Un des plus anciens bureaux de design québécois se trouve, surprise, à Québec.

De prime abord, la capitale nationale évoque davantage vieilles pierres et fonctionnaires que design et entreprises manufacturières. Honteux préjugés: une douzaine de consultants en design industriel y sont répertoriés.

Au fil de ses quelque 30 ans d'existence à Québec, le doyen, GID Design Industriel, a multiplié les secteurs d'intervention - transport, équipement médical et électronique, produits d'aménagement résidentiel, sports...

Son directeur, Marc Jacques, est lui-même de Québec - il est le frère du comédien Yves Jacques. «Québec n'est pas une ville manufacturière comme Montréal, mais d'un autre côté, ça nous a permis de toucher à bien des domaines, autant dans le public que dans le privé», énonce-t-il.

Certains projets, il est vrai, sont typiques de la capitale. En 2007, GID a conçu une nouvelle table de greffiers pour l'Assemblée nationale. L'ancienne, qui datait de la construction du Parlement, était plus appropriée aux écritoires et aux bouteilles d'encre qu'aux ordinateurs et aux communications électroniques.

Les projets de mobilier urbain sont une source importante de contrats à haute visibilité, et Québec n'y fait pas exception. GID a ainsi créé en 2008 une nouvelle poubelle urbaine pour la ville, «moins chère que les poubelles précédentes, qui étaient en métal et en bois», précise M. Jacques.

Conçue principalement par la designer Isabelle Proulx, cette poubelle comprend deux contenants amovibles, l'un pour les déchets ordinaires et l'autre pour les matières recyclables. Ils sont insérés dans un corps évasé de forme ovale, strié de rainures verticales, sur lequel se rabattent deux couvercles.

Leur forme conique leur permet de s'emboîter pour l'entreposage, et facilite leur manipulation pendant la vidange. «Le contenant prend sa place quand il tombe, indique Marc Jacques. Il n'y a pas de manipulations difficiles ou qui demandent de la précision.»

Le corps est déposé sur un support en acier en forme de U. Subtil détail, les branches de ce U sont ornées à leur sommet d'un bouton moulé en aluminium, à l'image du vaisseau emblématique de la ville.

Corps et contenants sont fabriqués par rotomoulage en polyéthylène. Ce plastique résiste aux chocs et sa surface d'aspect paraffiné rend la tâche des graffiteurs plus ardue. Il est plus léger que l'acier, un avantage marqué pour les employés appelés à manipuler les poubelles.

Approprié aux petites séries, le rotomoulage consiste à faire tourner un moule creux sur deux axes, de telle manière que les particules de plastique qu'il contient se répandent et fondent sur sa surface intérieure chauffée. Une fois le plastique refroidi, on ouvre le moule et on obtient une pièce creuse. Ce procédé a longtemps été réservé aux larges pièces grossières, dont ni la qualité de surface ni la précision n'importaient. Mais le procédé se raffine et gagne de plus en plus ses lettres de noblesse, notamment à l'instigation des Italiens, qui lui trouvent des applications surprenantes - baignoires rétroéclairées, lavabos, fauteuils, luminaires...

C'est dans cet esprit que GID a mis à profit les possibilités esthétiques de ce procédé pour un autre client, Twist Production. Ce fabricant de produits rotomoulés leur avait confié la conception d'un luminaire de jardin qui se démarquerait des habituelles petites bornes lumineuses.

L'équipe de GID lui a donné la forme conique d'un thuya. «On est allés vers le cèdre parce que c'est un arbuste résistant qu'on trouve souvent dans les aménagements au Québec», explique Marc Jacques.

Le luminaire, d'un blanc laiteux et translucide, mesure 60 cm à sa base et 150 cm de hauteur. Pour texturer sa surface, la matrice de production a même été tapissée de feuillage de cèdre. «Quand on l'allume, décrit le designer, on voit ces petits changements de tonalité, et quand on y touche, on a un peu sur les mains la sensation du papier de riz.»

Québec brille...