La petite caravane ultralégère montre un profil d'aile d'avion épaissie. «L'Alto, c'est mon Airbus A380.» Pas tant dans le gigantisme que dans le défi technique. Daniel Nadeau sait de quoi il parle: il a déjà fabriqué son propre avion en kit.

Président de Safari-Condo, une entreprise de réaménagement de fourgonnettes pour le camping, il rêvait d'une caravane légère et aérodynamique, qui pourrait être tractée facilement par une voiture ordinaire. Chez lui, l'efficacité est une passion de longue date. «Pendant que mes amis faisaient des starts avec leur Camaro, moi je calculais la consommation d'essence de ma Datsun», raconte-t-il.En 2005, cette obsession s'est transposée sur les caravanes, ces grosses caisses aussi finement profilées qu'une boîte de mouchoirs.

«Aucun manufacturier de roulotte ne donne la traînée aérodynamique de ses modèles», indique-t-il. Pour l'évaluer, il a acheté une caravane standard de 16 pi, l'a modélisée, et a pu calculer son coefficient de traînée.

Ensuite, il s'est mis au travail. Résultat, sa caravane Alto, à une vitesse de 110 km/h, crée 70% moins de traînée qu'un modèle traditionnel.

Malheureusement, les profils aérodynamiques en forme d'aile ont ceci d'ennuyeux qu'ils sont très peu habitables. Daniel Nadeau a trouvé la solution. Sur le terrain de camping, le toit s'entrouvre comme le couvercle d'une boîte-cadeau, pivotant sur une longue charnière placée à l'avant. Le centre du plafond gagne ainsi environ 0,5 m en hauteur, tandis que l'arrière s'élève de près de 1,5 m.

Cette ouverture, contrôlée par des vérins électriques, laisse un interstice en forme de croissant entre le toit et les parois latérales. Il aurait pu être fermé par des panneaux d'aluminium solidaires du toit, comme les pattes du couvercle de la boîte-cadeau précitée. Mais «un petit véhicule sans fenêtre, c'est comme un sous-marin», décrit Daniel Nadeau. Il a plutôt utilisé des panneaux de verre trempé fumé, qui procurent une luminosité digne d'une cathédrale.



Problèmes techniques


Daniel Nadeau avait prévu que la conception prendrait deux ans. Il lui en a fallu trois. À produit d'exception, problèmes exceptionnels.

La moulure qui court le long du toit, par exemple. Pas question de la faire en plastique: sur les caravanes traditionnelles, cette extrusion casse sous la contraction au froid, supérieure à celle des panneaux d'aluminium qu'elle joint.

Daniel Nadeau la voulait en aluminium. Plus facile à dire qu'à faire: il faut cintrer l'extrusion rigide en une courbe parabolique. Un exercice tordu qu'un sous-traitant du Lac-Saint-Jean à réussi a réaliser, après avoir consommé 400 kg d'aluminium en essais et ajustements.

Les parois latérales et le toit sont des panneaux sandwich, constitués à l'intérieur d'une feuille d'aluminium et à l'extérieur d'Alu-fiber - une feuille d'aluminium plaquée d'une fine couche de fibre de verre afin d'en augmenter la résistance. Elles doivent être collées sous très forte pression de part et d'autre d'une structure en nid d'abeille. On avait recommandé à Daniel Trudeau une presse mécanique grand format fabriquée en Italie. Le prix de 2 millions a suscité un accès de créativité. L'entreprise a mis au point une presse sous vide, qui procure plus que la pression nécessaire à une fraction du coût: moins de 30 000$.

Passer les fils dans ces panneaux minces est un autre exploit. Pour atteindre le ventilateur de plafond, au centre du toit, les travailleurs utilisent une mèche de 48 po, enfoncée à 30° pour ne pas induire de faiblesse dans la structure en nid d'abeille.

Les parois latérales, non retenues par le toit, devaient être rigidifiées autrement. Ce sont les armoires intérieures qui les maintiennent en place.

À l'intérieur, le soin apporté aux détails est à l'avenant. Les cloisons des armoires au fini en simili-bois sont jointes par des extrusions d'aluminium doucement arrondies, elles-mêmes assemblées avec des coins moulés en plastique. La courbe du plan de travail épouse celle du frigo. Daniel Trudeau ne lésine pas sur la qualité: il a mis le meilleur essieu et les meilleurs pneus disponibles.

L'exploit technique impose un prix - entre 24 000 et 30 000$ - qui place l'Alto au 2e rang des caravanes de son format.

Il lui reste encore un problème à résoudre: répondre à la demande, qui afflue du Canada, des États-Unis et d'Europe. «Je suis bien entouré pour l'administration, assure-t-il. Mais ce que j'aime, c'est la recherche et le développement.» Il planche actuellement sur une caravane Alto plus étroite de 16 po, pour les voitures compactes. Elle gagnerait encore 25% en traînée. Ne restera plus qu'à la faire voler.