Le message de l'Office de la protection du consommateur est très clair : fini les frais cachés dans les publicités. Mais les grands transporteurs aériens au Canada n'ont toujours pas suivi l'ordre de la tour de contrôle.

Ils refusent de se conformer au nouvel article de la Loi sur la protection du consommateur (LPC) qui exige que toutes les entreprises affichent un prix total incluant tous les extras : frais, surcharge et taxes sauf la TPS et la TVQ.

La loi est entrée en vigueur le 30 juin dernier. Plusieurs industries ont modifié leurs pratiques commerciales. Mais pas les transporteurs aériens. «Ils sont apparus assez rapidement sur notre radar», dit Me André Allard, avocat à l'Office de la protection du consommateur (OPC).

Le 8 octobre, l'OPC a donc envoyé une mise en demeure à Air Canada, Porter Airlines, West Jet et Air Transat.

Porter, West Jet et Air Transat souhaitent discuter avec l'OPC. «Nous avons accepté de voir quels sont les problèmes auxquels ils font face, sans que ça nous amène à tolérer une pratique», a dit Me Allard.

Air Transat a déjà fait un pas dans la bonne direction. Depuis la mi-novembre, la publicité de ses billets d'avions présente le prix de base en gros caractères, ainsi que le montant total de tous les extras juste en dessous du prix, de manière très visible. Les consommateurs peuvent rapidement additionner les montants pour connaître leur déboursé réel.

Par contre, Air Canada a informé clairement l'OPC qu'elle n'avait pas l'intention de se conformer à la loi. «Nous avons entrepris une enquête formelle, pour recueillir des éléments de preuve qui vont nous permettre de déposer une poursuite pénale contre Air Canada», a expliqué Me Allard.

En cas de culpabilité, Air Canada serait passible d'une amende allant de 2000$ à 100 000$. En cas de récidive, ces montants peuvent doubler.

Air Canada fait aussi face à un recours collectif, pour des raisons semblables. La demande a été déposée cet été conjointement par l'Union des consommateurs et par un individu qui a dû payer plus cher que le prix annoncé pour ses billets.

Or, Air Canada estime que «les nouvelles dispositions de la Loi sur la protection du consommateur ne s'appliquent pas aux transporteurs aériens dans la vente de billets d'avion», nous a dit la porte-parole Isabelle Arthur.

«Le transport aérien est une activité de juridiction fédérale, régie par des règles fédérales, et supervisée par des organismes fédéraux dont Transport Canada, l'Office des transports du Canada et le Bureau de la concurrence du Canada», a-t-elle précisé.

Mais l'OPC rejette cet argument. «Nous sommes tout à fait conscients que les activités de transport aérien sont de juridiction fédérale. Cependant, lorsqu'une entreprise conclut un contrat avec un consommateur au Québec, elle est assujettie à la LPC», affirme Me Allard.

Les banques canadiennes ont déjà fait valoir devant les tribunaux qu'elles n'étaient pas assujetties à la LPC, étant elles-aussi de juridiction fédérale. Elles ont été déboutées. Mais elles pourraient porter la cause jusqu'en Cour suprême.

Pour contourner ce débat constitutionnel, le gouvernement fédéral aurait pu intervenir pour encadrer la publicité dans le transport aérien, qui pose problème d'un océan à l'autre. Mais Ottawa a toujours refusé de s'en mêler, malgré les demandes de plusieurs provinces et de groupes de pression comme la Coalition pour la protection des voyageurs.

Tant qu'il n'y aura pas de loi pan-canadienne applicable uniformément à tous les transporteurs (canadiens et étrangers) Air Canada ne changera pas le cap. «Imaginez le casse tête pour un consommateur habitant Gatineau qui verrait une grande différence de prix pour les mêmes trajets en comparaison des annonces publiées à Ottawa», dit Mme Arthur.

Et tant qu'un grand joueur comme Air Canada affichera des prix artificiellement bas, tous les autres transporteurs risquent d'en faire autant, pour que leurs prix paraissent concurrentiels.

Ainsi, Porter Airlines qui est en exploitation depuis seulement 2006, explique qu'elle fait comme les autres. «Cette pratique existait depuis longtemps. Nous avons simplement suivi», s'est défendu le porte-parole Brad Cicero.

Dans les discussions avec l'Office, Porter veut «être certain que tout le monde s'entend sur la manière dont la nouvelle législation s'applique aux transporteurs aériens», dit-il. La loi doit s'appliquer à tous, sinon personne ne la suivra. Et les consommateurs devront continuer de scruter les frais cachés à la loupe.