Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Jacques Chartrand, de Selexia.

Quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse? Tout le monde attendait depuis plusieurs semaines les résultats financiers des entreprises pour le deuxième trimestre. Et jusqu'à maintenant, les résultats sont bons et même meilleurs que prévu dans certains cas. C'est pour ça que le marché a aussi bien fait cette semaine. Plus important encore à mon avis est l'annonce hier matin de la hausse plus forte qu'anticipé des mises en chantier et des permis de bâtir aux États-Unis. Et quand même pas mal plus fort que prévu. Il s'agit de bonnes nouvelles pour l'économie.

Quel indicateur surveillez-vous le plus attentivement en ce moment?

La construction est importante. La production automobile aussi. Les ventes d'autos prennent du mieux. La production automobile va s'améliorer au troisième trimestre. Ce ne sera pas une surprise car la production avait été pratiquement arrêtée. La production de voitures est un facteur non-négligeable. Ça indique une amélioration de l'économie. Les ventes au détail sont à oublier. Elle n'ont pas été bonnes en juin et elles ne le seront pas non plus en juillet. L'été est mauvais jusqu'ici et l'impact se fait sentir sur les ventes au détail.

Que feriez-vous avec 10 000$ à investir?

Si vous avez 20 ans, il n'y a aucun problème à mettre ça en Bourse. Si vous avez 70 ans, oubliez le marché boursier. Je veux dire que si votre horizon de placement est de 5 à 10 ans, il n'y a aucun problème avec le marché boursier actuellement. Sur 2 à 3 ans, c'est une autre affaire. Le marché boursier a beaucoup monté récemment, mais je pense qu'il va maintenant y avoir une transition dans les prochains trimestres. D'ici six mois, les gens ne diront plus «on vient de monter de 40% en Bourse», les gens vont plutôt commencer à parler du marché en disant, par exemple, qu'il est à 10 fois les bénéfices ou 12 fois les bénéfices. Les gens vont arrêter de parler d'où on vient. Ils vont parler de la Bourse en fonction d'un multiple. En 2005, personne ne parlait du marché par rapport au creux de 2003.

Il faut toutefois savoir que nous allons avoir un mal de tête tantôt. Il y a des risques. Les stimulis planétaires sont sans précédents. On ne pourra pas avoir un déficit de 12% du PIB américain de façon éternelle. Ce problème devra être réglé. Il va y avoir une croissance économique plus faible dans quelques mois. Ça va être moins bon pour la Bourse. Est-ce que le gouvernement va hausser les impôts? Va-t-on alors retomber en récession? D'ici un an, il va falloir que le gouvernement augmente les impôts ou qu'il diminue les dépenses. Sinon la cote AAA du pays va être menacée pour vrai. À court terme, ça va bien. À moyen terme, c'est autre chose.

Quel placement faut-il éviter?

Je ne touche pas aux obligations à long terme du gouvernement. Les obligations du Canada de 5 ans offrent 2,5% de rendement. Ça n'a pas de bon sens. Le moindre dérapage sur l'inflation fait perdre du capital. J'aime autant avoir du court terme à un demi de un pourcent pendant trois mois ou six mois. J'aime mieux souffrir un peu plus pendant environ un an. Je ne monopoliserais pas du capital dans les obligations à long terme.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus en ce moment?

La reprise économique de façon générale est sous-estimée même si les marchés boursiers ont bien fait récemment.

Quelle erreur les investisseurs ne doivent pas commettre?

La bonne nouvelle en ce moment, c'est qu'il n'y a pas de bulle. Il n'y a pas d'optimisme démesuré dans le marché. Les gens sont encore plutôt négatifs. Il n'y a rien qui se transige à 30 ou 40 fois les bénéfices.

Jacques Chartrand est président de Gestion de portefeuille Selexia, un gestionnaire sous-traitant pour Natcan. Il est responsable des actions canadiennes institutionnelles et supervise près de 2 milliards de dollars d'actifs sous gestion. Il travaille dans le domaine financier depuis 1987.