Au début de chaque trimestre, La Presse Affaires demande à quatre stratèges d'exposer comment ils répartiraient une mise de 50 000$ destinée à un REER. Ils font ici le point avec nous sur les surprises boursières et obligataires de juillet à septembre, nous expliquent ce qu'ils voient pour l'avenir immédiat et ajustent leur portefeuille en conséquence.

L'année en cours est riche en rebondissements pour les gestionnaires de portefeuille qui sortent d'un trimestre qui leur aura permis de récupérer amplement les pertes du printemps.

Les quatre experts consultés par La Presse affichent un rendement d'au moins 5% après neuf mois alors qu'ils étaient tous dans le rouge le 30 juin.

La hardiesse aura payé plus que la prudence puisque le rendement des actions a supplanté facilement celui des obligations et ce, quel que soit le marché privilégié.

La hardiesse a profité d'autant que ce sont les marchés émergents et les actions non américaines qui ont offert les meilleures plus-values.

Voilà pourquoi Luc Girard, directeur, groupe conseil en portefeuille, chez Valeurs mobilières Desjardins, a redressé complètement sa situation au cours des trois derniers mois. Il persiste et signe en ramenant de 30% à 20% sa position en obligations. Il redistribue à parts égales ce dixième de son portefeuille dans les quatre catégories d'actions.

«On est vraiment engagés dans une reprise, explique-t-il. Les obligations vont être en danger. Les marchés boursiers sont peu chers, la preuve, c'est la reprise des fusions et acquisitions.»

Vincent Delisle, stratège chez Scotia Capitaux, réduit aussi sa pondération en titres à revenus fixes, mais de trois points de pourcentage seulement. «Le marché obligataire est vulnérable, mais on est loin encore d'une remontée grotesque, substantielle des taux d'intérêt, en particulier aux États-Unis.»

Il juge exagéré le pessimisme des investisseurs à qui il prédit des surprises quand seront publiés les bénéfices des entreprises au troisième trimestre, dans les prochains jours. Il ajuste donc son portefeuille en vue d'une remontée du S&P 500 à 1225 points et des obligations américaines de 10 ans à 3%.

Il note que le ratio cours-bénéfice se situe à 14, alors que la moyenne historique est de 15. Il souligne surtout que la Bourse américaine est toujours dans une phase baissière séculaire. Il ne faut donc pas exclure des retours de l'indice de référence américain près de la marque de 1000.

«Pour déclencher un marché haussier, il faudrait une hausse des taux d'intérêt telle qu'elle ferait mal aux obligations», explique-t-il, un scénario peu probable avant 2012.

Benoit Mayer Godin, stratège quantitatif chez Banque Nationale Groupe financier, partage cette vue d'un scénario de fourchette. «Il existe des poches de brouillard, explique-t-il. Qu'arrivera-t-il avec les baisses d'impôt de George W. Bush qui arrivent à échéance le 1er janvier? Il y a aussi les risques de protectionnisme.»

Malgré tout, il choisit de garder une surpondération en actions, mais la diminue quelque peu au bénéfice de l'encaisse. Le segment des actions américaines passe de 18% à 10%, mais celui des canadiennes gagne deux points à 30%.

«On voit la parité du huard et du billet vert d'ici trois mois», justifie-t-il.

Bien que la croissance canadienne soit désormais lente comme l'américaine, la Bourse de Toronto devrait profiter davantage du dynamisme des économies émergentes. L'indice S&P/TSX est très concentré dans le secteur des ressources et de l'or en particulier.

François Bourdon, chef adjoint des placements chez Fiera Sceptre Capital, conserve 45% de ses billes dans les revenus fixes, mais avec 15% en encaisse. «Depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, les détentes monétaire et fiscale provoquaient une reprise rapide. Pas cette fois-ci.»

Aux États-Unis en particulier, cela est attribuable à la profondeur du trou creusé par la Grande Récession. «Une croissance nominale (en dollars courants) du PIB de 4% comme maintenant, c'était synonyme de récession en termes réels par le passé», souligne-t-il. Cette fois-ci, la très faible inflation fait la différence, mais elle est aussi garante d'une croissance molle durable.

La réduction des leviers financiers, jumelée au vieillissement de la population, freine la reprise, à ses yeux.

Comme Vincent Delisle, il s'attend à ce que les profits des entreprises américaines surprennent. «Elles ont bien géré leurs coûts malgré un chiffre d'affaires stagnant. Mais ce sera le dernier trimestre de profits surprenants», nuance-t-il.

M. Bourdon reconnaît que les pays émergents vont bien et qu'on assiste peut-être à un lent découplage structurel entre eux et les économies avancées.

Cela dit, les économies émergentes vont ralentir parce qu'elles dépendent encore trop de leurs exportations vers l'Occident où la croissance sera lente. Il ajoute que «les guerres de devise» dont on voit les premières manifestations vont leur faire du tort.

Il ne place rien, par conséquent, dans ce véhicule alors que les trois autres y augmentent modestement leur mise.