1 milliard de dollars par année.

Idem pour le Supplément de revenu garanti qui peut valoir jusqu'à 7900$ à une personne vivant seule qui a de maigres revenus. Jusqu'à 150 000 aînés s'en privent. Des femmes en grande majorité, généralement très âgées.

Pourtant, ces programmes jouissent d'une grande notoriété: 95% des aînés reçoivent leur dû. Mais comme il y a plus de quatre millions d'aînés au Canada, les 5% qui ne font pas la demande restent très nombreux. Le gouvernement a beau leur envoyer un formulaire prérempli, seulement de 41 à 71% des prestataires le retournent.

Trop de programmes méconnus

D'autres programmes passent carrément dans le beurre parce qu'ils sont méconnus du public et des personnes admissibles. C'est le cas du Bon d'études canadien qui permet aux familles dont les revenus sont inférieurs à 41 000$ par année, de recevoir jusqu'à 2000$ pour financer les études de leur enfant. De l'argent tombé du ciel!

Mais le taux de participation est inférieur à 20%, a déjà indiqué à La Presse Affaires, Ressources humaines et Développement des compétences Canada. Partout au pays, environ 800 000 enfants ne reçoivent pas leur Bon.

Le taux de participation est encore plus faible pour le Bon canadien pour l'épargne-invalidité qui rapporter jusqu'à 20 000$ aux familles qui ont un enfant handicapé. À peine 8% des personnes admissibles s'en sont prévalus.

«Il y a tellement de programmes qui ont été lancés pour les gens invalides, les personnes qui ont leurs parents à charge, les aidants naturels... Mais c'est compliqué. C'est gens-là devrait consulter pour aller chercher le maximum. Ça peut représenter des gros sous», insiste M. Stéphane Leblanc, fiscaliste associé chez Ernst&Young.

D'un programme à l'autre, les règles varient, les processus changent. Souvent, le bénéficiaire doit faire des demandes séparées, car il n'y a pas de guichet unique. Parfois, la demande est intégrée à la déclaration de revenus... un problème pour ceux qui ne font pas leurs impôts: «On le voit chez les jeunes qui ont de faibles revenus. Ils sont sûrs de ne pas payer d'impôt. Ils ne comprennent pas l'importance de faire une déclaration», dit Mme Millaire. Dommage, car ils perdent des crédits.

Et ceux qui font leur déclaration eux-mêmes doivent être attentifs pour ne pas échapper des «bonbons», comme le nouveau crédit à la Solidarité, un regroupement des anciens crédits de TVQ, d'impôt foncier et de villages nordiques. «J'ai l'impression que les gens vont oublier ça, cette année, craint M. Leblanc. Il faut qu'ils remplissent l'Annexe D dans leur déclaration 2010 pour recevoir le montant au mois de juillet 2011.»

En plus, ils doivent s'inscrire au dépôt direct, car le gouvernement n'enverra plus de chèque par la poste. L'argent sera versé directement dans les comptes bancaires. Cela permettra de réduire les coûts. «Mais ça peut être un frein pour des gens qui sont au seuil de la pauvreté et qui n'ont jamais ouvert de compte de banque», admet M. Leblanc.